Le savoir suffit-il à guider la pratique ?
Extrait du document
«
Le savoir suffit-il à guider la pratique ? En quel sens peut-on dire qu'il faut y adjoindre l'expérience ?
Introduction.
— Aux différents niveaux de l'enseignement, on tend de plus en plus à doubler de « travaux pratiques
» les leçons ou cours ayant pour but de communiquer le savoir.
Ce savoir ne suffit-il donc pas à nous guider dans
l'action et en quel sens peut-on dire qu'il faut y adjoindre l'expérience ?
Pour répondre à cette question nous commencerons par réfléchir sur le mot « savoir ».
I.
— « SAVOIR » ET « LE SAVOIR »
Ce mot est d'abord un infinitif, mais — et c'est ce que nous observons dans le libellé de la question à laquelle nous
avons à répondre — cet infinitif s'emploie aussi substantivement.
Savoir.
— A l'infinitif, il est pris dans des acceptions fort diverses.
« Savoir » se dit de toutes sortes de
connaissance d'ordre intellectuel, depuis celle du plus banal fait d'observation (je dis savoir ou ne pas savoir si
l'horloge a sonné) jusqu'à celle qui résulte d'une longue élaboration scientifique (à qui me demanderait la définition
des équations trigonométriques, je devrais avouer ne pas la savoir).
Mais le verbe s'emploie aussi pour des connaissances d'ordre pratique, équivalant alors à « savoir faire », « être
capable, avoir la force de » tout le monde, dit-on aujourd'hui, devrait savoir nager, conduire une auto...
; qui veut
diriger les autres, répète la sagesse des siècles, doit savoir se diriger lui-même.
Le savoir.
— En devenant substantif, le mot prend un sens plus restreint.
« Le savoir » évoque le savant, c'est-àdire celui qui possède un ensemble considérable de connaissances théoriques, et désigne seulement ce qui a été
appris au cours d'études ayant pour but la pure connaissance : l'habileté, intellectuelle aussi bien que manuelle, le
savoir-faire que procure un apprentissage bien conduit, ne constituent pas un savoir au sens ordinaire du mot.
Les
faits d'expérience vulgaire, comme sont par exemple les « faits divers » des journaux, ne font pas non plus partie du
savoir.
Pris substantivement, « savoir » est en somme synonyme de science, et un homme de grand savoir est celui qui
possède des connaissances scientifiques très étendues ou très approfondies.
Sans doute, le substantif « savoir » diffère de « science » en ce qu'il ne s'emploie qu'au singulier : l'assimilation de
diverses sciences procure un savoir plus large et non plusieurs savoirs ».
Néanmoins, de même qu'on distingue
diverses sciences, il y a différents types de savoir : celui du mathématicien ne ressemble guère à celui du
spécialiste de l'histoire générale ou de l'histoire littéraire ; si le savoir mathématique est nécessaire à l'élaboration de
la physique, le savoir du physicien n'est pas, tant s'en faut, purement mathématique.
Nous en tenant aux distinctions qui peuvent nous servir à décider si le savoir suffit à guider la pratique, nous
réduirons les différents types de savoir à trois :
Le savoir qui atteint le plus haut degré d'abstraction, celui du mathématicien, qui travaille dans un monde de
concepts détaché du monde concret ;
A l'extrême opposé, le savoir qui prend pour objet la réalité concrète et individuelle, comme par exemple, la
géographie physique des différentes régions, la cosmographie ou l'histoire ;
Enfin, dans l'entre deux, le savoir que, à la suite de Francis Bacon, nous qualifierons « abstrait-concret » : il porte
sur le réel, donc sur le concret, mais a pour but d'en déterminer les lois générales, la nature essentielle, aboutissant
ainsi à des notions abstraites ; tel est le cas des sciences de la nature (physique, chimie, biologie) et des sciences
humaines (du moins de la psychologie et de la sociologie, la possibilité, pour l'histoire, d'aboutir à des lois générales
étant discutée) .
C'est à propos de ces divers types de savoir que nous allons maintenant nous demander s'ils suffisent à guider la
pratique, c'est-à-dire notre action sur les choses et sur les hommes, nous-mêmes compris, ou s'il ne faut pas y
adjoindre l'expérience..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Toutes les propositions de logique disent la même chose. A savoir rien. Wittgenstein
- Le fondement de la théorie, c'est la pratique. Mao
- Le pouvoir produit du savoir; pouvoir et savoir s'impliquent directement l'un l'autre. Michel Foucault
- Le sexe, sphinx ou volonté de savoir ? Michel Foucault
- Savoir est-ce cesser de croire ?