Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement
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«
Introduction
Est-il du destin de l'existence humaine de se déployer dans la double méconnaissance de notre disparition (nous en
avons bien une idée, mais elle se dissipe aussitôt) et de notre plénitude (nous en sentons bien une nostalgie, mais
personne ne serait assez fou pour consacrer sa vie à la poursuite d'un idéal de plénitude, inscrit au-delà de ses
propres capacités).
Est-il du sens même de la vie de n'être qu'insouciance ? Quand donc l'homme vit-il avec sérieux
et souci ? Autrement dit, le caractère extrême et insaisissable des contraires qui jalonnent de part en part notre
existence ne ferait-il pas du divertissement ou de l'insouciance la condition ultime à l'existence humaine ?
I.
LE DIVERTISSEMENT
Perpétuellement agitée, c'est bien là le lot de l'humanité, inattentive au
sérieux de l'existence.
Qu'est-ce qui justifie cette insouciance ? L'oubli du
sérieux et de la gravité de l'existence pourrait bien être une condition de
survie existentielle.
L'insouciance existentielle oscille donc entre une
méconnaissance de soi et la perspective désespérante d'une mort assurée.
L'ennui est hautement insupportable à l'homme, parce qu'alors, l'absence de
tout désir fait place à la considération de soi-même et à la conscience de sa
vanité.
Dès lors, on comprend que tout homme cherche à se divertir, c'est-àdire à se détourner de la pensée affligeante de sa misère.
Nos désirs, pour
autant qu'ils nous portent à croire que leur réalisation nous rendrait heureux,
sont l'instrument majeur de cette stratégie.
L'imagination, qui institue des
biens comme désirables, en est l'auxiliaire indispensable.
La vérité du désir
n'est donc pas dans son objet mais dans l'agitation qu'il excite : « nous ne
recherchons jamais les choses mais la recherche des choses » (773).
Mais le
divertissement n'est qu'un cache-misère.
Préférable à l'accablement de l'ennui,
il s'avère sur le fond tout aussi nuisible.
Faire obstacle à la considération de sa
misère, c'est se priver des moyens de la dépasser.
Le divertissement est l'incessant « remuement » des hommes, les affaires,
les passions, les guerres, les charges — tous ces tracas qui les détournent de
penser à leur condition.
Les hommes se dupent eux-mêmes, disant chercher le repos quand ils cherchent l'agitation.
Ce n'est pas la prise qui compte à la chasse, mais la poursuite.
« Nous ne cherchons jamais les choses, mais la
recherche des choses » (Pascal in "Pensées").
En voici la raison.
L'homme est un vide infini que l'Infini seul pourrait combler.
Le repos est bien notre fin, mais nous le cherchons là
où nous ne pourrons jamais le trouver : dans les biens terrestres.
Ne voulant pas l'avouer, nous préférons poursuivre
indéfiniment notre course, qui nous détourne des vraies questions.
Ceux qui s'arrêtent n'ont qu'une alternative : le désespoir ou la conversion au vrai Dieu.
Et pourtant, le sérieux existentiel ne serait-il pas possible à l'échelle humaine ?
II.
LA NOSTALGIE DU BONHEUR
On ne peut pas prétendre au caractère insignifiant de l'existence humaine.
En effet, le thème de la plénitude
existentielle est constitutif d'un véritable projet de vie.
Le « soleil » au risque même de nous aveugler, comme le
bonheur de nous éblouir, reste une condition de sens et d'orientation à notre vie.
Au-delà du divertissement,
l'homme cherche par l'insouciance à compenser son défaut de bonheur.
Le divertissement est donc une manière
d'être conscient de l'idéal de perfection auquel nous pensons être appelés.
Le « soleil » peut se regarder en face
paradoxalement par le divertissement.
III.
LA MORT, CETTE IRRÉALITÉ
Mais la mort ne peut pas se fixer (Épicure, Lettre à Ménécée).
Elle échappe à quelque intuition que ce soit..
»
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