Le prince a-t-il un droit à l'injustice ?
Extrait du document
«
Introduction : Le prince n'est-il pas d'abord et avant tout celui qui gouverne sans opposition.
Rien ne semble être
supérieur à lui dans la mesure où il commande à tous et que tous lui obéissent.
Ce statut de chef suprême semble
alors lui donner tous les droits, y compris un droit à l'injustice.
Seulement, se pose le problème de définir
précisément l'injustice.
Nous pouvons déclarer injuste ce qui est contraire aux lois.
Dans ce cas-là, est déclaré juste
ce qui est conforme et garanti par les lois.
La justice est donc ce qui est légal, et les lois sont là pour que le droit
soit avant tout respecté.
Les droits du prince sont eux aussi représentés par les lois.
Donc, tout ce que le prince
peut faire, en droit, c'est d'obéir à la loi.
Mais, n'est-il pas également légitime que le prince se maintienne à son
pouvoir ? Comme il est prince, c'est lui aussi qui décide de ce que sera la loi.
Autrement dit, il énonce à ses sujets
les principes qui les gouverneront.
Le paradoxe prend alors toute son ampleur : comment le prince peut-il affirmer en
donnant des lois et en les imposant, prôner un modèle de justice à suivre tout en déclarant que, par la même
puissance du droit, l'injustice (la non-conformité aux lois) est tout à fait légale ? Il nous semble alors nécessaire de
comprendre, qu'une telle façon d'agir ne peut maintenir un pouvoir stable.
Il est impossible de faire régner un
quelconque respect des lois en affirmant que les bafouer est tout à fait légal.
Cependant, nous devons ensuite
reconnaître que si tous les hommes sont déclarés égaux devant la loi, le prince risque facilement d'être considéré
comme l'égal de ses sujets.
Or, dans ce cas, il n'est plus prince.
Il lui faut alors faire preuve d'injustice quelquefois
pour se faire respecter et garantir l'application du droit.
Nous devrons alors reconsidérer le terme d'injustice pour
bien comprendre en quoi cela est aussi nuisible au prince qu'à ses sujets.
I/ L'injustice ne peut jamais être un droit.
S'il est vrai que le prince est celui qui déclare ce que les lois considèrent comme juste ou injuste, est-il pour
autant exempt de ce modèle qu'il annonce ? Certes, le prince gouverne, mais il gouverne selon des lois.
Qu'est-ce
qui distingue à proprement parler le prince du tyran ? Le tyran est celui qui fait de ses volontés des lois qu'il applique
comme et quand bon lui semble.
Le prince, à l'inverse, est celui qui fait appliquer les lois, tout en s'occupant de
gouverner dans le respect de ces mêmes lois.
Il est donc nécessaire que le droit, garanti par les lois, ne soit pas
contredit par l'action du gouvernant lui-même.
Le seul droit dont le prince dispose est celui que les lois permettent :
le prince a bien plutôt le devoir de faire appliquer ce droit de la façon la plus honnête possible.
En fait, le prince
n'est là que parce que les lois ne peuvent se défendre et s'appliquer par elles-mêmes et qu'il faut bien passer par
l'intermédiaire d'un homme pour garantir leur application concrète.
Le prince ne peut donc avoir un droit particulier
qui modifierait son statut de citoyen par rapport à celui de ses sujets.
Rousseau nous rappelle cela dans cet extrait
de son ouvrage Discours sur l'économie politique.
« Si les politiques étaient
moins aveuglés par leur ambition, ils verraient combien il est impossible
qu'aucun établissement quel qu'il soit, puisse marcher selon l'esprit de son
institution, s'il n'est dirigé selon la loi du devoir ; ils sentiraient que le plus
grand ressort de l'autorité publique est dans le cœur des citoyens, et que rien
ne peut suppléer aux mœurs pour le maintien du gouvernement.
Non
seulement il n'y a que des gens de bien qui sachent administrer les lois, mais il
n'y a dans le fond que d'honnêtes gens qui sachent leur obéir.
»
Si le devoir est au fond de la politique, le prince doit avant tout être un
homme moral, qui s'assure que la justice instituée par les lois sera appliquée
pour tous, y compris lui-même.
L'injustice ne peut donc jamais être soutenue
par le droit.
II/ Le prince doit parfois faire preuve d'injustice pour garantir son
pouvoir
Ce modèle précédent que Rousseau défend est tout à fait justifiable
si l'on s'avise d'établir ce qui doit être.
Or, le devoir d'un prince n'est-il pas
avant tout de se maintenir au pouvoir ? Face aux multiples ambitieux qui
cherchent à lui ravir le pouvoir, aux courtisans qui lui mentent et aux révoltes
auxquelles il doit sans cesse faire face, le prince doit avant tout s'assurer de
son pouvoir et se faire respecter comme gouvernant.
Ceci est même la
condition nécessaire s'il veut appliquer les lois.
Or, face aux injustices qui peuvent lui être faites, le prince peut-il
répondre autrement que par l'injustice ? S'il ne le fait pas, il risque de ne pas être respecté très longtemps.
Il se
pourrait alors que le prince puisse bénéficier d'un droit spécifique dans l'intérêt même des lois.
Cet emploi de
l'injustice ne serait donc pas semblable aux injustices purement tyranniques : ce serait le maintien de la loi ellemême, et donc de la justice, qui l'exigerait.
Faire régner la justice dans ce cas exigerait d'employer parfois l'injustice
comme un moyen et non comme une fin.
De ce fait, puisqu'elle n'est qu'un moyen, elle peut bien être soutenue par.
»
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