Le remords est-il nécessaire à la vie morale ?
Extrait du document
«
Définition et position de la question.
Le remords ne se confond pas avec le repentir.
C'est la réaction spontanée de la conscience morale après la
faute; c'est un déchirement intérieur qui cause une douleur analogue à une « morsure » spirituelle et qui vient
de ce que, tout à la fois, nous nous imputons à nous-même l'acte commis et que cependant nous le
désavouons comme n'exprimant pas notre personnalité vraie.
Le repentir est quelque chose de plus complexe
et de plus réfléchi : tout en impliquant, lui aussi, la conscience de la faute, il suppose que nous surmontons
notre déchéance, que nous nous détachons de l'acte par la volonté de l'expier et de nous corriger.
— Le
problème est de savoir ce que vaut moralement le remords et s'il est nécessaire à la vie morale.
Le remords est nécessaire.
On peut déjà répondre affirmativement à cette dernière- question.
Précisément parce qu'il est un sentiment
spontané, le remords est la réaction normale, naturelle, de la conscience à la faute commise.
Si la moralité ne
se situe pas sur le plan de la pure nature, au sens biologique et empirique du terme, elle suppose cependant la
nature et la spontanéité, tout en les dépassant.
Un homme qui n'éprouverait aucun remords quand il a commis
une faute grave, manifesterait ainsi une insensibilité morale nettement anormale.
C'est d'ailleurs ce qui arrive
chez certains malades mentaux, dans la manie notamment, où l'on constate un véritable affaiblissement de la
conscience morale.
Le remords est insuffisant.
SPINOZA (Éthique, liv.
IV, prop.
54) a pourtant condamné le remords —
et même le repentir — comme une « tristesse » qui nous diminue sans
nous améliorer.
On peut lui accorder qu'en effet le remords, à lui seul, ne
suffit pas.
Le sentiment de la culpabilité, s'il ne s'accompagne pas d'un
effort pour se libérer de la faute et se racheter, ne fait que nous
dégrader davantage.
Judas a eu du remords d'avoir trahi Jésus; mais ce
remords ne l'a conduit qu'à ajouter une seconde faute à la première, en
se donnant la mort.
Conclusion.
Le remords n'est donc qu'une première étape dans la voie
du rachat.
Il doit se parfaire en repentir, c'est-à-dire en un acte par
lequel, comme le dit SCHELER, « notre personne s'élève et aperçoit en
même temps l'ancienne structure de son moi à un niveau inférieur » tout
en s'établissant dans une structure qui la domine.
C'est la condition de
notre progrès moral..
»
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