Le soleil se lèvera-t-il demain ?
Extrait du document
«
Ce sujet peut paraître surprenant au premier abord.
Il renvoie néanmoins à une analyse précise de Hume dans
l'Enquête sur l'entendement humain.
Vous pouvez d'ailleurs lire ce texte plus bas.
Hume s'interroge alors à savoir
d'où viennent nos certitudes.
Se demander si le soleil se lèvera demain, ne consiste pas à faire de la voyance, mais
à se demander ce qui peut me permettre d'affirmer que ce qui a eu lieu tous les matins jusqu'alors se répétera
demain.
C'est ainsi la question de la connaissance qui est en jeu : comment puis-je dire : " Le soleil se lève tous les
matins et se lèvera demain " ? Sans doute la répétition des expériences tend-elle à nous faire croire qu'il y a entre
les phénomènes des relations de cause à effet, cependant, cette répétition constatée ne suffit pas à établir de
façon indiscutable l'existence de lois causales dans la nature.
Le nombre des expériences ne nous permettra jamais
de nous assurer que nous avons étudié la totalité des phénomènes.
Ainsi, l'universalité et la nécessité des lois
causale pose problème.
S'agit-il alors de penser que la connaissance scientifique toute entière ne repose que sur
une croyance ? Hume, en posant cette question fait vaciller les fondements de notre connaissance.
Peut-on
accepter l'idée selon laquelle notre connaissance ne serait qu'une croyance ayant de fortes probabilités ? C'est
d'ailleurs en ce sens qu'on a pu parler de scepticisme chez Hume.
Vous pouvez alors réfléchir aux discussions que
Kant a pu mener contre cette position.
Si Kant reconnaît que Hume l'a réveillé de son sommeil dogmatique, en le
conduisant à s'interroger sur les fondements de la connaissance, il va montrer que la position sceptique n'est pas
tenable.
Comment alors fonder la connaissance ? Comment puis-je dire que le jugement : " le soleil se lèvera demain
" n'est pas seulement une croyance ayant de fortes probabilités ? Kant va s'attacher à montrer que l'idée de cause
ne peut pas être tirée de l'expérience, ce n'est pas la simple observation habituelle qui nous fait dire qu'il y a un
rapport de cause à effet entre les phénomènes.
Il va ainsi montrer qu'il existe des connaissances " a priori " c'est à
dire avant toute expérience et entièrement produites par la raison.
La causalité est en quelque sorte une catégorie
mentale, une catégorie de notre esprit qui ne dépend pas de l'expérience.
L'esprit a le pouvoir d'organiser la réalité.
La question que pose votre sujet est donc celle du fondement de nos connaissances.
"Le soleil ne se lèvera pas demain, cette proposition n'est pas moins
intelligible et elle n'implique pas plus contradiction que l'affirmation : il
se lèvera.
Nous tenterions donc en vain d'en démontrer la fausseté.
Si
elle était démonstrativement fausse, elle impliquerait contradiction et
l'esprit ne pourrait jamais la concevoir distinctement.
C'est donc peut-être un sujet digne d'éveiller la curiosité que de
rechercher quelle est la nature de cette évidence qui nous assure de la
réalité d'une existence et d'un fait au-delà du témoignage actuel des
sens ou des rapports de notre mémoire.
[...]
Tous les raisonnements sur les faits paraissent se fonder sur la relation
de la cause à l'effet.
C'est au moyen de cette seule relation que nous
dépassons l'évidence de notre mémoire et de nos sens.
Si donc nous désirons nous satisfaire au sujet de la nature de
l'évidence qui nous donne la certitude des faits, il faut que nous
recherchions comment nous arrivons à la connaissance de la cause et
de l'effet.
J'oserai affirmer, comme une proposition générale qui n'admet pas
d'exception, que la connaissance de cette relation ne s'obtient, en
aucun cas, par des raisonnements a priori ; mais qu'elle naît
entièrement de l'expérience quand nous trouvons que des objets
particuliers sont en conjonction constante l'un avec l'autre."
David Hume, Enquête sur l'entendement humain (1748), trad.
A.
Leroy, Aubier-Montaigne
Ce que défend ce texte:
Ce texte de Hume s'interroge sur la manière dont la science établit ce qu'elle appelle les lois de la nature.
Lorsqu'un
chimiste nous dit que tel phénomène (par exemple l'ébullition de l'eau) est dû à telle cause (la chaleur), il établit une
relation de cause à effet qui s'exprime sous la forme d'une loi chimique simple : l'eau bout à cent degrés.
Comment
pouvons-nous être sûrs, pourtant, qu'à chaque fois que nous porterons de l'eau à cent degrés elle se mettra à
bouillir, et cela même en supposant l'avoir déjà vérifié un très grand nombre de fois?
Pour rendre encore plus sensible l'importance de cette question, Hume choisit ici un exemple emprunté à la
connaissance commune, une évidence telle que celle qui consiste à dire : «le soleil se lèvera demain».
Cette
banalité que personne ne songerait à mettre en doute soulève pourtant les mêmes difficultés que les lois les plus
abstraites de la science.
Comment la raison sait-elle que le soleil se lèvera demain? Comment peut-elle aujourd'hui
prouver qu'il se lèvera bien demain?
Ces questions sont légitimes car celui qui affirme que le soleil se lèvera demain n'a pas plus d'arguments pour le
prouver que celui qui affirmerait le contraire.
Tous les deux en sont, au moment où ils parlent, au même point.
Leurs
deux propositions sont compréhensibles et ne comportent pas de contradiction, c'est-à-dire ne comportent pas de
termes qui se contredisent entre eux.
Une phrase qui se contredit est une absurdité qu'on ne peut jamais concevoir.
Or l'expression «le soleil ne se lèvera pas demain» se conçoit clairement car sa forme logique n'est pas incohérente :.
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