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LEIBNIZ

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La raison est la vérité connue dont la liaison avec une autre moins connue fait donner notre assentiment à la dernière. Mais particulièrement et par excellence on l'appelle raison, si c'est la cause non seulement de notre jugement, mais encore de la vérité même, ce qu'on appelle aussi raison a priori, et la cause dans les choses répond à la raison dans les vérités. C'est pourquoi la cause même est souvent appelée raison, et particulièrement la cause finale. Enfin la faculté qui s'aperçoit de cette liaison des vérités, ou la faculté de raisonner, est aussi appelée raison [...]. Or cette faculté est véritablement affectée à l'homme seul ici-bas, et ne paraît pas dans les autres animaux ici-bas; car [...] l'ombre de la raison qui se fait voir dans les bêtes n'est que l'attente d'un événement semblable dans un cas qui paraît semblable au passé, sans connaître si la même raison a lieu. Les hommes mêmes n'agissent pas autrement dans les cas où ils sont empiriques seulement. Mais ils s'élèvent bien au-dessus des bêtes en tant qu'ils voient les liaisons des vérités, les liaisons, dis-je, qui constituent encore elles-mêmes des vérités nécessaires et universelles. LEIBNIZ

« PRESENTATION DES "ESSAIS DE THEODICEE" DE LEIBNIZ Cet ouvrage tardif et volumineux, écrit dans un style exotérique, contraste avec les courts traités très ramassés et techniques que sont le Discours de métaphysique ou la Monadologie.

Il a pour objet la justice de Dieu.

Le néologisme « théodicée » est formé à partir des deux mots grecs de Dieu et de justice.

Leibniz (1646-1716) y reprend la question théologique lancinante de l'existence du mal dans le monde, qui semble une injure incompatible avec la puissance et la bonté divine.

Il prend ainsi la défense de la cause de Dieu, en juriste et en métaphysicien, grâce à son système de l'harmonie préétablie.

Il polémique le plus souvent avec Bayle, que le célèbre Dictionnaire historique et critique avait érigé au sein de l'Europe savante de la fin du grand siècle en figure de la lutte contre la superstition et avec qui la discussion critique sur ce sujet avait commencé dix ans plus tôt. Comment rendre le mal nécessaire et prouver, avec la raison, que le monde en est ainsi rendu meilleur, et non pas, selon toute apparence, plus mauvais ? Comment ce qui semble par excellence imperfection peut-il être le produit de l'être le plus parfait, qui, par sa puissance infinie, aurait pu l'éviter et qui, du fait de sa bonté infinie, n'aurait dû le tolérer ? Faut-il se contenter, comme l'a fait une partie de la tradition théologique, de réduire le mal à ce que l'homme créé libre a produit ? Ou symétriquement, faut-il considérer que l'homme ne peut rien, le destin étant inflexible et les voies de Dieu définitivement mystérieuses ? La raison est la vérité connue dont la liaison avec une autre moins connue fait donner notre assentiment à la dernière.

Mais particulièrement et par excellence on l'appelle raison, si c'est la cause non seulement de notre jugement, mais encore de la vérité même, ce qu'on appelle aussi raison a priori, et la cause dans les choses répond à la raison dans les vérités.

C'est pourquoi la cause même est souvent appelée raison, et particulièrement la cause finale.

Enfin la faculté qui s'aperçoit de cette liaison des vérités, ou la faculté de raisonner, est aussi appelée raison [...].

Or cette faculté est véritablement affectée à l'homme seul ici-bas, et ne paraît pas dans les autres animaux ici-bas; car [...] l'ombre de la raison qui se fait voir dans les bêtes n'est que l'attente d'un événement semblable dans un cas qui paraît semblable au passé, sans connaître si la même raison a lieu.

Les hommes mêmes n'agissent pas autrement dans les cas où ils sont empiriques seulement.

Mais ils s'élèvent bien au-dessus des bêtes en tant qu'ils voient les liaisons des vérités, les liaisons, dis-je, qui constituent encore elles-mêmes des vérités nécessaires et universelles. VOCABULAIRE: EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.

Le savoir empirique découle largement de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage toujours telle douleur).

Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un savoir scientifique ou expérimental.

En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme). A priori: Ce qui précède l’expérience, et n’est tiré que de l’esprit ou de la raison. Chez Kant, les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et de l’entendement (les catégories) rendent possible l’expérience (l’a priori est ici transcendantal).

Les marques de l’a priori sont l’universalité et la nécessité. L’expérience, quant à elle, n’offre que des généralisations et du contingent. En bon mathématicien (c'est l'un des découvreurs du calcul différentiel), Leibniz s'intéresse d'abord à la raison au sens de raison démonstrative, d'explication convaincante.

Mais les raisons dans le registre de la connaissance doivent exprimer les causes dans le registre de la réalité, le rationnel reproduisant ainsi la structure du réel. La correspondance des raisons qui nous convainquent avec les causes des choses est l'idéal de la connaissance.

Cet idéal satisferait pleinement au fameux « principe de raison suffisante », que Leibniz énonce ailleurs : « aucun fait ne saurait se trouver vrai, ou existant, aucune énonciation véritable, sans qu'il y ait une raison suffisante, pourquoi il en soit ainsi et pas autrement » (Monadologie, § 32).

Mais ce n'est qu'un idéal, et Leibniz ajoute : « Quoique ces raisons le plus souvent ne puissent point nous être connues ».

On comprend donc pourquoi Leibniz n'accorde qu'une place secondaire à la définition de la raison comme faculté humaine.

C'est du point de vue de l'entendement, de la sagesse et de la volonté divines qu'il faudrait se placer pour rendre raison des choses : « Dieu est la première raison des choses.

[...] Il faut donc chercher la raison de l'existence du monde [...] dans la substance qui porte la raison de son existence avec elle, et laquelle par conséquent est nécessaire et éternelle » (Essais de Théodicée, I, 7).

« Par la raison, dit encore Leibniz, on n'entend pas ici les opinions et les discours des hommes, ni même l'habitude qu'ils ont prise de juger des choses suivant le cours ordinaire de la nature, mais l'enchaînement inviolable des vérités » (Essais..., Discours, § 23).

C'est dans l'arithmétique et dans la géométrie que nous pouvons découvrir « ces éternelles lois de la raison », parce qu'elles sont régies par le principe de non-contradiction (« on ne saurait les nier sans pouvoir être mené à des absurdités »).

Quant aux autres vérités, ce sont les lois qu'il a plu à Dieu de donner à la nature, non par. »

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