Le vrai est-il ce que je crois vrai ?
Extrait du document
«
Le thème de l'énoncé porte explicitement sur la nature du vrai.
La nature du vrai doit être ici déterminée.
Cette
détermination doit permettre son identification – dire du vrai ce qu'il est.
Mais une telle entreprise de détermination
de la nature du vrai suppose la détention de critère(s) afin d'assurer l'identification du vrai.
La croyance que quelque
chose est vrai peut-elle faire office de critère de ce qui est vrai ?
Voilà posé le problème de l'énoncé.
Se demander si “ le vrai est ce que je crois vrai ” consiste à s'interroger sur la
possibilité d'une équivalence entre le vrai et ce qui est cru comme étant vrai.
Penser l'identité du vrai avec la
croyance au vrai (la croyance que telle chose est vraie) conduit à fonder le vrai en la croyance : le vrai est ce que
je crois être tel.
Proposition à laquelle peut être opposée l'existence d'une distinction entre le vrai et le vrai de la
croyance.
Existe-t-il une distinction entre le vrai de la croyance et le vrai comme tel ? Autour de ce problème s'articulent
plusieurs enjeux : premièrement, définir la croyance et le vrai pour en constater l'opposition ou l'identité, afin d'en
penser les conséquences ; puis, dans un second temps, se demander ce que peuvent être une croyance vraie et
une vérité crue, en vue d'évaluer la pertinence de leur distinction.
I.
La croyance vs.
le vrai : le problème de la vérité
La croyance se caractérise par sa nature indémontrable.
Lorsqu'une chose est crue, il s'agit d'un acte de foi, d'une
adhésion avec ce que l'on croit (le contenu de la croyance).
Et cette adhésion n'exige aucune justification.
La
croyance est un acte de la volonté qui adhère au contenu de la croyance sans préjuger de la rationalité de celuici : je crois parce que je veux croire [Pélage] ou parce que je peux croire [Augustin], mais jamais parce que l'on me
démontre la validité de ce que je crois.
Cet assentiment de la volonté dans l'acte de la croyance est un sentiment
tout intérieur : la croyance a pour lieu le cœur.
A ceci est opposé par principe, c'est-à-dire par définition, ce qu'est le vrai.
Le vrai ne suppose nulle adhésion du
cœur envers le contenu de telle ou telle proposition vraie.
Le vrai se démontre, et ne se situe pas en l'intériorité des
sentiments, mais est extérieur à la conscience qui le pense : le vrai est objectif.
Objectif et démontrable, cela veut
dire que l'on peut en faire l'investigation comme quelque chose qui nous est extérieur, un ob-jet.
Mais si le vrai est ce qui se démontre ou peut par principe être démontré, c'est par référence à la norme de la
connaissance : la vérité.
La vérité est ce que vise la démonstration.
Et ce qui est démontré en adéquation à la
vérité est le vrai.
Cette définition est exclusive de la croyance, de la croyance conçue comme ce qui ne peut être
démontré parce que résidant dans l'intériorité du cœur (sentiment) de celui qui croit.
Le vrai est donc distinct de ce
que je crois.
Mais qu'en est-il d'une croyance croyant en la vérité de son objet, autrement dit de ce que l'on croit
vrai ? Y aurait-il dès lors deux types distincts de vrai dont le premier (le vrai de la connaissance) serait démontrable
par référence à la vérité tandis que le second (le vrai comme objet de la croyance) serait vrai immédiatement, sans
exiger de démonstration ?
II.
La croyance vraie et la vérité crue
Distinguer deux types de vrai (le vrai de la connaissance et le vrai de la croyance) est un préalable nécessaire pour
comprendre le sens de l'énoncé.
En effet l'enjeu de l'énoncé consiste à se demander si ces deux types distincts de
vrai sont identiques : si le vrai de la connaissance est le vrai de la croyance.
Le problème d'une croyance vraie (“ ce que je crois vrai ”) est que la croyance, en tant qu'indémontrable, semble
exclure la notion de vérité puisque celle-ci requiert la démonstration.
Mais si la vérité d'une croyance ne peut être
démontrée (contrairement à l'entreprise des philosophes d'Ecole du XIII qui est de faire de la croyance une science),
elle peut néanmoins être invalidée : ce que je croyais vrai peut s'avérer faux.
Ce que l'on croit être vrai ne peut
donc servir ni de critère ni de fondement au vrai.
Le vrai de la croyance est toujours sujet à caution.
Le vrai n'est
pas fondé sur ce que je crois vrai, bien que ce que je crois vrai puisse être le vrai.
A cela doit être ajouté que croire est toujours croire que ce que je crois est vrai.
Je ne peux croire que ce que je
crois est faux – cela ne serait pas croire mais déjà émettre la possibilité du doute.
La croyance présuppose sa
propre vérité (Williams).
En outre et inversement, la vérité elle-même suppose la croyance : il faut que je crois que
le vrai est vrai pour qu'il soit (pour moi) le vrai.
La croyance est ainsi au fondement de la possibilité de la vérité, de
même que la vérité fonde la croyance.
Seule la croyance au vrai permet d'échapper au scepticisme radical
(Wittgenstein, ainsi que le problème du rêve dans la seconde méditation de Descartes dont on ne s'extrait que par
référence à un Dieu vérace).
La connaissance fonctionne ainsi comme un système de croyance – dont la validité est
certes relative (le pragmatisme (Peirce)).
En conséquence, le vrai est ce que je dois croire vrai.
Conclusion
Vérité de la connaissance (“ le vrai ”) et vérité de la croyance (“ ce que je crois vrai ”) se fondent
réciproquement : la connaissance vraie a visé la vérité ; la croyance vraie s'est fondée sur la vérité.
En ce sens,
il faut que je croie en la vérité de la vérité pour obtenir le vrai : la crédulité de la connaissance ; tout comme il
faut que ma croyance en la vérité de la vérité ait la vérité pour norme pour qu'elle soit croyance vraie : la
rationalité de la croyance.
En conséquence, le vrai est ce que je dois croire vrai.
Pour être vrai, il faut que le
vrai soit cru.
Si une croyance en la vérité de quelque chose peut s'avérer.
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