Le progrès technique entraîne-t-il une dévalorisation du travail humain ?
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«
POUR DÉMARRER
Le mouvement continu qui tend à remplacer progressivement l'activité productrice de l'homme par celle de machines
ne conduit-il pas à enlever toute valeur à cette activité qui, à la limite, pourrait disparaître ? Ce sujet soulève le
problème, important dans nos sociétés, de l'évolution de la nature du travail humain.
La division du travail.
Dans la « République », Platon affirme que c'est « l'impuissance ù se trouve chaque homme de se satisfaire à luimême et le besoin qu'il éprouve d'une multitude de choses.
» (Livre II) qui donne naissance à une cité.
Il y a trois
besoins fondamentaux : la nourriture, l'habitation, le vêtement.
A ces trois besoins correspondent trois travailleurs,
« le laboureur, le maçon et le tisserand », auxquels « nous pouvons ajouter le cordonnier » par souci de symétrie
puisqu'il s'agit d'une reconstruction intellectuelle et non historique.
A partir de là, Platon affirme que deux solutions
sont possibles :
• Soit ces quatre activités sont confiées à chaque travailleur qui partagera son temps de travail en quatre.
C'est ce
qui se passe dans les communautés agraires « primitives ».
• Soit chaque travailleurs se spécialise dans une des quatre activités et y consacre la totalité de son temps de
travail.
C'est ce qui existe dans les sociétés actuelles.
C'est ce qu'on appelle la division sociale du travail .
D'abord elle correspond à la différence entre les aptitudes naturelles qui rend les hommes complémentaires les uns
des autres.
Ensuite la spécialisation dans une activité déterminée y produit une plus grande habileté.
Enfin la
spécialisation fait l'économie des pertes de temps qu'occasionne le passage d'un travail à un autre.
De plus il y a
pour toute activité une saison.
Abordons le problème de la division du travail, cad la répartition des tâches nécessaires et le problème général des
conditions de travail.
On peut considérer la division du travail du point de vue de son efficacité pour la production des biens nécessaires à
la société, donc de son utilité économique.
Mais il faut aussi considérer les conséquences de la division du travail
sur la personne du travailleur.
L'utilité économique de la division en métiers paraît évidente : elle est la condition d'une production diversifiée et de
la satisfaction de besoins variés.
Considérée du point de vue du travailleur, elle implique un développement de
l'habileté individuelle et un perfectionnement des capacités.
La maîtrise d'un métier, qu'il soit manuel ou intellectuel,
permet une réalisation de soi et une reconnaissance sociale (ainsi, l'admiration pour le professionnalisme).
Aussi
l'ambition d'avoir un métier et d'y réussir est-elle autre chose que la volonté de gagner sa vie, même si la
spécialisation dans un métier, en interdisant par définition les autres, peut apparaître comme un enfermement dans
un seul domaine.
En revanche, la division du travail qui s'est imposée avec le développement de la grande industrie, et qui caractérise
encore aujourd'hui nombre d'entreprises a vu son utilité très vite contestée.
Des premières manufactures aux usines modernes, la division technique du travail s'est en effet accentuée jusqu'à
l'extrême parcellisation.
Tant que le travail est divisé en métiers différents, chaque homme de métier peut réaliser un
produit dans son ensemble, et même s'il existe une coopération, chacun est capable d'accomplir toutes les tâches
nécessaires à la réalisation du produit (au Moyen âge par exemple, la fin de l'apprentissage est symbolisée par la
réalisation d'un chef-d'oeuvre).
Avec les manufactures cette capacité à réaliser le produit en entier se perd et, dans
la grande industrie, avec le machinisme, elle disparaît totalement.
A la fin du XVIII ième siècle, l'économiste Smith souligne l'accroissement de productivité apporté par la division du
travail, telle qu'elle se développe dans les manufactures lors de la première révolution industrielle.
« Prenons un exemple dans ne manufacture de la plus petite importance, mais où la division du travail s'est fait
souvent remarquer : une manufacture d'épingles.
Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait un métier particulier, ni
accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont l'invention est probablement due encore à la
division du travail –cet ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sa
journée, et certainement il n'en ferait pas une vingtaine.
Mais de la manière dont cette industrie et maintenant
conduite, non seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un grand
nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers.
Un ouvrier tire le fil à la bobine, un
autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout
qui doit recevoir la tête.
Cette tête est elle-même l'objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est une
besogne particulière ; blanchir les épingles en est une autre ; c'est même un métier distinct et séparé que de piquer
les papiers et d'y bouter les épingles ; enfin l'important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérations
distinctes ou à peu près qui, dans certaines fabriques sont remplies par autant de mains différentes, quoique dans
d'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois.
J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait que
dix ouvriers, et où , par conséquent, quelqu'uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations.
Mais quoique la
fabrique fût fort pauvre et pour cette raison, mal outillée, cependant quand ils se mettaient en train, ils mettaient à
bout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour ; or, chaque livre contient au-delà de quatre mille
épingles de taille moyenne [...].
Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ils
n'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt épingles,
peut-être pas une seule, dans sa journée, cad pas, à coup sûr, la deux cent quarantième partie, et pas peut-être la
quatre mille huit centième partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division et
d'une combinaison convenables de leurs différentes opérations.
».
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