Le travail est-il pour l'homme moderne un droit ou bien une fatalité ?
Extrait du document
«
1) Le travail comme fatalité
a) L'inhumanité du travail serait le contraire de l'humanité du droit.
Le travail serait la marque d'un homme inachevé, « raté » par une nature oublieuse de ses devoirs.
Le travail
pourrait être compris comme l'expression d'un nondroit, comme si la nature avait refusé à l'homme le droit de vivre.
Ainsi, l'homme doit mériter, gagner sa vie qui justement ne lui serait pas due.
b) Ainsi l'homme n'a pas le choix, il doit travailler.
Le travail prend donc le sens d'une contrainte qu'on ne peut refuser, donc du coup il n'y a plus de sens à
revendiquer un droit au travail.
Autant le droit est l'expression d'une exigence par rapport à ce qui ne nous est pas
toujours donné, autant le travail est l'expression d'une nécessité imposée, fardeau à porter par un homme mal loti.
c) C'est le droit de ne pas travailler qui pourrait être compris comme digne.
Ainsi le maître impose à l'esclave de
travailler pour lui en échange de la vie sauve (Hegel).
De même, il se consacre à des tâches plus nobles pour faire
valoir sa dimension spirituelle : le loisir intellectuel et la citoyenneté.
Le travail ici est la marque de l'indignité et du
sous-homme.
Transition : Ainsi le travail ne serait pas un droit, au point qu'il y aurait plutôt un droit au non-travail.
Cependant, en
même temps qu'il transforme péniblement la nature pour survivre, l'homme ne se transforme-t-il pas lui-même ? Dans
ce cas, ne faudrait-il pas travailler pour se faire homme.
2) Le travail comme droit
a) Droit et devoir - parce que je dois, il faut que je puisse.
Il est impossible de concevoir un devoir que je ne puisse accomplir.
En même temps, je ne peux concevoir un devoir
que je ne puisse que remplir : ce serait confondre devoir et nécessité.
Ainsi, manger est une nécessité, non un
devoir.
C'est donc bien le droit - au sens de liberté - qui est au fondement du devoir.
- Le droit au travail, c'est la
libre décision de travailler ou non à mon humanité et d'en être ainsi entièrement responsable.
Notons qu'il y a toutes
sortes de travaux humains possibles, dont par exemple ce qu'on appelle le « travail à la maison » pour les femmes
qui « ne travaillent pas » !
b) Conditions d'exercice de ce droit - un travail libéré de l'aliénation.
Mais ce travail auquel je dois pouvoir prétendre doit être libéré des aliénations qui le menacent : pour Marx, le « vrai
» travail est « affirmation de soi », « satisfaction », « libre énergie physique et intellectuelle », au sens où je dois
pouvoir m'y humaniser.
Marx a analysé le projet inhérent à l'activité laborieuse : l'objet désiré
préexiste « idéalement » dans l'esprit du travailleur, et cela détermine une
évolution intellectuelle de l'homme, en éveillant en lui « des facultés qui
y sommeillent ».
D'où la formule de L'Idéologie allemande : « On peut définir
l'homme par la conscience, par les sentiments et par tout ce que l'on voudra,
lui-même se définit dans la pratique à partir du moment où il produit ses
propres moyens d'existence » : il n'y ainsi d'humanité authentique (au moins
au sens générique) que par le travail et grâce au travail.
De façon plus abstraite, Hegel avait antérieurement montré que le stade final
de la liberté (la liberté en-soi-pour-soi) ne se réalise que dans le travailleur.
Dialectique : processus de pensée qui prend en charge des propositions
apparemment contradictoires et se fonde sur ces contradictions afin de faire
émerger de nouvelles propositions.
Ces nouvelles propositions permettent de
réduire, de résoudre ou d'expliciter les contradictions initiales.
Cf.
la dialectique du maître et de l'esclave : l'esclave, en se retrouvant dans
ce qu'il a produit, se définit finalement comme conscience ayant sa réalité
dans le monde et sans devoir passer par le maître — tandis que ce dernier a
toujours besoin de son esclave pour se repérer (pour trouver la satisfaction
de son désir et se définir comme maître).
Hegel, dans Phénoménologie de l'Esprit, nous fait le récit d'une certaine lutte entre deux consciences.
Celles-ci
s'affrontent afin d'être reconnues par l'autre.
Le vainqueur, qui deviendra maître, est celui qui accepte le risque de
mort ; le vaincu, qui deviendra l'esclave de l'autre, est celui qui reste trop attaché à la vie.
La suite du récit
cependant met en évidence une inversion des rôles.
L'esclave, en travaillant, acquière une certaine autonomie,
contrairement au maître qui perd sa liberté en devenant complètement dépendant de l'esclave.
Le travail, en ce
sens, ne peut pas être regardé comme une perte de temps.
Il permet à l'homme de s'affranchir d'un état de servilité.
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