L'échange n'a t-il de sens que s'il satisfait un interêt ?
Extrait du document
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L'échange est une opération de transfert de biens ou de services considérés comme équivalents.
La transaction a un caractère
économique, elle appartient à la sphère du commerce.
Acheter du pain, vendre une voiture, c'est céder un bien en contrepartie d'un
autre.
Echanger n'a donc d'intérêt que si les choses qui circulent entre les personnes sont différentes, hétérogènes entre elles.
Mais
l'échange ne se cantonne pas à la sphère économique et commerciale.
On parle d'échange amicaux ou amoureux, intellectuels ou
théoriques.
Mais ce qu'il y a de commun c'est la mise en présence des personnes et la communication des choses possédées.
De prime
abord, l'échange semble inclure la notion d'intérêt, mais l'échange ne peut-il se réduire qu'à cela, d'où la question : l'échange n'a-t-il de
sens que s'il satisfait un intérêt ? L'intérêt c'est ce qui est utile à un homme ou à une collectivité.
On parlera alors d'intérêt personnel ou
d'intérêt général.
L'échange est une opération de transaction entre deux parties consentantes.
Or si l'échange n'a de raison d'être que
dans la mesure où il satisfait un intérêt, comment faire en sorte que l'échange soit réciproque ? Peut-on et comment fonder la
réciprocité inhérente à toute échange sur des bases égoïstes ? Peut-on penser l'échange indépendamment de la notion d'intérêt ?
I
A : L'échange est né à partir du moment où l'homme s'est rendu compte qu'il était incapable de réaliser tous ses besoins seul.
L'universalité des besoins, leur partage par tous les membres d'une société et l'impossibilité de les satisfaire individuellement
entraînent l'échange c'est-à-dire la recherche d'équivalents des produits propres à satisfaire les besoins.
De plus comme le souligne
Aristote, pour qu'il y ait échange, il faut qu'il y ait « communauté d'intérêts » entre hommes.
C'est parce que le cordonnier a besoin
d'une maison et l'architecte de chaussures qu'ils peuvent échanger : ils ont besoin l'un de l'autre et de ce fait s'intéressent l'un à
l'autre.
L'échange est donc fondateur du lien social en raison de ce lien universel qu'est le besoin.
L'échange a donc sa raison d'être dans
l'intérêt personnel qu'a tout homme de réaliser tous ses besoins.
Or cet intérêt personnel étant l'affaire de tous, il devient un intérêt
commun qui est le fondement de la société.
B : La conception anthropologique de Hobbes à l'état de nature montre aussi à quel point l'homme est dans la nécessité de former une
société afin d'être protégé de ses semblables qui à l'état de nature s'apparentent plus à des loups qu'à des hommes.
L'état de nature
est un état de guerre de chacun contre chacun qui naît de la confrontation des désirs.
D'où la nécessité de former un pacte de
soumission dans lequel l'homme se dessaisit de son droit naturel au profit du souverain qui en contrepartie assure la sécurité de tous.
(
Léviathan chap 13 )
Dans la sphère économique et politique, l'intérêt semble être à la base de l'échange, mais qu'en est-il pour les relations qui n'entrent
pas dans cette sphère.
Faire de l'intérêt la base de tout échange n'est-ce pas affirmer implicitement que l'homme est un être égoïste ?
Ainsi n'existe-t-il pas des rapports humains où l'intérêt soit totalement exclu ?
II
A : Les relations amicales ou amoureuses peuvent être des exemples de relations humaines ou l'intérêt ne rentre pas en jeu.
Pourtant
si je suis ami avec telle personne n'est-ce pas parce que je partage quelque chose de commun avec elle : mon ami a les mêmes goûts
que moi en musique, en littérature…Or si mon ami est mon semblable que peut-il m'apporter ? L'ami n'est-il qu'un autre soi-même ? A
l'inverse puis-je encore être l'ami de quelqu'un qui ne partage pas mes goûts ? Aristote a montré dans l'Ethique à Nicomaque, au livre
VIII, que l'amitié pouvait avoir plusieurs formes : l'amitié peut avoir pour fondement soit le plaisir, soit l'utilité, soit le bien.
Or pour les
deux premières formes d'amitié, Aristote montre que l'ami n'est pas aimé pour lui-même mais par intérêt.
Si bien que dès que l'ami ne
m'est plus utile ou qu'il ne m'apporte plus de plaisir l'amitié se termine.
Ces deux sortes d'amitié sont fragiles parce qu'elles dépendent
de circonstances extérieures.
B : On peut même en dire autant des relations amoureuses.
En effet dans l'amour passion l'amant désire plus être aimé qu'aimer.
Cet
amour est captatif dans la mesure où l'amant cherche à s'approprier l'aimé pour qu'il satisfasse tous ses désirs.
L'amour captatif est un
amour égoïste car l'aimé est aimé non pas pour ce qu'il est mais pour ce qu'il me procure.
Ainsi, même dans les relations amoureuses ou amicales, l'intérêt semble pouvoir y trouver sa place, et semble par conséquent les
rendre inauthentique.
Or s'il semble impossible de parvenir a fonder l'échange sur autre chose que l'intérêt, il faut peut être
s'interroger sur ce que produit l'échange quand bien même il reposerait sur l'intérêt.
III
A : L'échange inter-individuel, qu'il s'agisse de celui entre citoyens, entre deux amis, entre deux amants n'est pas quantifiables, mais il
est producteur de valeur.
En effet l'échange est ce qui parfait la personnalité des individus, ainsi qu'une société et une civilisation
entière.
L'échange de paroles et de sens dans le comportement est donation de significations qui ouvrent l'humanité à la pensée, à
l'échange sous la forme de collaboration sociale, et aussi à la recherche commune de la vérité.
En produisant du sens et en ouvrant
l'homme à son humanité, l'échange montre à quel point l'homme ne peut vivre seul c'est-à-dire se passer d'autrui sous peine de
perdre son humanité.
Les études qui avaient été faites au XIXème siècle sur les « enfants sauvages » montraient qu'il n'y avait pas
d'humanisation des enfants en l'absence de relation avec le monde humain.
De même l'histoire de Robinson montre que la
déshumanisation guette celui qui perd tout contact avec autrui.
Ainsi, il est impossible de devenir un être humain et de continuer à
l'être hors de l'échange avec autrui, échanges de paroles et échanges affectifs.
Ainsi l'échange certes peut reposer sur l'intérêt, mais il
est aussi fondamentalement producteur d'intérêts pour le bien de l'humanité.
Conclusion :
Ainsi l'intérêt semble être au principe même de tout échange, que celui-ci soit d'ordre économique, amicale, amoureux.
Pour ce qui
concerne la sphère économique, l'intérêt est au principe même du lien social, mais pour ce qui concerne la sphère privée, l'intérêt est
source de discrédit et de perversion.
Ainsi afin de réconcilier le domaine publique et le domaine privé, il est possible d'affirmer que
l'échange est en son essence producteur d'intérêts pour l'humanité dans la mesure où il permet à l'homme de parfaire ses facultés
pour mieux réaliser son humanité..
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