LE TRAVAIL N'EST-IL POUR L'HOMME QU'UN MAL NECESSAIRE ?
Extrait du document
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Dans La Genèse, la punition d'Adam pour avoir passé outre l'interdit divin se manifeste non seulement par son expulsion du jardin
d'Eden, mais également par la condamnation au travail : les besoins des hommes ne seront plus comblés par le don du sol, mais
« c'est dans la peine », « à la sueur de [s]on visage » qu'ils devront être étanchés.
Le travail n'est-il donc qu'un instrument de torture qui nous ramène à la nécessité de répondre à nos besoins vitaux ? Le problème
soulevé ici est celui de la possibilité de concilier bonheur et travail, et d'examiner ses fonctions diverses : ne fait-il qu'aspirer l'homme
dans l'aliénation ? Peut-il le transformer et ainsi le sortir de cette malédiction du travail ?
LE TRAVAIL COMME MAL NECESSAIRE
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Dans Condition de l'homme moderne, H.
Arendt met en lumière la nature servile du travail sous l'Antiquité.
Les travaux
manuels étaient confiés aux esclaves afin d'évacuer de la vie de leurs maîtres la désagréable tâche de répondre par euxmêmes à leurs besoins primaires.
Il s'agit d'une tentative pour « éliminer des conditions de la vie le travail ».
Le travail n'est pas au sommet de la hiérarchie des activités humaines.
Comme idéal de bonheur, on trouve l'ataraxie, c'est-àdire l'absence de troubles.
Or, c'est celui qui s'occupe le plus des affaires extérieures et non de son être qui craint que sa vie ne
s'arrête trop tôt, qui redoute la mort.
Lui cherche à répondre sans cesse aux besoins par son travail.
Ainsi, le travail est un mal
nécessaire dans la mesure où l'homme se doit de se plier à de viles tâches pour répondre à ses besoins.
Cette analyse peut être renforcée par l'examen de la Cité idéale que Platon décrit dans La République.
C'est aux philosophes,
contemplateurs des Idées, que revient le droit de gouverner la Cité, alors que ses membres, en fonction de leur classe, se
voient attachés à différents métiers.
Le travail, mal nécessaire, dans la mesure où il permet la conservation et l'évolution de la
Cité.
Il y a entre les travailleurs et les dirigeants une différence de nature qui justifie cette classification.
Ainsi, le travail devient
un mal nécessaire dans le sens où il est cette fois synonyme d'une division des hommes et des classes sociales.
Cette division est encore plus forte dans les conditions que dénonce Marx dans ses Manuscrits de 1848.
Avec le capitalisme,
l'organisation du travail aliène l'homme qui n'est plus considéré que comme force de travail au sein d'un processus divisé.
Corps et esprits ne connaissent plus que la répétition.
Le salaire ne rétribue pas la valeur du travail mais la force de travail :
l'objet une fois produit, le capitaliste le revend à sa valeur d'échange, générant un profit supérieur au salaire.
Le travail concret
du salarié se transforme en abstraction : dépossédé de l'objet de son travail, le travail aliène l'ouvrier.
LE TRAVAIL N'EST PAS UN MAL PAR ESSENCE
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Car ce que met en avant, ce sont les conditions du travail dans le système capitaliste, et non le travail en lui-même.
Ce qui
apparaît comme un mal nécessaire pour accroître la production pour certain est une dénaturation absolue pour Marx.
Dans des
conditions respectueuses de l'ouvrier, celui-ci pourrait suivre la fabrication de son objet
du projet à sa réalisation.
Ainsi le travail n'est pas un mal par essence, mail il est
nécessaire : car le travail humanise tant celui qui travaille que la Nature qui l'entoure.
De plus, Dans La Phénoménologie de l'Esprit, Hegel présente la dialectique dite du
Maître et de l'Esclave.
Si ce dernier est toujours occupé à répondre aux besoins de son
maître, s'il ne peut goûter aux plaisirs et à l'oisiveté, l'esclave est néanmoins un être
indépendant.
En transformant la nature, l'esclave se libère : il se réalise lui-même par
son travail.
Il se réalise et se définit sans passer par le Maître, alors que ce dernier
apparaît comme celui qui a le plus besoin de l'Autre.
Le travail est donc nécessaire en ce
qu'il est synonyme d'autonomisation de l'individu.
En trouvant cette liberté dans le
travail, son rapport à autrui peut prendre la forme d'une réconciliation, et non d'un
affrontement.
Ainsi, le travail apparaît comme une réelle condition du bonheur.
LE TRAVAIL COMME MOTEUR NECESSAIRE DE LA PERFECTIBILITE
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Le travail peut apparaître comme une nécessité salutaire, créatrice de liens sociaux.
Cela est particulièrement visible avec le travail de l'artiste, qui ne l'aliène pas, mais au
contraire fait confronter son regard sur le monde à ceux des spectateurs.
Le travail
créatif, que ce soit celui du peintre ou celui du philosophe qui élabore des concepts n'est
pas un travail dénué d'efforts et de douleurs, mais le résultat peut non seulement
changer son auteur et ceux qui en prennent connaissance.
Le travail artistique,
considéré comme un savoir-faire qui peut être transmis, est donc doublement synonyme
de rapprochement des hommes.
Travailler, c'est communiquer, que ce soit par le résultat ou par la transmission de son
processus, et par là, c'est permettre tant à un individu qu'à un groupe de se perfectionner.
Au même titre qu'il existe un gai savoir, ne peut-on trouver les conditions d'un gai travail ? Car le travail se trouve dans
toutes les activités de la vie, pas seulement dans une sphère réservée.
Ainsi le loisir peut-il comprendre une part de travail,
faite par plaisir, voulue : il est nécessaire de travailler ses gammes par exemple.
Le travail n'est plus un mal nécessaire mais
un moteur de l'existence humaine, au contraire de l'oisiveté qui ne fait qu'abandonner l'homme dans ses vices.
Au terme de cette analyse, le travail apparaît comme un mal nécessaire dans la mesure où il nous permet de répondre à nos
besoins : celui qui travaille, c'est celui qui ne peut se consacrer entièrement à la pensée.
Mais en exerçant son savoir-faire sur la Nature pour la transformer, l'homme fait de ce mal nécessaire une libération : transformer
la Nature, c'est l'humaniser.
Il est dès lors possible de penser le travail non plus comme un mal nécessaire mais comme une porte
d'accès au bonheur, dans la mesure où celui-ci devient un acte pleinement voulu et dirigé dans des conditions telles que l'homme
et son objet ne font qu'un..
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