Le travail est-il asservissement ou libération
Publié le 17/03/2023
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SÉQUENCE D’ENSEIGNEMENT
Le travail est-il asservissement ou libération ?
"L'homme n'est pas fait pour travailler.
La preuve c'est que ça le fatigue." Cette phrase
humoristique de Georges Courteline montre bien que le travail est perçu comme quelque
chose de contraignant.
Le mot travail provient d'ailleurs du mot latin tripaliare qui signifie
"tourmenter avec un tripalium".
L'étymologie du terme insiste sur l'idée de souffrance voire
de condamnation.
On trouve également cette idée de châtiment pour caractériser le travail
dans la Bible: le récit de la chute de Genèse 3 montre que la pénibilité dans le travail est la
punition infligée par Dieu à l’homme suite au péché originel.
Il serait hypocrite de nier
l'aspect pénible et aliénant du travail.
Qu'on l’entende comme l'action que l'homme
entreprend afin de transformer la nature et l'adapter à ses besoins, qu’on l’entende comme
une activité rémunérée ou encore comme un effort quelconque, le travail nous contraint à
dépenser du temps et de l'énergie.
Mais si le travail a effectivement une dimension aliénante
il a aussi une dimension humanisante.
Le travail peut être une activité joyeuse, il permet à
l'Homme de s'accomplir et de s'épanouir et de ne pas sombrer dans la paresse et la misère.
En effet, notre environnement a été transformé peu à peu par le travail des hommes et par
le développement technique.
La prise de conscience du poids du travail humain nous amène
à réfléchir sur la valeur du travail en elle-même.
Le travail est-il plutôt libérateur, moyen de
se réaliser et de se dépasser soi-même, ou est-il plutôt aliénant, source de peines et de
malheur ?
[On définit un terme important: l’aliénation est un processus qui rend l'homme étranger à
lui-même (alien signifiant étranger).
Si le propre de l'homme est d'avoir une certaine marge
de liberté, l'aliénation désigne ce qui lui retire une part de cette liberté et le rend esclave
d'autre chose.
C'est pourquoi le mot aliénés désigne souvent les fous, car les malades
mentaux sont devenus étrangers à ce qui caractérise l'homme: le bon sens, la raison.
Ils ne
font plus la différence entre leurs délires et la réalité et ont, comme on dit, perdu la raison.]
LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE SONT LIBÉRATEURS POUR L HOMME
Travailler, au sens de transformer la nature ou d'exercer une activité salariée, permet à
l’homme de mieux vivre matériellement: il peut survivre et même bien vivre, c'est-à-dire plus
confortablement.
Ainsi que le rappelle le mythe de Prométhée rapporté notamment par Platon dans le
Protagoras, l'homme doit davantage travailler que les animaux, à partir des artifices de la
technique, car il n'a pas été pourvu en facultés (griffes pour se défendre ou poils pour avoir
chaud) et en instincts (de survie ou de chasse) lors du partage entre les créatures.
Il doit
donc travailler au sens de transformer la nature (cultiver, chasser) pour mieux vivre,
c'est-à-dire assurer sa survie et augmenter son confort.
Sa qualité de vie matérielle dépend
directement de sa quantité de travail.
Notons que, comme le montre Aristote, la nature aurait
mis au service de l’intelligence humaine "l'outil de loin le plus utile: la main".
La main en ce
qu'elle est capable de tout saisir et permet d'en créer d'autres est le meilleur des outils.
Elle
ne réduit pas l'homme à n'avoir qu'un seul outil.
L'Homme produit l'objet qu'il veut réaliser
d'abord dans son esprit et seulement ensuite dans le monde matériel.
Il ne s'agit pas
simplement de transformer des matières premières pour satisfaire des besoins, comme le
font également les animaux, mais plus précisément d'effectuer cette transformation d'une
certaine manière, par le biais de la conscience: l'homme pense avant d'agir, son travail n'est
pas immédiat, il est médiatisé par la pensée.
La technique est la marque de cette
intelligence capable de s'interposer entre l'action et la matière.
Il conçoit le but qu'il veut
atteindre et s'interroge sur les meilleurs moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.
L'homme va tenter de mettre son empreinte sur le monde.
C'est pourquoi Descartes
considérait, dans le Discours de la méthode, que l' "homme est comme maître et
possesseur de la nature".
On note la triple importance du mot "comme": il indique d'une part
la limite des capacités humaines.
L'homme ne pouvant pas modifier les lois de la nature
elle-même, il ne peut que les comprendre et les faire jouer physiquement les unes contre les
autres.
Ainsi, pour voler l'avion ne viole pas les lois relatives à la gravité mais, au contraire,
les utilise.
