LEIBNIZ: Mettez-vous à la place d'autrui
Extrait du document
«
Mettez-vous à la place d'autrui, et vous serez dans le vrai point de vue
pour juger ce qui est juste ou non.
On a fait quelques objections contre cette grande règle, mais elles
viennent de ce qu'on ne l'applique point partout.
On objecte par exemple
qu'un criminel peut prétendre, en vertu de cette maxime, d'être pardonné
par le juge souverain, parce que le juge souhaiterait la même chose, s'il
était en pareille posture.
La réponse est aisée.
Il faut que le juge ne se
mette pas seulement dans la place du criminel, mais encore dans celle
des autres qui sont intéressés que le crime soit puni.
(...) Il en est de
même de cette objection que la justice distributive demande une
inégalité entre les hommes, que dans une société on doit partager le gain
à proportion de ce que chacun a conféré *, et qu'on doit avoir égard au
mérite et au démérite.
La réponse est encore aisée.
Mettez-vous à la
place de tous et supposez qu'ils soient bien informés et bien éclairés.
Vous recueillerez de leurs suffrages cette conclusion qu'ils jugent
convenable à leur propre intérêt qu'on distingue les uns des autres.
Par
exemple, si dans une société de commerce le gain n'était point partagé à
proportion, l'on n'y entrerait point ou l'on en sortirait bientôt, ce qui est
contre l'intérêt de toute la société.
RAPPEL: LA MONADE CHEZ LEIBNIZ
Ce terme renvoie à l'unité spirituelle élémentaire dont tout ce qui existe est
composé.
La monade est à la métaphysique ce que le point est à la géométrie à la fois unique et en nombre infini.
Il n'y
a pas chez Leibniz de dualisme (d'un côté l'âme et de l'autre l'esprit).
Mêmes les minéraux ou les végétaux possèdent
une dimension spirituelle ! Il y a des monades douées de mémoire chez les animaux, des monades douées de raison
comme chez les hommes.
Aucune monade ne ressemble à une autre.
Chacune d'elles représente le monde de manière
toujours particulière et plus ou moins claire, à la manière de miroirs plus ou moins bien polis.
A la faveur de la bonté et
de l'omniscience divines, toutes les monades constituent un tout harmonieux, car chacune est comme un monde
fermé, sans portes ni fenêtres, cad sans communication.
BIEN LIRE LE TEXTE
L'intérêt du texte, qui en fait aussi la difficulté, consiste à bien articuler les deux alinéas qui le composent : le premier
expose une thèse générale, le second comporte des objections à cette thèse et des réponses à ces objections, qui
sont autant d'éclaircissements de la thèse énoncée initialement.
Il faudra veiller à ne pas considérer cette seconde
partie du texte comme une simple série d'exemples dont on pourrait se dispenser de l'analyse, ni, inversement, perdre
de vue la thèse principale qu'il s'agira de réexpliquer à partir des réponses aux objections.
Par ailleurs, le texte ne
comporte guère de difficultés de compréhension : ainsi l'expression de “ justice distributive ” doit-elle, pour être
entendue, être opposée à la justice commutative, la première attribuant à chacun selon ses mérites, la seconde
traitant tous les individus en égaux.
Thème : la prise en compte du point de vue d'autrui dans le jugement.
Thèse : la maxime selon laquelle il faut se mettre à la place d'autrui pour bien juger ne vaut que pour autant que l'on
sait l'appliquer en toute circonstance.
Plan du texte :
(Mettez-vous ...juste ou non) : énoncé de la thèse ;
(On a fait ...point partout) : annonce des objections et de la réponse ;
(On objecte...Soit puni) : première objection et réponse (le jugement du criminel) ;
(Il en est ...bien éclairés): seconde objection et réponse (le partage du gain).
RECHERCHER L'INTÉRÊT PHILOSOPHIQUE
La question de la justice est nettement rapportée ici à celle du jugement : pour être juste, il faut savoir bien juger.
Or,
qu'est-ce que bien juger ? Bien juger, c'est être objectif, neutre, impartial, c'est-à-dire quitter son propre point de vue
restreint pour se mettre à la place d'autrui.
Cette maxime de sens commun, Leibniz lui donne une signification
universelle en essayant de la défendre contre ses critiques : il y a des cas, dira-t-on, où il n'y a pas de sens à se
mettre à la place d'autrui.
À cela Leibniz répond qu'il faut au contraire éprouver les avis, les intérêts les plus divers
pour que naisse une justice véritable.
Dans quelle mesure des opinions contradictoires en fait peuvent-elles finalement
converger, voire concorder ? Est-il possible d'établir l'union des esprits, et à quelles conditions ? C'est à de telles
questions que mène le propos de Leibniz..
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