Le pouvoir politique tend-il toujours vers le bien ?
Extrait du document
«
[Il y a, en politique, une sorte de justice
immanente.
La sagesse finit toujours par l'emporter
sur l'ignorance, l'intérêt général sur l'intérêt privé,
la raison sur l'arbitraire.]
« Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou que ceux qu'on appelle aujourd'hui
rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes [...] il n'y aura de cesse aux
maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain.
»
Ainsi que le rappelle Léo Strauss en tête de son ouvrage « La cité et l'homme », la tradition tient Socrate pour
le fondateur véritable de la philosophie politique.
Cicéron aurait dit de lui qu'il « fut le premier à faire
descendre la philosophie du ciel pour l'établir dans les cités, pour l'introduire également dans les foyers, et
pour l'obliger à faire des recherches sur la vie et les manières des hommes aussi bien que sur le bien et le mal
».
en ce sens, il n'est pas d'histoire de la pensée politique qui ne doive commencer avec ce livre majeur que
constitue la « République ».
Rédigé par Platon, ce livre expose la conception de la justice de Socrate.
Tout y est présenté sous la forme
habituelle mais hautement complexe du dialogue.
Répondant aux questions de ses interlocuteurs, Socrate
développe une image de la cité idéale.
Socrate n'est-il que le porte-parole de Platon, un simple personnage
dont le philosophe se sert pour exprimer ses propres idées tout en restant masqué ? A l'inverse, Platon n'est-il
rien d'autre que le fidèle secrétaire du maître dont il se contente de noter scrupuleusement la pensée ? Et
dans ce jeu mobile et contradictoire où s'enchaînent et s'entraînent questions et réponses sans que l'ironie
soit jamais totalement absente, est-il seulement légitime de dégager une doctrine ? Derrière la fausse
simplicité d'une conversation entre philosophes, l'art du dialogue soulève d'insurmontables difficultés qu'il nous
faudra ici ignorer pour tenter de cerner l'image du politique qui se dégage de la « République ».
Dans cet ouvrage, Socrate présente donc l'idée qu'il se fait de la cité idéale.
Il décrit une société fortement
hiérarchisée au sein de laquelle les « gardiens » forment une classe dans laquelle règne une communauté
parfaite.
Au livre V, Glaucon, qui est l‘un de ses principaux interlocuteurs, demande à Socrate si une cité aussi
parfaite que celle qu'il a décrite peut exister dans la réalité.
Avec beaucoup de prudence, car il sait ce que sa
réponse peut avoir de ridicule et de scandaleux, Socrate répond qu'une seule réforme est nécessaire à qui
veut changer radicalement la société: il suffit que se conjuguent le pouvoir politique et la philosophie.
Socrate
déclare : « Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou que ceux qu'on appelle aujourd'hui
rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance politique et la
philosophie ne se rencontreront pas dans le même sujet ; tant que les nombreuses natures qui poursuivent
actuellement l'un ou l'autre de ces buts de façon exclusive ne seront pas mises dans l'impossibilité d'agir ainsi,
il n'y aura de cesse, mon cher Glaucon, aux maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain, et
jamais la cité que nous avons décrite tantôt ne sera réalisée, autant qu'elle peut l'être, et ne verra la lumière
du jour.
Voilà ce que j'hésitais depuis longtemps à dire, prévoyant combien ces paroles heurteraient l'opinion commune.
Il est en effet difficile de concevoir qu'il n'y ait pas de bonheur possible autrement, pour l'Etat et pour les
particuliers.
»
Socrate va s'attacher à justifier une proposition qui, aux yeux de ses interlocuteurs, ne peut être reçue que
comme un insoutenable paradoxe.
Pour ce faire, il entreprend de construire une définition de la philosophie.
En ce sens, la « République » est
autant un traité de la philosophie qu'un traité de la politique.
Par là même se marque combien, aux yeux de
Platon, sont indissociables ces deux dimensions : celle du savoir et celle du pouvoir.
Encore faut-il s'entendre sur ce que sont les « vrais philosophes ».
Socrate les présente comme « ceux qui
aiment le spectacle de la vérité ».
Mettant en place l'opposition, fondamentale dans la doctrine Platonicienne,
entre la science et l'opinion, il oppose les vrais philosophes à ceux qui, amoureux des apparences, sont
incapables de s'élever jusqu'à la vision du Beau et du Juste, et qui ne méritent pas le nom de « philosophe » «qui aime la sagesse » - mais celui de « philodoxe » - « qui aime l'opinion ».
C'est aux philosophes et non aux philodoxes que doit revenir le gouvernement de la cité.
Au début du livre VI,
Socrate trace des premiers un portrait particulièrement élogieux : le philosophe est « par nature, doué de
mémoire, de facilité à apprendre, de grandeur d'âme et de bonne grâce » ; il est « parent de la vérité, de la
justice, du courage et de la tempérance ».
Comment dans ces conditions, lui refuser le gouvernement de la
cité ?
Rendant hommage à l'habileté de la démonstration de Socrate, un autre des interlocuteurs (Adimante)
s'insurge contre les conclusions auxquelles il aboutit.
Il objecte : « On voit bien que ceux qui s'appliquent à la
philosophie, et qui, après l'avoir étudiée dans la jeunesse pour leur instruction, ne l'abandonnent pas mais y
restent attachés, deviennent pour la plupart des personnages tout à fait bizarres, pour ne pas dire tout à fait
pervers, tandis que ceux qui semblent les meilleurs, gâtés néanmoins par cette étude que tu vantes, sont.
»
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