D'autre part, cette expression souligne le fait que l'homme restera toujours soumis
à certaines contraintes technologiques, et que la puissance de la nature dépasse souvent de
beaucoup les siennes.
Enfin, pour Descartes, il s'agit de rappeler que le véritable maître de
la nature est Dieu, son créateur, dont il serait orgueilleux de prétendre égaler la grandeur.
Malgré ces limites, il n'en reste pas moins que c'est bien grâce à son travail et au
développement de techniques que l'homme est parvenu à survivre et, par la suite, devenir
un super prédateur sans véritable rival autre que lui-même.
Sur le plan économique, le travail permet d’augmenter la richesse de la nation.
Sans le
travail, c’est toute la société qui, à terme, vivrait moins bien.
Adam Smith, dans Recherches
sur la nature et les causes de la richesse des nations, a bien montré que le travail est source
de richesse.
La richesse croît à proportion du désir d'enrichissement des hommes.
Chacun
en poursuivant son propre enrichissement concourt à l'enrichissement de tous.
Chaque
citoyen se préoccupe de ses propres intérêts en ne s’occupant que de soi, il participe
cependant à la prospérité de la société.
Cette fin heureuse et collective est comparable à
une “main invisible”, d’où l’axiome du capitalisme classique: “la somme des intérêts
individuels correspond à l’intérêt de la collectivité”.
C’est donc le travail individuel qui est
source de toute prospérité.
On voit donc bien que travailler, au sens de développer une
activité de transformation de la nature, et une activité salariée, est nécessaire à l'homme
pour mieux survivre et assurer un accroissement constant de son niveau de vie.
De plus, le
travail peut fonder la propriété.
Le champ appartient à celui qui l'a défriché et qui le laboure:
c'est, selon Locke, le fondement même de la société civile.
Je possède ce que je travaille
sans avoir pour cela besoin du consentement des autres.
Mais comme je ne peux pas tout
travailler, ma propriété est naturellement limitée: le droit naturel répartit donc équitablement
la propriété entre les hommes.
Le travail, bien que pénible, est le moyen par lequel l'homme s'affranchit de la nature hors
de lui mais aussi de la nature en lui (les instincts).
C’est ce que montre Hegel dans La
dialectique du maître et de l'esclave: en m'apprenant à retarder le moment de la satisfaction
de mes désirs, le travail m'oblige à me discipliner.
Dans l'effort, l'homme est peu à peu
maître de lui-même en développant ses facultés: conscience, volonté, imagination.
Faire
taire la tyrannie des instincts, n'est-ce pas là précisément être libre, n'est-ce pas la marque
propre de l'humanité? Pour atteindre un bon niveau de piano, même dans le loisir, je ne
peux faire l'économie du labeur de l'apprentissage.
Je dois donc avoir appris à borner mes
désirs pour me mettre au travail.
Si, dans le travail, je ne m'éprouve pas toujours pleinement
libre, je n'y construit pas moins ma liberté.
Le travail est donc nécessaire en un second sens:
sans lui, l'homme ne peut pas réaliser son humanité.
Dans Vendredi ou les limbes du
Pacifique, Michel Tournier montre comment Robinson Crusoé se force à travailler, quitte à
produire inutilement, pour ne pas perdre progressivement son humanité.
Alors qu'on pense ordinairement le travail comme une contrainte subie et la marque de
l'esclavage des hommes, vu sous cet angle le travail devient le moteur de notre libération de
la nature hors de nous et de la nature en nous (les instincts).
Cependant le confort matériel
qui est gagné n’implique pas forcément un mieux vivre moral et intérieur.
[Il est important de distinguer l’obligation de la contrainte.
L'obligation est un devoir auquel je
suis tenu de satisfaire, tout en pouvant matériellement m'y soustraire.
La contrainte est une
force à laquelle je n'ai pas la possibilité d'échapper.
Il est aussi important de distinguer médiat et immédiat.
On confond souvent “immédiat” avec
“instantané” en réduisant ce mot à sa signification temporelle, alors que son sens est plus
large.
Une chose est saisie de façon immédiate lorsque je suis en contact direct avec elle,
sans intermédiaire.
Elle est saisie de manière médiate lorsque je l’appréhende par le biais
d’un moyen qui s’interpose entre elle et moi.
Comme nous l’avons vu, le travail des animaux
est immédiat, ils sont dans un rapport direct à la nature qu’ils modifient selon leurs besoins
de façon instinctive.
Tandis que l’homme travaille de façon médiate.
Il place entre lui et son
travail sa pensée et son travail prend la forme d’un projet avant d’être réalisé.]
LE TRAVAIL ET LA TECHNIQUE COMME FACTEURS D'ALIÉNATION
Il apparaît que la transformation....
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