Le travail : aliénation ou libération ?
Publié le 23/02/2023
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LE TRAVAIL
ALIÉNATION OU LIBÉRATION ?
Maintenant que l'on a relevé deux marques de la spécificité humaine, càd deux raisons
qui font croire que l'être humain n'est pas qu'un être naturel, mais aussi un être de
culture, on peut s'interroger sur ce qui caractérise cette culture elle-même.
● Qu’est-ce que le travail ?
Étymologiquement : travail ← “tripalium” = instrument de torture, “tripaliare” =
torturer → A l’origine, travail : associé à la souffrance, à la douleur, à l’effort.
⇒ Caractère pénible du travail, activité généralement opposée aux activités +
plaisantes (loisirs, divertissements), auxquelles on se consacre durant son “temps
libre”.
Travail = toute activité qui demande un effort physique ou intellectuel et qui a pour
but la satisfaction d’un besoin et d’assurer la survie.
● Problématique : humanité et inhumanité du travail
On pourrait penser que les animaux travaillent aussi ; CPDT, chez l'être humain, travail
= activité qui consiste à modifier l’environnement naturel et prend une forme à la fois
réfléchie, technique et socialement organisée.
→ Cf Hegel (1770-1831) : travailler = ce qui permet à l'être humain de transformer le
monde en prenant simultanément conscience de sa différence avec la matière
“brute”.
⇒ Travail : permet à l'être humain de prendre conscience de son humanité.
MAIS, dans les sociétés contemporaines, travail = “Gagne pain” = moyen de se
procurer des biens et services nécessaires à la vie
⇒ L'être humain semble obligé de travailler pour assurer sa survie, mais cette
activité douloureuse ne constitue-t-elle pas précisément le lieu où il épuise son
existence ?
I/ La nécessité du travail
Si l'on réfléchit à ce qui permet à l'être humain de s'affranchir de la nature, le premier
élément sur lequel on doit s'arrêter, c'est le travail.
● L’assurance de la subsistance
Cf Hannah Arendt (1906-1975) : travail = moyen pour assurer notre subsistance : en
travaillant, il se contente d'assurer la reproduction de la vie, comme le fait un animal.
Si, au sens strict, un animal ne travaille pas, la fonction du travail humain – permettre
la reproduction de la vie – est semblable à la chasse ou la paissance pour certains
animaux.
⇒ De ce point de vue là, le travail est nécessaire à l'être humain et le travail
ne libère pas totalement l'être humain de la nature
● Pourtant, le travail distingue l'être humain des autres animaux
Mais, d'un autre point de vue, le travail distingue l'être humain de l'animal.
→ L'animal
ne transforme pas son milieu environnant VS l'être humain transforme le monde par
son travail.
→ Cf mythe de Prométhée : au moment de la création des êtres vivants, les dieux
chargent deux frères, Epiméthée et Prométhée, de distribuer des qualités à chaque
espèce (vitesse, griffe, carapace, pelage, etc.), mais Epiméthée (= celui qui réfléchit
après coup) oublie l'être humain, qui est donc naturellement l'être le + faible de la
nature.
Du coup, Prométhée vole le feu aux dieux pour le donner aux êtres humains, et
grâce à celui-ci, les êtres humains acquièrent un savoir-faire technique.
● Technique et travail
L'être humain, en effet, ne peut pas, comme les animaux, simplement chasser ou
paître, parce qu'il est le + faible des animaux : pour survivre, il doit transformer le
monde (ex : tondre un mouton pour se faire une veste).
Il doit donc nécessairement
travailler, et le travail n'est possible que grâce au déploiement de certaines techniques,
d'un certain savoir-faire (on ne s'improvise pas cordonnier).
Technique = ensemble des procédés mis en place pour atteindre un objectif
déterminé.
⇒ La maîtrise technique permet aux êtres humains de travailler et ainsi de satisfaire
leurs besoins.
● L’ambivalence du travail
Le travail est donc ambivalent : par un certain côté, il est ce qui rattache l'être humain
à la nature, càd à la nécessité de travailler pour reproduire sa vie.
→ Cf texte de la Genèse : “A la sueur de ton front, tu mangeras du pain, jusqu'à ce que
tu retournes à la terre, puisque tu en es tiré, car poussière tu es et poussière tu
retourneras.” = L'être humain travaille la terre pour se nourrir et ce travail l'use au point
qu'il retournera à la terre.
