l'émotion a-t-elle une finalité ?
Extrait du document
«
Introduction
On peut définir l'émotion comme un trouble de l'adaptation des conduites : « J'entends par émotion un choc
brusque, souvent violent, intense, avec augmentation ou arrêt des mouvements : la peur, la colère, le coup de
foudre en amour, etc.
En cela je me conforme à l'étymologie du mot émotion, qui signifie surtout mouvement »
(Ribot, Logique des sentiments).
Aussi ce terme s'est élargi jusqu'à tous les phénomènes affectifs, tel que le plaisir
et la douleur : « nous appellerons émotions les sensations considérées au point de vue affectif, c'est-à-dire comme
plaisir et douleurs, et nous réserverons le nom de sensations pour les phénomènes de représentation » (P.
Janet,
Traité de philosophie).
L'émotion comme trouble de la conduite renvoie à une expérience complexe difficile à décrire,
mais elle renvoie particulièrement à une disposition du sujet, d'un sujet d'ailleurs pas forcément conscient de ce qui
l'affecte.
La finalité de l'émotion renverrait ainsi, au-delà de sa logique structurée, à l'intimité du sujet lui-même.
I.
la psychologie de l'émotion
a.
Jusqu'à William James (1884), on a dit que l'émotion était un trouble de la conscience, cause des désordres
organiques.
James, avec qui commence l'histoire moderne de l'émotion, a renversé la problématique.
Il ne faut plus
dire « je vois un ours, j'ai peur et je tremble », mais « je vois un ours, je tremble et j'ai peur ».
Il y aurait un courtcircuit entre la perception et les manifestations corporelles, et c'est la conscience de ces troubles qui serait
l'expérience émotive.
Mais il apparaît que contre cela, l'émotion n'est pas cette conscience qu'on aurait des troubles
organiques (je tremble), et qu'elle n'est pas réductible au vécu conscient.
Ainsi la perspective fonctionnaliste
ouverte par Dewey (1895), dans la ligne de Darwin, montre que l'émotion est un mode de comportement
manifestant la lutte pour l'adaptation.
Et le fait organique de trembler, ainsi que la peur, apparaissent en même
temps.
b.
Certains montreront que l'émotion (comme la peur) peut-être une réaction d'alerte devant un danger.
Ainsi
toute perception s'accompagne d'un affect et éveille une motivation d'approche ou d'évitement.
Sentiments et
motivations sont présents dans tous nos comportements, qu'il s'agisse de la manifestation de besoins biologiques (la
faim), ou de conduites très socialisées.
Dans l'émotion, il y a une forte motivation, mais toute forte motivation
n'engendre pas de processus émotifs.
L'étymologie en témoigne : motivation et émotion viennent de movere, mais
l'émotion traduit que nous sommes mus hors de nous-mêmes, c'est-à-dire troublés.
c.
Une action doit être jugée par rapport à son but, et l'émotion apparaît quand les exigences de la situation sont
disproportionnées avec les possibilités du sujet.
L'émotion est une sorte de désorganisation par rapport à certaines
fins.
Darwin montrait l'aspect utile de l'émotion correspondant à une mobilisation du sujet.
Les conduites émotives
peuvent être employées d'une manière efficace quand elles restent notre seule ressource (la fuite devant le danger,
la colère contre l'obstacle).
Elles sont à la fois un raté de l'action et des tentatives maladroites d'adaptation que
l'expérience nous apprend à utiliser.
d.
P.
Janet disait que « la grande cause de l'émotion, c'est la surprise ».
Elle peut venir d'une situation qui n'est
pas forcément nouvelle, mais sa soudaineté nous empêche de mobiliser les réponses habituelles.
Les mimiques
indiquent elles aussi le langage de l'émotion.
Ces expressions sont modelées par le milieu social, et les expressions
volontaires des émotions correspondent à des réactions stéréotypées caractéristiques d'une culture.
Avec Freud,
nos émotions sont perçues comme des processus de décharge dont la source devait être recherchées dans les
conflits inconscients.
II.
l'affectivité
a.
Chez Kant, l'émotion (l'affect) est un sentiment qui ne laisse aucune place à la réflexion.
L'émotion est
irréfléchie tandis que la passion nécessite une raison, elle réfléchit pour
atteindre son but.
L'émotion est véridique au sens où elle est de bonne foi et
sincère, car sans aucun rapport avec la raison.
Alors que la passion est
perfide puisqu'elle se place par rapport à la raison.
L'émotion est pour Kant
une surprise causée par l'impression sensible.
Elle n'est donc pas
intentionnelle (comme le désir).
La soumission aux émotions pour Kant est
pathologique.
L'émotion est pour Kant le paroxysme affectif, il ignore ainsi les
émotions calmes (cf.
Anthropologie d'un point de vue pragmatique, § 7388).
b .
Alors que pour Kant, l'émotion est quelque chose de soudain, pour
Aristote, l'émotion est dans la durée, dans un déroulement, dans une
narrativité, puisqu'elle ressort d'une disposition.
Ainsi avec Aristote, on peut
éduquer nos émotions, dans la vie quotidienne comme dans les œuvres d'art.
Les émotions sont constitutives des vertus.
L'émotion est intentionnelle, elle
est dirigée vers un objet, en général particulier.
Elle est ainsi un mode
d'attention.
Aussi, elle est un mode de réponse à des situations.
L'émotion
d'un sujet prouve ce qu'il pense ; ainsi, elle est communication.
L'homme est
pour Aristote responsable de ses émotions, puisqu'il peut les dompter (cf.
Ethique à Nicomaque, II, 2 ; III, 1 et 2).
c.
Le concept d'affectivité apparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle
(concept aux frontières entre la philosophie et la psychologie).
Le terme
« affect », quant à lui, remonte à la seconde moitié du XVIIIe siècle et
désigne le sentiment, l'émotion, voire la passion.
La question de l'affectivité, en tant que le sujet est touché par.
»
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