Le sentiment du temps dans l'ennui, l'attente, l'attention, l'espérance ?
Extrait du document
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Définition des termes du sujet:
TEMPS: Milieu indéfini et homogène, analogue à l'espace, dans lequel se déroulent les événements.
Temps objectif: Mouvement continu et irréversible (« flèche du temps ») par lequel le présent rejoint le passé.
Temps subjectif: Sentiment intérieur de la temporalité, telle qu'elle est vécue par le sujet (synonyme : durée).
I.
L'ennui.
Le temps y est long parce que vide.
Il n'y a rien, rien que la temporalité pour la conscience.
Dilatation
du présent vide : c'est une bulle qui se gonfle.
Monotonie : il n'y a pas d'écoulement, en apparence — indistinction
des moments par cette dilatation du présent.
Le temps est tout pour la conscience, mais ce tout n'est rien, car il
est monotone.
Un tout qui n'est rien, c'est le néant.
Mais quel néant, sinon celui de la conscience livrée à ellemême, de la conscience toute seule.
La temporalité est épaisseur sans écoulement, stagnation.
La conscience qui n'a rien « à se mettre sous la dent » a
le sentiment de n'être rien.
Le propre de la conscience est de se rapporter à quelque chose.
Selon la conception
phénoménologique (Brentano, Husserl) la conscience doit être conscience de quelque chose.
Dans l'ennui, la
conscience, qui n'a de repère qu'en soi-même, aboutit à un néant de la conscience.
II.
L'attente.
Que l'on craigne ou que l'on souhaite ce qu'on attend, on est à la merci de l'événement.
S'il n'y a
qu'attente de notre part, nous ne pouvons rien à cet événement; mais cet événement gouverne notre vie; nous
sommes à la remorque d'un événement futur.
Alors que dans l'ennui la conscience était repliée sur elle-même, dans l'attente la conscience est ouverte vers un
événement extérieur, indépendant de nous.
Elle ne peut que formuler des hypothèses sans fondement très solide,
mille hypothèses qui s'entrechoquent, se contredisent; la conscience dans l'attente est comme une boussole quia
perdu le Nord.
Dans l'ennui
le temps était long; nous ne savons plus dans l'attente, s'il est long ou court.
Le temps est détraqué.
III.
L'attention.
Le temps dans l'attention, est rapide, parce qu'il est occupé; l'attention est une inattention au
temps, qui, de ce fait, passe vite.
Cette explication est vraie, mais.
ne l'est que superficiellement.
En fait, autour du présent, de l'objet présent à
l'égard duquel je prends initiative, se regroupent le passé, pour l'éclairer, et l'avenir, pour m'aider à en pressentir la
suite.
Les trois moments du temps se trouvent ainsi catapultés les uns sur les autres, il n'y a plus à la limite de
sentiment du temps.
Alors que dans l'ennui il y avait indistinction par vacuité, par gonflement du présent vide qui
prenait une longueur interminable, il y a dans l'attention indistinction par concentration du passé et de l'avenir sur
un présent actif, le temps atteint une rapidité extraordinaire.
IV.
L'espérance.
Ce n'est pas seulement l'espoir, c'est un long espoir; la date d'échéance est indéterminée, l'objet
l'est aussi en partie; en tout cas il est beaucoup moins précis que dans l'espoir.
On veut vérifier un espoir : on
ressent donc de l'impatience.
Il n'y a pas d'impatience dans l'espérance, dont l'objet est à la fois moins précis et
moins matériel que celui de l'espoir (cf.
Péguy).
L'espérance est une confiance fondamentale, qui nous transporte en quelque sorte au-delà du temps.
Le temps est
transcendé, et ce qui pourrait arriver dans l'intervalle ne compte pas.
Au fond, puisqu'on est certain, ou plutôt dans
la mesure où on est certain, le futur est déjà présent : c'est donc moins un futur que l'éternité.
C'est la valeur religieuse de l'espérance.
Mais il peut aussi y avoir espérance dans le culte de la patrie, par exemple :
l'espérance du 18 juin 1940, comparée à l'espoir d'après Stalingrad et El Alamein...
L'espérance appartient à la
catégorie de l'être, et non de l'avoir : c'est une promesse de transfiguration.
Conclusion.
Ennui et espérance sont les dimensions métaphysiques du problème.
L'ennui, c'est l'immanence;
l'espérance, c'est la transcendance.
Dans l'immanence, on est enfermé en soi-même; il n'y a aucun dépassement de
l'être.
Attente et attention sont, non pas la position métaphysique de l'immanence, mais l'immanence vécue sans réflexion,
dans un cas comme servitude à l'égard de l'objet, dans l'autre comme initiative à son égard, et, dans une large
mesure, puissance sur lui.
S'ennuyer, c'est être à la merci du temps.
Attendre, c'est être à la merci de l'événement, de l'objet dans le temps.
Être attentif, c'est dominer l'objet dans le temps.
Espérer, c'est transcender le temps lui-même..
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