Le travail est-il, pour l'homme moderne un droit ou une fatalité ?
Extrait du document
«
Interrogez-vous sur l'essence du travail.
Quelles sont les représentations que nous avons tendance à produire par
rapport au travail ? En règle générale, pour des raisons culturelles, historiques ou religieuses, le travail semble avant
tout renvoyer à une activité pénible et fatigante.
On peut également penser au statut du travail dans la religion et
la Genèse en particulier.
Lorsque Adam enfreint l'interdit divin, il est puni par Dieu qui le condamne à " travailler à la
sueur de son front ".
D'un Eden prodigue et rassurant, Adam se retrouve projeté dans un monde hostile où il doit
tirer sa subsistante d'un effort permanent.
Eve sa compagne est également punie par une forme de travail
puisqu'elle est condamnée à " enfanter dans la douleur ".
Or, on parle du travail de l'accouchement pour désigner le
moment où la naissance de l'enfant est imminente, de même que l'on qualifie de " salle de travail " la pièce dans
laquelle l'accouchement a lieu.
Cela nous montre que le travail est globalement perçu de façon négative : une
fatalité, une activité pénible, une malédiction.
Mais il ne s'agit pas seulement de parler du travail en général
puisqu'on vous demande si le travail est pour l'homme " moderne " un droit ou une fatalité.
Interrogez-vous alors sur
les raisons qui sont à l'origine de cette transformation éventuelle.
En quoi la " modernité " change-t-elle notre
rapport au travail ? Pourquoi le travail peut-il devenir une valeur ? Quant à savoir si le travail peut être considéré
comme un droit, cela pose également de nombreuses difficultés.
Si le droit peut prescrire ou interdire des actes qui
dépendent du travail (il y a un droit DU travail), peut-on penser un droit AU travail ?
1) Le travail comme fatalité
a) L'inhumanité du travail serait le contraire de l'humanité du droit.
Le travail serait la marque d'un homme inachevé, « raté » par une nature oublieuse de ses devoirs.
Le travail
pourrait être compris comme l'expression d'un non droit, comme si la nature avait refusé à l'homme le droit de vivre.
Ainsi, l'homme doit mériter, gagner sa vie qui justement ne lui serait pas due.
b) Ainsi l'homme n'a pas le choix, il doit travailler.
Le travail prend donc le sens d'une contrainte qu'on ne peut refuser, donc du coup il n'y a plus de sens à
revendiquer un droit au travail.
Autant le droit est l'expression d'une exigence par rapport à ce qui ne nous est pas
toujours donné, autant le travail est l'expression d'une nécessité imposée, fardeau à porter par un homme mal loti.
c) C'est le droit de ne pas travailler qui pourrait être compris comme digne.
Ainsi le maître impose à l'esclave de
travailler pour lui en échange de la vie sauve (Hegel).
De même, il se consacre à des tâches plus nobles pour faire
valoir sa dimension spirituelle : le loisir intellectuel et la citoyenneté.
Le travail ici est la marque de l'indignité et du
sous-homme.
Transition : Ainsi le travail ne serait pas un droit, au point qu'il y aurait plutôt un droit au non-travail.
Cependant,
en même temps qu'il transforme péniblement la nature pour survivre, l'homme ne se transforme-t-il pas lui-même ?
Dans ce cas, ne faudrait-il pas travailler pour se faire homme.
2) Le travail comme droit
a) Droit et devoir - parce que je dois, il faut que je puisse.
Il est impossible de concevoir un devoir que je ne puisse accomplir.
En même temps, je ne peux concevoir un devoir
que je ne puisse que remplir : ce serait confondre devoir et nécessité.
Ainsi, manger est une nécessité, non un
devoir.
C'est donc bien le droit - au sens de liberté - qui est au fondement du devoir.
- Le droit au travail, c'est la
libre décision de travailler ou non à mon humanité et d'en être ainsi entièrement responsable.
Notons qu'il y a toutes
sortes de travaux humains possibles, dont par exemple ce qu'on appelle le « travail à la maison » pour les femmes
qui « ne travaillent pas » !
b) Conditions d'exercice de ce droit - un travail libéré de l'aliénation.
Mais ce travail auquel je dois pouvoir prétendre doit être libéré des aliénations qui le menacent : pour Marx, le « vrai
» travail est « affirmation de soi », « satisfaction », « libre énergie physique et intellectuelle », au sens où je dois
pouvoir m'y humaniser..
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