L'erreur peut-elle jouer un rôle dans la connaissance scientifique ?
Extrait du document
«
Il s'agit ici de s'interroger sur le rapport entre la vérité et l'erreur.
Peut-on affirmer que l'erreur joue un rôle dans
l'élaboration de la vérité ? N'est-ce pas ici une question reposant sur une contradiction ? Au demeurant en effet,
l'erreur n'a aucun rôle à jouer dans la constitution de la vérité, on peut même dire qu'elle est son antithèse et qu'elle
s'oppose à sa manifestation.
Il faut donc que vous donniez un sens à ce rapport en le justifiant.
En fait, il ne s'agit
pas d'une contradiction mais d'un paradoxe.
Car la vérité n'est pas nécessairement l'autre de l'erreur.
Bien sûr, elles
semblent fondamentalement opposées, mais la vérité étant précisément (comme le sujet l'indique) le fruit d'une
élaboration et pas seulement d'un simple " constat ", on peut estimer qu'elle se construit en éliminant des
connaissances mal faites comme l'écrit l'épistémologue Bachelard dans La formation de l'esprit scientifique.
A ce
titre, la vérité est la suppression progressive des erreurs que nous avons spontanément tendance à faire ou que
l'histoire de nos connaissances contient de façon plus ou moins nette.
Ainsi, une révolution scientifique par exemple
est " révolutionnaire " en tant qu'elle met fin à des erreurs anciennes que l'on prenait pour des vérités.
[La théorie du phlogistique expliquait, au XVIIIe siècle, la combustion et l'oxydation.
Les difficultés de
cette théorie ont abouti à la découverte de l'oxygène et à une meilleure théorie de la combustion.]
Une erreur peut conduire à une découverte
On connaît tous l'histoire de Christophe Colomb a découvert l'Amérique alors qu'il croyait faire route vers les
Indes.
Pareillement, dans l'histoire des sciences, de nombreuses découvertes ont été le fruit d'une erreur.
Une
des grandes théories erronées qui ont conduit à des découvertes est celle du phlogistique (qui signifie
«inflammable» en grec).
La célèbre théorie du phlogistique était fausse
Le phlogistique expliquait, au XVIIIe siècle, la combustion et l'oxydation.
Une oxydation (par exemple, la
formation de la rouille sur le fer) et la combustion étaient expliquées par une perte de phlogistique.
La
question qui s'est alors posée était la suivante: pourquoi, dans le cas de l'oxydation, une perte de phlogistique
se traduit-elle par une augmentation du poids du métal ?
Lavoisier, après avoir fait calciner du plomb, a découvert que ce qui restait était plus lourd que le plomb initial,
ce qui contredisait la théorie du phlogistique.
Et voici ce qu'il a supposé : après cette découverte le plomb a
fixé de l'oxygène.
La création est donc toujours consécutive à la découverte.
Le phlogistique permet la découverte de l'oxygène
Parce que les corps calcinés subissent une diminution de leur volume, les anciens chimistes imaginaient encore
au xviiie siècle l'existence d'un corps baptisé par eux «phlogistique», que la combustion libérerait.
La
démonstration (par Priestley, puis par Lavoisier) de ce que les corps passés au feu entrent en combinaison
avec l'oxygène de l'air (d'où l'augmentation de leur poids) réduisit cette théorie à néant.
Fausse «évidence»,
mépris d'une donnée pourtant très palpable (l'augmentation du poids après combustion) : on tient là le type
même de ces «vérités premières», dont seule une rupture épistémologique est à même de montrer l'inanité.
[Les théories fausses conduisent à la découverte de leur fausseté.
Ce n'est pas tant la théorie du
phlogistique qui a entraîné la découverte de l'oxygène, mais plutôt ce que le phlogistique n'expliquait
pas.]
L'erreur freine le progrès.
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