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Le travail fonde-t-il la propriété ?

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« VOCABULAIRE: PROPRIÉTÉ: 1) Tout caractère appartenant à quelque chose (les propriétés d'un objet).

2) "La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements." Code civil, article 544. Travail: Activité de transformation de la nature dans un sens utile à l'homme, en vue de la satisfaction des besoins. Hegel montre que le travail est libérateur, dans la mesure où il permet de s'affranchir de la nature en la dominant et de se discipliner soi-même dans l'effort. Le champ appartient à celui qui l'a défriché et qui le laboure : c'est, selon Locke, le fondement même de la société civile.

Je possède ce que je travaille, sans avoir pour cela besoin du consentement des autres ; mais comme je ne peux pas tout travailler, ma propriété est naturellement limitée : le droit naturel répartit donc équitablement la propriété entre les hommes. Rousseau ajoute cependant que ce droit naturel n'est pas le droit positif: : dans un corps social organisé, c'est la loi, et non le seul travail, qui fixe la propriété de chacun.

Lorsqu'il passe de l'état de nature à l'état civil, l'homme abandonne le bien dont il jouissait seulement pour en être le premier occupant : désormais, n'est à moi que ce dont la loi me reconnaît légitime propriétaire.

L'État doit-il alors simplement constater l'inégalité des richesses et de la propriété de chacun, ou doit-il chercher à les répartir entre ses membres ? Que l'on doive travailler, c'est une réalité qui n'a pas nécessairement une signification morale, puisque cette contrainte s'impose à nous de toute façon comme une nécessité pratique, vitale, biologique.

Comment relier cette nature première à la valorisation morale du travail, aux exigences de justice et d'égalité qui se manifestent pourtant à son sujet ? Ces questions mêmes témoignent d'un besoin de l'homme : celui de donner un sens – si possible un sens spécifiquement humain – à ce qui pouvait n'apparaître que comme simple activité mécanique, machinale.

D'où la difficulté, par exemple, d'accepter l'exploitation dans le travail ou l'appropriation du travail d'autrui, alors qu'on n'ira pas s'indigner que, dans la nature et pour les nécessités de la survie, les gros poissons mangent les petits ! Chaque homme ne se sent-il pas concerné avant tout par la survie de soi et des siens, par ce qu'il détient, ses propres biens ? Comment cela peut-il se conjuguer à l'idée de responsabilité sociale ? Le travail semble ainsi relever à la fois de la nature et de la culture, de la contrainte et de la moralité. Le travail peut-il être élevé au rang d'une valeur? Encore faudrait-il savoir si cette valeur, il la possède en lui-même, ou si elle ne lui serait pas plutôt conférée de l'extérieur.

On peut ainsi penser qu'un travail n'a de valeur que relativement à l'intention qui l'anime ou au sens qu'on lui donne.

Ainsi en va-t-il pour le travail comme vecteur d'intégration sociale : est-ce par simple souci d'efficacité, ou afin de pouvoir contribuer à la société ? Pour soi ou pour les autres ? Mais pour que l'homme puisse donner une valeur au travail, encore faut-il qu'il puisse le reconnaître comme une activité qui lui est propre.

Sur ce plan, il est parfois difficile de distinguer le travail de l'activité instinctive de l'animal.

Sans doute le travail humain comporte-t-il une part essentielle de réflexion, d'élaboration rationnelle, de choix, d'artifice, que l'on ne reconnaît pas chez l'animal.

Mais cette différence doit sans doute être relativisée : estelle si tranchée, si radicale ? Ne reste-t-il pas, dans le travail humain, bien des aspects instinctifs ? La division du travail n'est-elle pas déjà présente chez les animaux ? Il n'est pas sûr que ces différences soient vraiment décisives, qu'elles suffisent à distinguer le travail humain du comportement animal. On peut hésiter quand se pose la question de savoir si le développement technique est un facteur de libération ou d'asservissement, d'aliénation pour l'homme.

La technique opère une mise en ordre, une organisation d'un monde accordé à l'homme, si bien que son rôle ne peut être négligé dans la réalité sociale.

Elle s'accompagne, par exemple, d'une division du travail, aux conséquences sociales importantes, dont on ne sait s'il faut y voir liberté ou servitude. Si elle engendre de fait une solidarité entre les hommes, la complexité de la technique cantonne chacun à un aspect réduit des processus, tant au travail que dans le quotidien, risquant ainsi d'éloigner l'immense majorité des citoyens des lieux de décision, abandonnés aux experts ou aux puissants.

On constate aussi que le progrès technique apparaît de plus en plus comme une puissance indépendante, dont la maîtrise ou le contrôle nous échappent, ou semblent largement illusoires, ce qui constitue une menace pour l'homme s'il voulait se définir comme un sujet autonome, producteur libre de sa propre histoire.

Subjectivement, nous vivons souvent le progrès technique sur le mode d'un désir, de consommation en particulier, qui reste pris à son propre piège et incapable de se séparer de l'objet qui le fascine.

Pouvons-nous interrompre ce progrès, le ralentir ou revenir en arrière ? Rien n'est moins certain.

Surtout dans un contexte général où la technique est un des instruments premiers de la rentabilité économique et du pouvoir. On ne peut voir dans le travail une activité qui serait séparée et isolable d'un contexte social précis dans lequel il s'effectue, cette constatation valant aussi bien pour ses produits que pour les conditions dans lesquelles il s'effectue.

On constate de nos jours un affaiblissement de la valeur sociale et économique du travail, qui ne semble pas tellement provenir d'une dégénérescence qui lui serait propre, comme s'il avait perdu toute utilité, mais plutôt du modèle de civilisation, de la culture moderne, en particulier la domination inconditionnelle, le règne de l'argent, dont on ne sait s'il faut y voir une cause ou un symptôme.

Ainsi la justice sociale, qui présuppose de garantir une certaine égalité d'opportunités et de moyen d'existence, se confronte aux questions de rentabilité, principalement. »

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