Le respect du droit est-il une garantie ou un obstacle pour la liberté ?
Extrait du document
«
Le droit comme obstacle à la liberté
En règle générale, la loi et la nature se contredisent.
D'un point de vue naturel, le plus grand des maux est de
subir l'injustice et non pas de la commettre.
Pour la loi, il ne faut pas commettre l'injustice.
Les lois sont ainsi
établies par les faibles - et pour eux - en vue de se protéger des débordements de force des plus puissants.
C'est du point de vue des faibles que la loi décrète ce qui est digne d'éloge ou au contraire blâmable.
La notion
d'égalité dans la justice obéit au même principe : la même loi pour tous, en établissant une égalité par le bas.
Quiconque n'agit pas comme le fait et le veut la multitude est puni par la loi.
Au contraire, la nature montre
qu'il est juste que le supérieur l'emporte sur l'inférieur, et le plus capable sur le moins capable.
La nature est le
siège d'une lutte de forces, où la plus puissante est destinée à l'emporter et à dominer.
Les bâtisseurs
d'Empires n'ont pas autrement agi, en pillant, massacrant, pour s'approprier et dominer.
La soumission à la
justice égalitaire est donc le fait des faibles, qui craignent les puissants et sont incapables de dominer.
Le discours de Calliclès.
"Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.
C'est donc en fonction
d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils
répartissent des blâmes.
Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être
supérieurs.
C'est pour empêcher que ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est
injuste, d'avoir plus que les autres et que l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.
Car, ce qui plaît
aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux à de tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs.
Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en se
référant à la loi.
Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus
que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort.
Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne,
chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités !
Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste.
De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit la
guerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son
père ont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par
Zeus, à la loi de la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous
!
Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,
comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en
faisons des esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et
juste.
Mais, j'en suis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire
en miettes et s'en délivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos
enchantements, et aussi toutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave,
se redressait et nous apparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de
tout son éclat."
PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad.
Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp.
212-213.
(1) allusion à la seconde guerre médique conduite par Xerxès, roi des Perses, qui envahit la Grèce en 480 av.
JC
Le discours de Calliclès (Gorgias 483b - 484a)
Introduction
Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimule
derrière leur apparente impartialité.
Les arguments de Calliclès
Faite par la masse, la loi en exprime forcément les intérêts et les valeurs.
Elle n'est donc universelle qu'en
apparence.
Cette loi est un instrument d'oppression non par la force mais par un mécanisme d'intériorisation.
Elle n'est
donc juste qu'en apparence.
Les valeurs prônées par cette loi n'ont pas de réalité propre : elles consistent dans le retournement axiologique
de la réalité de la force, et l'égalité de droit n'est que la dénégation de l'inégalité de fait.
Elle est donc sans.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le respect du droit est-il pour la liberté une garantie ou un obstacle ?
- Le respect de la liberté d'autrui fait-il obstacle a ma propre liberté ?
- Le respect de la liberté d'autrui fait-il obstacle à ma propre liberté ?
- Les lois sont-elles une garantie pour notre liberté
- Aristote: La matière est-elle un obstacle à la liberté ?