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Le projet de maîtriser la nature est-il raisonnable ?

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« I- LES TERMES DU SUJET Il faut expliciter ce "projet" auquel le sujet fait référence : il s'agit d'un projet lié au développement des sciences et des techniques, et défini notamment par Descartes dans le Discours de la Méthode.

Il vise à transformer la nature et à l'utiliser à des fins utiles à l'homme. La notion de "raisonnable" signifie évidemment "conforme à la raison." Mais le terme est plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord : une attitude raisonnable, dans le langage courant, désigne une attitude qui ne nuit ni à soi-même ou ni à autrui.

Il faudra jouer sur les deux sens du terme lors du traitement du sujet. II - L'ANALYSE DU PROBLÈME Dans la mesure où le projet de maîtrise de la nature est rendu possible par la science, c'est-à-dire par une démarche rationnelle visant à comprendre les processus naturels, il est un projet de la raison.

Il consiste à utiliser la nature en vue de fins utiles à l'homme.

Il paraît donc éminemment raisonnable. Néanmoins, ce projet ne risque-t-il pas de se retourner contre l'homme ? Ne témoigne-t-il pas d'une ambition démesurée de l'être humain, oubliant qu'il fait lui-même partie de la nature, et ne peut donc entièrement la maîtriser ? III - UNE DÉMARCHE POSSIBLE A) UNE DEMARCHE RATIONNELLE ET RAISONNABLE 1 - Un projet de la raison Le projet de maîtrise de la nature est défini rigoureusement par Descartes dans Le Discours de la Méthode.

La science doit permettre de connaître les lois de la nature et donc de les utiliser au profit de l'être humain, par l'intermédiaire de la technique. Le projet de maîtrise de la nature est donc un projet rationnel, lié aux progrès de la connaissance et de la raison. Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ». Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote. Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé [...] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient une science. »

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