Le progrès scientifique peut-il faire disparaître les religions ?
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On peut s'interroger sur la corrélation entre d'une part, la désacralisation récente de nombreuses institutions (l'art,
l'éducation, la politique), c'est-à-dire leur séparation d'avec la religion, et d'autre part les progrès fulgurants de la
science, dont le XXe siècle a consacré l'hégémonie dans le domaine de la connaissance.
C'est donc la séparation de
deux ordres qui pose problème ; celle-ci est-elle irréductible et peut-il y avoir influence de l'un sur l'autre, de la
science sur la religion ? La science peut-elle assimiler et dissoudre les religions ? Nous nous appuierons, pour
répondre, sur des constats que l'on peut faire au regard des situations contemporaines mettant en jeu la science et
la religion.
I- Le progrès scientifique affaiblit les religions.
C'est sur le plan de la connaissance que la science le dispute à la religion, l'enjeu est de savoir laquelle va
pouvoir imposer ses vues au sens commun.
La querelle la plus connue à cet égard précède le siècle des lumières,
c'est l'obscurantisme, dont le paradigme majeur est incarné par le procès fait par l'Eglise à Galilée.
Ce dernier
soutenait les résultats de Copernic, qui permettaient de trancher en faveur d'un héliocentrisme ; or, l'Eglise
acceptait mal ce décentrement, un géocentrisme se conciliant mieux avec l'idée d'une nature singulière et divine de
la Terre.
Les deux systèmes de connaissances s'opposent radicalement par la façon dont ils procèdent ainsi que par
le but qu'ils se proposent.
La religion s'appuie sur des textes sacrés et sur leur interprétation laquel est toutefois
encadrée par un enseignement dogmatique ; elle n'a pas d'autre but que de fédérer les hommes, de les rendre
sensibles à des croyances et de délivrer une parole tenue pour sacrée.
La science moderne procède elle par
expérimentations, elle teste ses hypothèses en les confrontant à des expériences réelles ; son histoire est faite de
révolutions, la vérité qu'elle vise n'est pas spirituelle mais matérielle, elle cherche la nature réelle des choses et les
lois qui les gouvernent.
Cependant, l'objet des sciences et des religions est bien souvent le même : l'origine de la vie, du monde,
de l'espèce humaine ; le devenir de l'espèce humaine ; la cosmologie ; la sexualité et le désir… Chaque conquête de
la science dans l'opinion commune est un recul du dogmatisme religieux, l'anciennement laïque en France, consacré
par la séparation de l'eglise et de l'Etat en 1905, a favorisé le déclin de la religion, au profit d'une plus grande
confiance affichée envers la science.
Néanmoins, dans La crise de la culture, Anna Arendt pointe une difficulté
considérable et qui tient à l'incommunicabilité des travaux scientifiques les plus récents.
Le langage mathématique
en particulier a gagné tout les compartiments de la science, le langage scientifique est devenu si spécialisé qu'il est
désormais hors de portée du commun des mortels.
Il est incontestable que les plus grandes révolutions scientifiques
au XXe siècle demeurent une énigme pour le sens commun, ainsi la théorie de la relativité d'Einstein, la physique
quantique, mise en évidence par Planck, De Broglie, Schroedinger et Bohr, même la génétique, quoique plus
populaire, reste un lieu de contresens habituels.
II- Un optimisme positiviste.
L'idée que la science, grâce à son progrès, fera disparaître les religions tiendrait donc à une espèce de
vision naïve, plus qu'optimiste, que l'on pourrait même qualifier d'utopique.
Au XIXe siècle en France s'est
développée l'école de pensée positiviste, avec à sa tête Auguste Comte.
Selon lui les âges du savoir peuvent se
découper en trois temps : un âge théologique ou primitif où la connaissance dépend de simple croyances et
remarques phénoménales, un âge métaphysique et transitoire où les principes du premier âge sont réifiés et
systématisés grâce à des théories qui demeurent néanmoins invérifiables ; et un âge scientifique, positif, où la
connaissance est rationnellement déterminée.
Selon Comte la logique du développement de l'humanité rend nécessaire une telle évolution et selon lui l'âge
positiviste se réalisera de manière certaine.
Sa position est donc que le progrès est inhérent à l'ordre même des
choses, thèse éminemment optimiste et qui explique donc difficilement les périodes de régression de l'humanité.
Un
tel optimisme faisait directement suite au siècle des lumières qui avait favorisé l'idée d'une vulgarisation et d'un
partage du savoir scientifique.
Comte lui-même donnait des cours d'astronomie aux prolétaires parisiens.
Comte: La loi des trois états
1.
Une découverte précoce
Énoncée très tôt dans l'oeuvre de Comte, la loi des trois états est formulée comme suit : « Parla nature même de
l'esprit humain, chaque branche de nos connaissances est nécessairement assujettie dans sa marche à passer
successivement par trois états théoriques différents : l'état théologique ou fictif ; l'état métaphysique ou abstrait ;
enfin, l'état scientifique ou positif » (Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société, 1822).
2.
Une histoire intellectuelle et politique
À ces trois états correspondent respectivement la prééminence des rois, celle des peuples et celle des savants.
Le
premier type de conception est le début nécessaire de l'intelligence humaine ; le deuxième est une transition vers le
troisième, qui est l'état fixe et définitif de l'intelligence.
La théologie explique les phénomènes par la fiction d'une
volonté divine qui ressemble à celle de l'homme.
La métaphysique, qui désigne la philosophie du XVIIIe siècle, est une crise qui brise la hiérarchie théologique pour
proclamer la valeur suprême de l'individu et de sa liberté : elle engendre l'anarchie scientifique et sociale.
L'âge
positif en revanche, en fondant les sciences sur l'observation et en réorganisant les croyances humaines, réorganise
aussi la société qui repose sur ces croyances..
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