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L'erreur provient de l'ignorance - SPINOZA

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L'erreur provient de l'ignorance L'erreur consiste dans une privation de connaissance ; mais, pour l'expliquer plus amplement, je donnerai un exemple : les hommes se trompent en ce qu'ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu'ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par où ils sont déterminés ; ce qui constitue donc leur idée de la liberté, c'est qu'ils ne connaissent aucune cause de leurs actions. Pour ce qu'ils disent en effet : que les actions humaines dépendent de la volonté, ce sont des mots auxquels ne correspond aucune idée. Car tous ignorent ce que peut être la volonté et comment elle peut mouvoir le corps [1. De même, quand nous regardons le soleil, nous imaginons qu'il est distant de nous d'environ deux cents pieds, et l'erreur ici ne consiste pas dans l'action d'imaginer cela, prise en elle-même, mais en ce que, tandis que nous l'imaginons, nous ignorons la vraie distance du soleil et la cause de cette imagination que nous avons. SPINOZA

« L'erreur provient de l'ignorance L'erreur consiste dans une privation de connaissance ; mais, pour l'expliquer plus amplement, je donnerai un exemple : les hommes se trompent en ce qu'ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu'ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par où ils sont déterminés ; ce qui constitue donc leur idée de la liberté, c'est qu'ils ne connaissent aucune cause de leurs actions.

Pour ce qu'ils disent en effet : que les actions humaines dépendent de la volonté, ce sont des mots auxquels ne correspond aucune idée.

Car tous ignorent ce que peut être la volonté et comment elle peut mouvoir le corps [1.

De même, quand nous regardons le soleil, nous imaginons qu'il est distant de nous d'environ deux cents pieds, et l'erreur ici ne consiste pas dans l'action d'imaginer cela, prise en elle-même, mais en ce que, tandis que nous l'imaginons, nous ignorons la vraie distance du soleil et la cause de cette imagination que nous avons.

SPINOZA QUESTIONS 1. 2. a. b. 3. Dégagez l'idée principale et l'argumentation de ce texte. Expliquez : « ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par où ils sont déterminés ». « l'erreur ici ne consiste pas dans l'action d'imaginer cela ». L'ignorance est-elle l'unique source de nos erreurs ? QUESTION 1 Spinoza pose ici deux problèmes : celui de l'erreur et celui de la liberté.

L'erreur provient d'une connaissance partielle, « mutilée et confuse » : c'est ce que Spinoza appelle une « idée inadéquate ».

Errer, c'est être privé de l'idée adéquate.

La liberté des hommes lui sert d'exemple : ils se croient libres alors qu'ils sont déterminés.

Les hommes ignorent la véritable raison des choses, d'où la superstition, les préjugés, les imaginations. QUESTION 2 a.

Les hommes qui ignorent les vraies causes des choses confondent tout : ils ressentent spontanément ce qu'ils font, et en déduisent qu'ils sont libres.

Mais la liberté est une illusion : « J'appelle libre une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature », dira ailleurs Spinoza.

L'homme libre est celui qui connaît cette nécessité.

Celui qui se croit libre vit d'un point de vue particulier, partiel, ignorant le tout qui lui ferait comprendre la vérité.

Le tout est la seule vérité.

L'homme est une partie de ce tout : pour s'élever au vrai, il doit se comprendre comme tel.

Il n'est pas « un empire dans un empire ». b.

L'erreur ne provient pas de ma perception : même si je connais la vraie distance de la terre au soleil, ma perception sensible le verra toujours « distant d'environ deux cents pieds ».

L'erreur provient de l'ignorance enveloppée, contenue, dans cette perception : une ignorance inaperçue.

Ainsi, ma perception du soleil n'est pas une erreur, c'est « une idée mutilée et confuse » : je me trompe si je crois pouvoir affirmer la vérité à partir de ce que je ressens.

Cette connaissance, que Spinoza appelle connaissance du premier genre (imaginatio), est une connaissance confuse, source d'illusions, d'erreurs.

Cette connaissance n'est plus possible dès que l'homme comprend la raison des choses : il est alors dans la vérité.

