Le travail: douleur ou plaisir ?
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LE TRAVAIL : DOULEUR OU PLAISIR ?
Dans La Genèse, la punition d'Adam pour avoir passé outre l'interdit divin se manifeste non seulement par son
expulsion du jardin d'Eden, mais également par la condamnation au travail : les besoins des hommes ne seront plus
comblés par le don du sol, mais « c'est dans la peine », « à la sueur de [s]on visage » qu'ils devront être étanchés.
Mais peut-on circonscrire le travail à la seule transformation de la Nature dans le but d'obtenir une réponse à nos
besoins ?
Car il nous arrive également de travailler sans pouvoir écarter le plaisir que nous en tirons : ainsi, s'exercer à faire
des gammes sur un instrument de musique n'est pas seulement une contrainte, cela peut également nous être
agréable, s'apparenter à un loisir.
Il s'agit donc de s'interroger sur les modalités qui font du travail une douleur ou un plaisir : n'est-il pas synonyme
dans le cadre de la seconde alternative, d'un accomplissement, voire d'un dépassement de soi ? En revanche, si le
travail apparaît comme un douleur, n'est-ce par parce qu'il nous renvoie sans cesse à la nécessité de répondre à
nos besoins, niant par là celui qui l'accomplit au bénéfice du résultat produit ? En d'autres termes : le travail est-il
aliénation ou libération ?
LE TRAVAIL COMME DOULEUR : NECESSITE COMMANDÉE PAR LA SATISFACTION DES BESOINS
-
Dans Condition de l'homme moderne, H.
Arendt met en lumière la nature servile du travail sou l'Antiquité.
Les travaux manuels étaient confiés aux esclaves afin d'évacuer de la vie de leurs maîtres la désagréable
tâche de répondre par eux-mêmes à leurs besoins primaires.
Il s'agit d'une tentative pour « éliminer des
conditions de la vie le travail ».
Pourquoi ? Car le travail n'est pas au sommet de la hiérarchie des activités humaines.
Comme
idéal de bonheur, on trouve l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles.
Or, c'est celui qui s'occupe le plus
des affaires extérieures et non de son être qui craint que sa vie ne s'arrête trop tôt, qui redoute la mort.
Lui
cherche à répondre sans cesse aux besoins par son travail.
En revanche, celui qui peut jouir de la
contemplation, et découvrir quelle est sa véritable place dans le monde dans l'action et non dans
l'occupation, trouve la satisfaction de ses besoins en lui-même.
ð Le travail est douleur en tant que l'être ne dispose plus pleinement de lui-même.
-
Si cette conception du travail comme douleur est fortement connotée historiquement, on la retrouve sous
d'autres formes plus contemporaines avec la division du travail, syndrome de la modernité critiquée par Marx.
Le travail devient aliénation : dépossédé de ses moyens de production, le travailleur ne vend pas son travail
mais sa force de travail, il est obligé de se vendre s'il veut survivre.
Le salaire ne rétribue pas la valeur du
travail mais la force de travail : l'objet une fois produit, le capitaliste le revend à sa valeur d'échange,
générant un profit supérieur au salaire.
Le travail concret du salarié se transforme en abstraction :
dépossédé de l'objet de son travail, le travail aliène l'ouvrier.
Les formes modernes de travail consistent (si l'on s'en réfère à Taylor et à
Ford) à décomposer les opérations nécessaires à la fabrication d'un objet & à
attribuer chacune d'elles à un ouvrier.
Cette forme de division du travail, si
elle favorise la production dans des proportions exponentielles, fait que d'une
part la conception de l'objet et son exécution sont deux tâches séparées,
attribuées à des hommes bien distincts (ce qui suppose que certains ne sont
plus que des exécutants purs & simples, travaillant avec des machines & à
leur rythme), et que, d'autre part, l'objet n'est plus produit littéralement par
personne.
Non seulement un homme ne produit plus un objet du début jusqu'à
la fin, mais on ne peut plus parler de travail d'équipe dans la mesure où
l'organisation du travail est imposée de l'extérieur et que chacun exécute sa
tâche isolément.
Cet anonymat, cette séparation de la conception et de l'exécution, cette
imposition d'une tâche abrutissante & répétitive, Marx la décrit en 1844
comme une véritable perversion du travail.
L'ouvrier est dépossédé de son travail, et cela à plusieurs titres.
D'une part
en ce que son salaire ne correspond pas au travail fourni, mais permet
seulement de restaurer la force du travail.
D'autre part en ce que l'ouvrier ne
peut en aucun cas reconnaître pour sien, comme son œuvre, un objet
fabriqué dot il n'a fourni qu'une partie infime.
Non seulement nulle fierté n'est
possible, mais nulle reconnaissance.
« Le travail est extérieur à l'ouvrier […] il
n'est plus son bien propre mais celui d'un autre.
»
L'ouvrier « mortifie son corps & ruine son esprit », cela se conçoit aisément.
Le corps n'est plus éduqué, formé,
discipliné quand il est astreint à la répétition mécanique, à une cadence imposée par les machines.
Au contraire, il
est déformé, réduit à être un substitut de machine.
Proche, pour faire court de la définition que donnait Aristote,
des esclaves.
« L'esclave lui-même est une sorte de propriété animée […] Si, en effet, chaque instrument était capable, sur une
simple injonction, d'accomplir le travail qui lui est propre […] si les navettes tissaient d'elles-mêmes […] alors ni les
chefs d'artisans n'auraient besoin d'ouvriers, ni les maîtres d'esclaves.
» (« Politique », I, 4).
Mais cette ruine, cette dégradation du corps, qui ne développe plus ue habileté ou un talent mais itère & réitère un.
»
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