l'émotion est-elle constitutive de l'oeuvre d'art ?
Extrait du document
«
Marcel Duchamp écrivait « Un mauvais art est quand même de l'art, comme une mauvaise émotion est quand même
une émotion » Aussi, l'émotion n'est pas forcément une émotion devant la beauté, on peut ressentir de la gêne, un
sentiment de laideur, d'indifférence.
Aussi, devant n'importe quelle œuvre d'art, nous ressentons une émotion, nous
cherchons à connaître notre sentiment devant elle, nous voulons savoir si nous l'avons apprécié.
L'émotion est ce
qu'on ressent en premier en face d'une œuvre d'art puis vient le jugement, qui peut se transformer en jugement de
valeur d'où émane parfois des critiques.
1) Ce qu'est l'émotion esthétique.
Dans la Critique du jugement (1790), Kant commence par démentir qu'il soit
possible de fixer « une règle d'après laquelle quelqu'un pourrait être obligé de
reconnaître la beauté d'une chose ».
Le jugement esthétique est donc
subjectif ; c'est un jugement réfléchissant, susceptible de varier d'un sujet à
l'autre, et qui s'oppose par là au jugement logique, déterminant, lequel,
reposant sur des concepts, est invariable.
Le plaisir, éminemment changeant,
est-il dès lors le seul critère du Beau ? Oui, à la condition que l'on s'avise que
ce qui plaît n'est pas une matière sensible, mais la forme que revêt cette
matière.
Le plaisir est donc désintéressé, il ne concerne pas le contenu, qui
ne suscite en nous que de l'agrément.
Et, s'il y a plaisir, c'est que s'accordent
en moi l'imagination et l'entendement, sans que l'entendement régisse, comme
dans le jugement de connaissance, l'imagination.
Pourquoi le jugement de
goût, qui est exclusivement subjectif, peut-il donc prétendre à l'universalité ?
Parce que « chez tous les hommes, les conditions subjectives de la faculté de
juger sont les mêmes » ; sans cela, « les hommes ne pourraient pas se
communiquer leurs représentations et leurs connaissances ».
D'où
l'affirmation : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept.
»Le « je »
ne peut donc énoncer la règle générale à laquelle l'objet beau serait
susceptible de servir d'exemple ; la beauté implique par là même une « légalité
sans loi ».
Et la finalité à laquelle renvoie le Beau est immanente à la forme
elle-même : elle ne suppose aucune fin qui pourrait être située hors de l'objet ; c'est donc une « finalité sans
fin ».Dès lors, « ce ne sont ni des règles ni des prescriptions, mais seulement ce qui ne peut être saisi à l'aide de
règles ou de concepts, c'est-à-dire le substrat suprasensible de toutes nos facultés, qui sert de norme subjective ».
Ce substrat, c'est l'Idée esthétique que nous révèle le libre jeu de l'imagination, et qui ne saurait devenir
connaissance, parce qu'elle est intuition à laquelle ne correspond aucun concept.
On voit ici dans quelle mesure la
Critique du jugement est appelée à équilibrer, chez Kant, la Critique de la raison pure : car une idée théorique de la
raison, de son côté, ne peut devenir connaissance parce qu'elle est concept auquel ne correspond aucune intuition.
·
« Est beau ce qui plaît universellement sans concept ».
Ø « Ce qui plait universellement »: Le fait que cette satisfaction soit universelle, valable pour tous découle de la
première définition.
En effet nous avons vu qu'être sensible à la beauté relève d'une sensibilité purifiée de la
convoitise, de la crainte, du désir, du confort ...
bref de tous les intérêts particuliers.
Ce plaisir éprouvé n'est
donc pas celui d'un sujet enfermé dans sa particularité et ce dernier peut à juste titre dire: « c'est beau »,
comme si la beauté était dans l'objet.
Il peut légitimement s'attendre à ce que tout autre éprouve la même
satisfaction.
Ø « sans concept »: « L'assentiment universel est seulement une Idée ».
Il n'y a pas de preuve pratique ou
conceptuelle de la beauté.
On juge et on sent que cette musique ou cette montagne sont belles mais on ne
peut le prouver.
Il n'y a pas de règles a priori du beau.
En langage kantien, le sujet esthétique n'est pas
législateur.
En science le sujet légifère, retrouve dans la nature les règles nécessaires, universelles qu'il y a
mises pour connaître quelque chose.
En art le sujet ne peut légiférer car le jugement porte sur un objet singulier,
telle fleur, telle œuvre musicale.
S' il veut trouver quelque chose d'universel dans cette rose-ci, il faudra qu'il
l'envisage sous l'aspect du règne végétal ou de la fleur en général; s'il veut trouver quelque chose d'universel
dans une musique, il faudra qu'il l'envisage sous l'angle des règles de composition.
Il aura des concepts mais
point de beauté: « quand on juge des objets simplement par concepts toute représentation de la beauté se
perd ».
C'est ce qui peut arriver quand un traque d'art explique un poème...
Comme la beauté est toujours saisie
sur un objet concret, matériel, singulier, il n'y a pas de règles universelles du beau.
Le jugement de goût n'est
pas un jugement de connaissance.
1) L'art contemporain produit-il encore des émotions ?
D'autant que notre participation à l'expérience esthétique nous engage toujours plus.
Ne soyons pas trop sur nos
gardes, comme si l'œuvre cherchait à nous mystifier ; elle nous dit plutôt : voulez-vous jouer avec moi ? Cette
œuvre illustre fort bien la théorie, en gros husserlienne, selon laquelle l'objet esthétique ne s'accomplit vraiment, le
temps d'un regard ou d'une audition, que dans la perception qu'elle sollicite.
Si elle est précaire, inachevée, ouverte,
c'est pour mieux requérir la perception active d'un spectateur qui doit être un peu un exécutant, presque un
virtuose, autant qu'un juge.
Et en effet, si le public a d'abord été – est encore souvent – déconcerté par cette
négation scandaleuse de l'œuvre, il en est venu à l'admettre et à l'attendre : il veut entrer dans le jeu, il veut être
de la fête.
La fête : c'est bien l'un des pôles qui aimante l'art contemporain et sa contestation de l'œuvre.
Avec l'art.
»
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