Il conçoit les choses comme nécessaires. QUESTION 3 (pistes de réflexion) — Chez Spinoza, l'ignorance est un défaut de connaissance.

Elle génère l'erreur : l'ignorant se trompe sur la qualité de ses connaissances et prend pour vrai ce qui n'est qu'une opinion fausse ou incertaine.

Il n'utilise pas sa raison critique. — Par contre, l'ignorance philosophique, celle de Socrate par exemple, qui dit « je sais que je ne sais rien » donne accès à la quête du savoir. — Nos erreurs proviennent sans doute de notre ignorance, mais : — l'ignorance, au sens de manque de connaissance, peut être aussi inhérente à l'époque : ignorer la théorie de la relativité d'Einstein au XVIII siècle, ignorer la découverte de l'ADN au début du siècle, etc., n'est pas une erreur puisque les hommes de science n'en avaient pas du tout connaissance ; — l'ignorance, au sens philosophique, n'aboutit pas à l'erreur, mais elle peut aboutir au scepticisme : le vrai est inaccessible, aucune vérité n'est possible. Soutenir que l'ignorance est l'unique source de nos erreurs, c'est affirmer qu'il suffit de savoir pour ne pas se tromper.

Or une telle affirmation mérite d'être au moins nuancée.

D'une part en effet, un individu instruit, compétent dans son domaine, peut commettre une erreur de jugement par légèreté ou précipitation.

L'erreur met parfois en cause davantage notre volonté que notre ignorance.

Ensuite, dans le domaine de l'action, la connaissance théorique ne suffit pas : l'efficacité technique, c'est-à-dire le fait d'atteindre le but que l'on visait, a pour condition un savoir-faire que ne livre pas la seule instruction mais bien plutôt l'expérience, l'apprentissage.

Enfin, ce serait sans doute avoir une conception superficielle de l'erreur que d'oublier que derrière la plupart d'entre elles, opèrent des désirs, des craintes ou des espoirs.

Ce qui explique la persistance de croyances que l'on sait être pourtant irrationnelles ou déraisonnables.

L'erreur a souvent la ténacité de l'illusion. Toutefois, même en admettant le bien-fondé de toutes ces réserves, on peut continuer à penser avec Spinoza que, finalement, toutes ces sources possibles d'erreur se réduisent à un défaut de connaissance.

Celui qui sait vraiment appréciera en effet l'importance d'un problème et ne le traitera pas à la légère.

Celui qui dispose d'un authentique savoir-faire ne commettra jamais d'erreur et n'échouera qu'en raison de facteurs qu'il ne pouvait pas prévoir.

Enfin, nos connaissances ont le pouvoir de régler notre désir.

Nul ne désire ce qu'il sait être impossible.

Le savoir peut donc dissiper les aspirations déraisonnables qui animent nos illusions et nos préjugés.

L'homme parfaitement rationnel et suffisamment instruit ne se trompera donc jamais. Mais cet homme existe-t-il ? L'ignorance est sans doute la source de toutes nos erreurs ; mais elle est aussi pour l'homme une condition indépassable.

Jamais le progrès du savoir n'y remédiera complètement.

Ce savoir, même sous sa forme aujourd'hui la plus noble, la science, ne doit pas s'entendre comme une somme de vérités.

La connaissance n'est pas le contraire de l'erreur ; elle est entre le vrai et le faux, elle est hypothétique.

Le savoir n'est autre que l'ensemble des énoncés qui ne sont pas considérés comme des erreurs.

Mais les « vérités », et surtout celles de la science moderne, sont par essence provisoires, historiques, toujours en attente d'une réfutation.

La science assume aujourd'hui le caractère hypothétique de son savoir. Ainsi pouvons-nous conclure que l'ignorance est autant à la source de nos erreurs que de nos « vérités », sachant que celles-ci ne sont que des hypothèses, en attente de devenir des erreurs dépassées.

L'opposition tranchée entre le vrai et le faux cesse d'être pertinente dès lors que la connaissance humaine renonce à être parfaite et définitive.. »

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