« Les choses absurdes sont les seules agréables, les seules belles, les seules qui donnent de la grâce à la vie et qui nous empêchent de mourir d'ennui. Un poème, une statue, un tableau raisonnable feraient bâiller tous les hommes, même les hommes raison
Extrait du document
Plus que nulle autre, notre époque s'impose par son amour du nouveau, de l'inédit, voire de l'étrange ou de l'inaccoutumé. On peut trancher d'un mot en disant qu'elle a privilégié l'absurde au point de l'ériger en théorie littéraire, sinon en système philosophique. Albert Camus n'a-t-il pas fondé naguère avec le Mythe de Sisyphe, l'« absurdisme » ? Mais le surréalisme de l'autre après-guerre, ou le « lettrisme » de M. Isidore Isou, ou la peinture cubiste, et particulièrement la peinture d'un Dubuffet, faite avec de la boue séchée, ou les papiers collés d'un Matisse et la sculpture de conserves détériorées, ne sont-ils pas autant de modes de cette absurdité générale de l'Art contemporain ? Il semble qu'Anatole France ait été une manière de devin extraordinaire lorsqu'il a écrit au début de ce siècle : « Les choses absurdes sont les seules belles... Un poème, une statue, un tableau raisonnable feraient bâiller tous les hommes, même les hommes raisonnables. » Nous allons tenter d'éclairer ce paradoxe d'Anatole France à la lumière de l'art actuel, et des formes les plus traditionnelles de l'art universel.
«
« Les choses absurdes sont les seules agréables, les seules belles, les seules qui donnent de la grâce à la
vie et qui nous empêchent de mourir d'ennui.
Un poème, une statue, un tableau raisonnable feraient
bâiller tous les hommes, même les hommes raisonnables.
» (Livre de mon ami).
Que pensez-vous de cette
boutade d'Anatole France ?
Plus que nulle autre, notre époque s'impose par son amour du nouveau, de l'inédit, voire de l'étrange ou de
l'inaccoutumé.
On peut trancher d'un mot en disant qu'elle a privilégié l'absurde au point de l'ériger en théorie
littéraire, sinon en système philosophique.
Albert Camus n'a-t-il pas fondé naguère avec le Mythe de Sisyphe, l' «
absurdisme » ? Mais le surréalisme de l'autre après-guerre, ou le « lettrisme » de M.
Isidore Isou, ou la peinture
cubiste, et particulièrement la peinture d'un Dubuffet, faite avec de la boue séchée, ou les papiers collés d'un
Matisse et la sculpture de conserves détériorées, ne sont-ils pas autant de modes de cette absurdité générale de
l'Art contemporain ? Il semble qu'Anatole France ait été une manière de devin extraordinaire lorsqu'il a écrit au début
de ce siècle : « Les choses absurdes sont les seules belles...
Un poème, une statue, un tableau raisonnable feraient
bâiller tous les hommes, même les hommes raisonnables.
»
Nous allons tenter d'éclairer ce paradoxe d'Anatole France à la lumière de l'art actuel, et des formes les plus
traditionnelles de l'art universel.
I.
- EXPLICATION :
Que l'Art est déraisonnable
Si l'on veut considérer cette boutade avec un certain sérieux, on pourra remarquer le caractère exceptionnel du
style de l'œuvre d'art, du génie créateur.
L'œuvre belle choque toujours.
Elle bouleverse, étonne et détonne.
« Le premier qui compara la femme à une rose,
dit Gérard de Nerval, était un poète ; le second était un imbécile.
» Le raisonnable est ce qu'approuve une raison
vulgaire, dépourvue de toute originalité, un bon sens étroit, vide, mesquin, intolérant.
L'absurde en sculpture a
donné le Guattamelata en équilibre sur sa boule, et le chef-d'œuvre de Donatello a été tenu pour absurde par ses
contemporains ; ou le Colleone à Venise, et Verrochio a été considéré comme un fou de faire tenir en l'air la patte
de son cheval ; ou le Maréchal Ney de Rude, dont la posture comporte six fautes de position anatomique ; ou les
chimères gothiques; ou les sculptures baroques.
Absurde est le réalisme du Milon de Crotone, de Pierre Puget ;
absurde, le Balzac de Robin, absurde la Barbara de Lipchitz.
Mais la maison de verre de Le Corbusier et Janneret estelle plus absurde que cette église tout en verre qu'est la Sainte-Chapelle ?
Mallarmé ou Valéry n'ont rien à envier à Scève ou à Parny :
« Le jour où l'Hélicon m'entendra sermonner Mon premier point sera qu'il faut déraisonner...
»
Il s'agit donc de montrer :
1.
Que toute œuvre d'art, de quelque origine et de quelque niveau de culture qu'elle soit, est absurde dans la stricte
mesure où elle est belle.
2.
Que seule la médiocrité — l'éloquence d'un Fléchier, la poésie d'un Delille, la peinture d'un Carolus Durand —
apparaît comme logique, claire, facile et compréhensible.
3.
Que l'illogisme, le scandale, le choc psychologique, sont les vrais signes de l'art.
L'Absurde est le critère du génie.
II.
- DISCUSSION
Apologie de la beauté rationnelle
1.
Il existe, de Paul Souriau, grand esthéticien français du début de ce siècle, un ouvrage qui porte ce titre : La
Beauté rationnelle, et qui est une défense vigoureuse de la logique dans l'Art.
C'est un fait que la cathédrale de
Beauvais, à cause de l'absurdité de ses quarante-huit mètres de hauteur de voûte, n'a jamais pu être finie.
Absurde
est le Baroque, le style rocaille ou rococo.
Absurde est le poème épique mythique consacré à Francus ou à Henri IV,
à la Pucelle ou à Lucrèce.
Absurde était le mouvement Dada de l'autre après-guerre.
Qu'est-il resté des
exagérations du surréalisme ? Que peut-on lire encore de Breton, Soupault ou même Tzara ? Y a-t-il autre chose
que du « canular » dans Persiennes ou dans les premières pages du Traité du Style ?
2.
Il y a donc dans l'excessif, dans le scandaleux, dans le choquant, un élément de caducité pour l'œuvre d'art.
La
littérature absurde est amenée à disparaître, comme la peinture absurde serait vouée à l'échec.
Aussi la préciosité
est morte, et tout ce qui est rajoutis, fioritures et addenda, ornements superflus et œuvres utopiques, doit faire
place à l'unité et à la simplicité raisonnables.
On peut se déprendre d'une œuvre qui paraît trop sacrifier à la raison, car :
« Les hommes, la plupart, sont étrangement faits : Dans la juste nature on ne les voit jamais...
»
Sans mesure, point d'art possible..
»
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