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Le travail est-il une aliénation ?

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« Le terme aliénation vient du latin alienus "étranger et de alius "autre".

Il peut désigner en psychologie l'état de celui qui ne s'appartient plus et présente des états mentaux tels qu'il ne peut être tenu responsable de ses actes.

Plus généralement, pourtant on parle d'aliénation quand un individu, inconsciemment, est dépossédé de ce qui le constitue au profit d'un autre, qui l'asservit.

On voit donc que dans l'aliénation, il y a une relation entre deux individus, un qui profite et l'autre qui perd ce qu'il est et ce qu'il a.

Pourtant, de prime abord, le travail est plutôt une relation entre la nature et l'homme, une lutte pour la survie et pour assurer les conditions de vie.

Le travail, en effet, est nécessaire parce que la nature n'offre pas spontanément à l'homme ce qu'il a besoin pour vivre. Cependant, dans le monde moderne, le travail n'est plus directement lié à la nature et l'homme travaille très souvent pour un patron.

L'ouvrier en effet est-il possesseur de son travail? De plus, les techniques industrielles et la division du travail ne mène-t-il pas vers une aliénation de l'homme à la machine? Pourtant est-ce le travail qui aliène ou les conditions actuelles du travail? Ne peut-on pas repenser le travail? Le travail est d'abord satisfaction des besoins élémentaires et libération de l'homme vis-à-vis de la nécessité Le travail est d'abord un rapport entre l'homme et la nature.

L'homme met en jeu son corps, son énergie et toute son ingéniosité et la nature, source de matériaux, est ce qui résiste et qu'il faut vaincre pour pouvoir subsister.

Le travail est dû, en effet, à la disproportion existant entre les ressources naturelles et les besoins d'un groupe humain, Platon le note déjà, et Rousseau le confirme.

Il date en effet l'apparition du travail à la mise en place des premières sociétés : dès que les hommes se rassemblent, la nature ne suffit plus à satisfaire leurs besoins.

Il est dès lors nécessaire d'entrer dans une lutte avec la nature pour en extraire les produits utiles.

Le travail signifie alors la transformation des données naturelles.

"L'homme est le seul animal qui soit voué au travail." (Kant, Traité de pédagogie). • Le travail est l'activité par laquelle l'homme transforme la nature pour la plier à ses besoins.

La technique est l'ensemble des moyens qu'il met en oeuvre pour cela.

D'un côté, l'homme invente des outils pour mieux exploiter les ressources naturelles, de l'autre, ces outils deviennent eux-mêmes l'objet d'un travail.

Ce cycle voue l'homme à transformer indéfiniment la nature. • On peut y voir un cercle vertueux permettant à l'homme de progresser, non seulement matériellement, mais aussi moralement.

C'est le cas par exemple de Kant, pour qui le travail ne doit pas être vu comme une malédiction (Adam chassé du Paradis et voué à «manger son pain à la sueur de son front»), mais, d'une part, comme un moyen pour l'homme de ne pas s'ennuyer, et d'autre part, comme une ruse de la nature qui pousse l'homme à développer ses facultés. Mais, c'est dans cette transformation que l'homme s'affirme.

En effet pour Hegel, le travail arrache l'homme de l'animalité, à son existence immédiate, en lui imposant la médiation du temps et aussi celle de l'outil.

Le travail est alors non seulement le moyen de la maîtrise de la nature mais aussi celui d'une extériorisation de soi.

Le travail forme et éduque, il transforme le monde et le civilise.

C'est donc par le travail que l'homme se réalise en tant qu'homme et se définit.

En façonnant la nature à son image, il accède à la conscience et à la liberté. Marx, de même, souligne combien la conscience se forme et évolue à partir du moment où le travail correspond à un projet : en imaginant le produit qu'il veut obtenir, l'homme développe ses capacités de penser et sa volonté. Si donc le travail est ce qui permet à l'homme de s'élever de l'animal à l'homme, tout ce qu'il accomplit ne peut être que bénéfique, c'est un chemin vers la liberté et vers la pleine réalisation. Le travail aliène l'esprit, le corps et le temps de l'ouvrier Pourtant, dans les sociétés modernes, si l'homme travaille toujours pour subvenir à ses besoins, il n'est plus question de lien direct entre son travail et le produit obtenu.

Nous travaillons aujourd'hui pour la rémunération et les techniques de travail visent toujours plus de productivité, en soumettant l'ouvrier à des tâches répétitives et "parcellisées".

Comme l'affirme Foucault, le corps même est investi de forces et le corps perd peu à peu sa gestuelle naturelle pour en acquérir une autre, qui est dictée par la discipline industrielle.

On peut donc dire que le travail est aliénant pour le corps, puisque celui-ci se vide de sa substance, au profit de l'efficacité et donc de la production. Pour Nietzsche, la glorification du travail était une volonté sourde de capter des forces créatrices, de les détourner de leur vocation naturelle- la pensée, le plaisir, pour les investir dans des activités socialement utiles.

Le travail "consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour." (Aurore, 1880) C'est ce que veut dire Marx quand il affirme que "plus l'ouvrier se dépense dans son travail, plus le monde [...] qu'il crée en face de lui devient puissant, et plus il s'appauvrit en lui-même, plus son monde intérieur devient pauvre." (Manuscrit de 1844).. »

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