Le problème de l'origine des principes de la raison ?
Extrait du document
«
Les principes de la raison sont le levier essentiel de la pensée humaine et de la science.
D'où l'homme les tient-il ?
A.
Le rationalisme absolu
Une première solution consiste à affirmer que la raison est une donnée première qui ne doit rien à l'expérience et que
l'homme en possède congénitalement les principes.
Toute une tradition philosophique, depuis l'Antiquité grecque,
affirme que les principes de la raison existent a priori et indépendamment de l'expérience sensible.
C'est ainsi que pour Platon, l'âme les tient d'une existence antérieure à son union au corps.
Pour Platon, l'âme a une
existence distincte du corps.
Elle est immortelle, elle est source et principe du mouvement, elle est ce qui anime le
corps.
Elle a existé avant d'être enfermée en lui, elle existera après sa disparition.
Avant de s'incarner dans un corps,
l'âme a appartenu à un cortège divin, elle a eu connaissance de la vérité dans un monde suprasensible.
Pour Descartes aussi la raison est innée et irréformable.
Il voit en elle « la marque de Dieu sur son ouvrage ».
Les
principes sont de « vraies et immuables natures » ou « idées innées » et ont été comme gravés dans l'esprit de tout
homme par le créateur.
Enfin Kant, s'interrogeant sur les conditions de possibilité de la science, défend aussi la thèse du caractère a priori des
principes de la raison.
Selon lui, il existe des concepts ou des « catégories », des principes qui font partie de notre
constitution mentale et qui doivent être considérés comme des « formes a priori » de la pensée.
Ces formes a priori permettent d'organiser et de planifier l'expérience.
Ainsi, par exemple, la catégorie de cause est un
a priori rationnel qui structure notre perception de la succession des phénomènes.
Autrement dit, il y a un a priori,
donné antérieurement à l'expérience, un principe de notre raison qui est : « Tous les changements arrivent suivant la
liaison des causes et des effets.
»
Ainsi, le déterminisme ne peut être décelé dans la nature que parce que notre entendement possède, avant toute
expérience, ce concept de cause.
Ces théories de Platon, Descartes et Kant ont en commun d'affirmer que l'homme possède les principes indépendamment de l'expérience.
Ce sont diverses
formes de ce qu'on appelle le rationalisme absolu.
B.
L'empirisme
Une autre solution consiste à affirmez que toutes les connaissances de l'homme, y compris les principes de la raison dérivent de l'expérience.
C'est ainsi que pour Locke, il n'existe ni connaissance ni principe inné.
Dans l'Essai sur l'entendement humain, critiquant l'innéisme cartésien, Locke
avance la thèse de la « table rase » : l'esprit de l'être humain, avant toute expérience et éducation (celui du nouveau-né, par exemple), est comme une
tablette de cire, vierge de toute écriture.
Nos idées simples viennent de la sensation et de la réflexion.
Les idées complexes et en particulier les catégories
de substance, de mode et de relation sont le produit de la combinaison des idées simples.
Pour Hume aussi les principes de la raison ne sont pas innés mais
acquis par l'expérience.
Dans Essais philosophiques sur l'entendement humain, Hume affirme que les « idées » ne sont d'abord que des copies affaiblies des
« impressions » d'origine externe et qu'elles sont ensuite liées suivant les lois mécaniques de l'association.
Ainsi, par
exemple, nous observons qu'un phénomène donné est suivi d'un autre phénomène donné.
Rien ne nous permet d'affirmer
qu'il existe entre eux une relation causale nécessaire sinon l'habitude que nous avons acquise, sous l'influence d'une
association très souvent répétée, de nous attendre à les voir se suivre.
Le principe de causalité est donc acquis par
expérience.
Il en est de même pour les autres principes.
Ces théories de Locke et de Hume, qui affirment que la raison humaine tire ses principes de l'expérience, sont deux
formes de ce qu'on appelle l'empirisme.
C.
Critique du rationalisme et de l'empirisme
Le rationalisme et l'empirisme se heurtent, dans leur tentative d'apporter une solution au problème de l'origine des
principes, à des difficultés qui apparaissent insurmontables : le rationalisme ne peut rendre compte de l'accord du réel
avec les principes innés de la raison sans recourir à l'intervention de Dieu ou d'une mystérieuse finalité; l'empirisme ne
saurait expliquer par les seules expériences qui sont contingentes, particulières et limitées, la nécessité et
l'universalité des principes.
Leibniz a tenté d'élaborer une troisième solution faisant la synthèse des deux autres.
Selon lui, les principes sont innés
mais ils n'existent en nous qu'en tant que virtualités et seule l'expérience permet de les actualiser.
Les expériences
sensibles ne nous donnent pas les principes, elles ne sauraient les prouver mais elles conditionnent leur acquisition.
Elles actualisent la connaissance, antérieurement virtuelle, des vérités nécessaires et universelles.
« L'expérience : c'est là le fondement de toutes nos connaissances, et c'est de là qu'elles tirent leur première origine.
» Locke, Essai sur l'entendement
humain, 1690.
« Toute connaissance est d'expérience.
Entendez que celui qui voudrait ne consulter que son esprit et fermer tous ses sens ne pourrait rien penser du
tout.
» Alain, Propos du 3 février 1934.
« Tout a été primitivement empirique et la théorie n'est venue que plus tard éclairer la pratique.
L'empirisme n'est donc pas le contraire de la science;
c'est une période nécessaire qui précède la science et qui l'accompagne.
» Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865.
« Si toute notre connaissance débute AV EC l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute DE l'expérience.
» Kant, Critique de la raison pure, 1781.
Pour Kant en effet, toute connaissance est un composé de ce que nous recevons par impressions sensibles et des conditions d'exercice de notre propre
pouvoir de connaître..
»
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