Leibniz: La connaissance ne vise-t- elle que la vérité ?
Extrait du document
La connaissance se
prend encore plus généralement, en sorte qu'elle se trouve aussi dans
les idées ou termes avant qu'on vienne aux propositions ou vérités. Et
l'on peut dire que celui qui aura vu attentivement plus de portraits
de plantes ou d'animaux, plus de figures de machines, plus de
descriptions ou de représentations de maisons ou de forteresses, qui
aura lu plus de romans ingénieux, entendu plus de narrations curieuses,
celui-là, dis-je, aura plus de connaissances qu'un autre, quand il
n'y aurait pas un mot de vérité en tout ce qu'on lui a dépeint ou
raconté ; car l'usage qu'il a de se représenter dans l'esprit
beaucoup de conceptions ou idées expresses et actuelles, le rend plus
propre à concevoir ce qu'on lui propose, et il est sûr qu'il sera
plus instruit et plus capable qu'un autre qui n'a rien vu, ni lu, ni
entendu, pourvu que dans ces histoires et représentations il ne prenne
point pour vrai ce qui n'est point, et que ces impressions ne
l'empêchent point d'ailleurs de discerner le réel de l'imaginaire,
ou l'existant du possible. [...]
Mais prenant la connaissance dans
un sens plus étroit, c'est-à-dire pour la connaissance de la vérité,
comme vous faites ici, monsieur, je dis qu'il est bien vrai que la
vérité est toujours fondée dans la convenance ou disconvenance des
idées, mais il n'est point vrai généralement que notre connaissance de
la vérité est une perception de cette convenance ou disconvenance. Car
lorsque nous ne savons la vérité qu'empiriquement, pour l'avoir
expérimentée, sans savoir la connexion des choses et la raison qu'il y
a dans ce que nous avons expérimenté, nous n'avons point de perception
de cette convenance ou disconvenance, si ce n'est qu'on l'entende
que nous la sentons confusément sans nous en apercevoir. Mais vos
exemples marquent, ce semble, que vous demandez toujours une
connaissance où l'on s'aperçoit de la connexion ou de l'opposition,
et c'est ce qu'on ne peut point vous accorder.
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