⇒ Ici, travail : nécessaire à la vie, mais ne distingue pas
encore l'être humain de la nature.
Mais, inversement, le travail donne la possibilité de transformer la nature pour en
faire un monde où l'être humain puisse se reconnaître.
Si l'on trouve un outil
abandonné, on sait qu'un être humain est passé ici…
⇒ Travail = à la fois nécessaire à la survie, mais aussi ce qui permet le passage à une
vie vraiment humaine, séparée de l'animalité.
On peut donc dire que le travail opère la
médiation entre l'animalité et l'humanité.
II/ Le travail comme libération de l'humanité
Si le travail est bien la médiation entre l'animalité et l'humanité, il faut donc se
demander plus exactement ce que le travail a de spécifiquement humain.
● Productions humaines / productions animales
→ Cf Karl Marx (1818-1883) : “Ce qui distingue [...] le plus mauvais architecte de l'abeille
la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la
ruche”.
⇒ Les abeilles construisent des ruches, mais le font par instinct, elles n'ont aucune
originalité architecturale.
L'être humain, dans le travail, utilise sa volonté et son
imagination ; càd que contrairement à l'animal, l'être humain exerce sa liberté dans le
travail : il se reconnaît dans ce qu'il produit car il a librement choisi de produire cela.
● Le travail permet le développement des facultés humaines
Travail = activité qui peut permettre à l’individu de se réaliser, de se développer, de
déployer des facultés, et pas simplement de satisfaire les besoins vitaux :
- matériellement (richesse matérielle supérieure à ses besoins)
- socialement (intégration à la vie sociale + reconnaissance par nos semblables)
- en trouvant dans l’activité en elle-même une satisfaction d’ordre intellectuelle
(développement de facultés, telles que la vigilance, l’attention, la réflexion, la
prudence, etc.)
⇒ Travail : pas seulement une transformation de la nature par l'être humain, mais une
transformation de l'être humain par lui-même, physiquement et intellectuellement, par
le développement de facultés qu’il n’avait pas avant : l'être humain y prend
conscience de ce qu’il est en développant ses facultés et va ainsi parvenir à une
meilleure connaissance de lui-même (découverte des forces et des faiblesses, des
limites, des capacités, etc.)
● La dialectique du maître et de l’esclave
→ Cf Hegel : dialectique du maître et de l'esclave.
⇒ L'esclave paraît être - libre et donc - humain que son maître ; OR Le travail permet à
l'esclave de maîtriser la nature, alors que le maître, oisif, ne travaillant pas, ne change
rien à la nature : il se contente de désirer telle ou telle chose et de faire que l'esclave
lui procure ; pour le maître, la nature est un donné.
Plus même, comme il ne travaille
pas, il ne sait pas mettre à distance ses désirs.
Il est comme le petit enfant qui ne sait
que dire “je veux”.
VS travail de l’esclave = transformation de la nature pour en faire
autre chose (ex : c'était un arbre, c'est devenu une chaise) + le travail oblige au
contraire l'esclave à mettre à distance ses désirs, à être patient.
→ L'esclave maîtrise la nature, il en fait ce qu'il veut, alors que le maître ne la change
pas.
Le rapport dès lors s'inverse : le maître devient un assisté, il devient l'esclave de
l'esclave parce qu'il dépend de lui pour obtenir tout ce dont il a besoin.
Au contraire,
l'esclave, en travaillant, transforme la nature, ce qui veut dire qu'il inscrit sa marque, sa
liberté dans la nature.
En vérité, en travaillant, l’esclave développe son humanité VS le
maître qui s’animalise.
On aurait tendance à penser que l’esclave, c’est celui qui est privé d’humanité, mais
Hegel nous explique l’inverse, car c’est dans le travail que se développent les facultés
proprement humaines et se découvre la véritable liberté (= maîtriser la nature qui
m'entoure pour la transformer).
● Le travail permet le passage à la culture
Par le travail, la liberté humaine s'inscrit dans les choses : la nature est transformée
et devient monde humain.
→ Liberté = faire le monde à son image : grâce au travail,
l'être humain se reconnaît dans les choses car les produits du travail portent sa
marque.
⇒ Le travail libère donc l'être humain de la naturalité et le rend capable d'édifier un
monde humain, un monde à son image.
C'est le passage de la nature à la culture.
III/ L'aliénation du travail
Analyse du travail de Hegel = conceptuelle et abstraite : il étudie le travail comme
moyen par lequel l'être....
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