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Le politique se fonde-t-il sur des fins ?

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« A.

En quel sens peut-on parler de « fins du politique » ? Soutenir qu'il y a des fins du politique peut s'entendre d'une manière conventionaliste : les lois seraient des artifices, des dispositifs sociaux que les hommes auraient inventés pour répondre à certains besoins.

Or l'idée que les lois humaines sont des instruments inventés par les hommes relève du mythe.

Elle suppose une humanité antérieure à l'existence des lois.

En réalité, à l'état de nature, l'homme n'était pas encore homme : il était un animal sur la voie de l'hominisation.

La culture humaine n'existait pas encore.

L'humain est né en même temps que les lois sociales, de sorte que les hommes ont toujours connu les lois, fussent-elles rudimentaires ; ils n'ont jamais eu à les inventer.

Il est vrai toutefois qu'ils ont toujours pu les modifier.

C'est pourquoi les lois humaines portent la trace des aspirations et des intentions de ceux qui les ont transformées.

Dans ces conditions, il n'est pas impossible que dans tel ou tel type de sociétés, on puisse établir l'existence de directions durables dans le dispositif des lois politiques en général. Ainsi la complexité des lois des sociétés politiques se rapporte peut-être, en dernière instance, à un certain nombre d'aspirations constantes, assimilables à des « finalités » qui auraient été à la fois à leur origine et qui seraient restées leur raison d'être.

Peut-on imaginer par exemple une société politique dont les lois ne soient pas orientées par les exigences de sécurité, de liberté et d'égalité ? Sans vouloir déduire toutes lois politiques de ces trois normes, on peut reconnaître qu'elles en sont venues à jouer un rôle de premier plan dans toutes les démocraties.

Ces valeurs ne sont manifestement pas inscrites dans la nature humaine puisque toutes les sociétés humaines ne sont pas politiques.

Les normes fondamentales du politique sont des acquisitions historiques et ne sont donc pas universelles. Il faut donc renoncer à voir dans la sécurité et la liberté des fins essentielles à l'homme par rapport auxquelles la loi et l'État tireraient leur justification universelle.

Comme l'égalité ou la propriété, elles sont des aspirations sociales apparues historiquement, entretenant entre elles des relations variables et changeantes selon l'époque et le lieu. B.

La loi comme compromis raisonnable Les lois sont toujours un héritage historique.

Elles s'imposent à des générations qui ne les ont pas réclamées et peuvent ne pas répondre à leurs attentes.

Les lois devenues caduques ou dépassées peuvent évidemment toujours être modifiées ou abandonnées.

Mais alors se pose la question de la prise en considération des intérêts, souvent divergents, des uns et des autres dans la modification de la loi.

Lorsque l'enjeu est important, en démocratie, on a recours en dernière instance au suffrage universel pour décider.

C'est donc le critère de la majorité qui détermine la loi.

C'est dire que par nature, la loi, même en démocratie, ne satisfait jamais tout le monde.

Elle s'impose en réalisant un compromis où chacun trouve seulement plus de raisons de continuer à obéir aux lois que d'y désobéir. C'est dans ce contexte de rapport de forces que se pose la question de la part de satisfaction respective accordée aux revendications de sécurité, de liberté et d'égalité.

Le souci de sécurité préoccupera davantage un peuple en proie à de graves troubles de l'ordre public, menacé par une guerre civile par exemple, qu'un autre qui jouit d'une paix solidement établie.

Ce peuple-là, plus chanceux, sera plus exigeant en matière de liberté ou d'égalité.

On ne peut donc pas dire a priori si les lois satisfont davantage le désir de sûreté, de liberté ou d'égalité.

La hiérarchisation de ces valeurs dans l'expression des lois varie, comme on l'a dit, selon la situation historique de chaque peuple. C.

La loi protège mieux la vie en garantissant les libertés Notons pour finir que les exigences de sécurité et de liberté sont tout à fait compatibles.

La sécurité est d'autant mieux assurée dans un État qui reconnaît un grand nombre de droits à ses citoyens.

En effet, plus les lois soutiennent et favorisent l'activité des individus, plus elles sont jugées utiles et bénéfiques par ces derniers.

L'État est donc d'autant plus fort et respecté qu'il respecte lui-même un grand nombre de libertés (compatibles entre elles).

L'ordre et la paix sont donc bien plus solidement établis en démocratie que sous une dictature militaire.

En limitant abusivement les libertés, un État s'affaiblit toujours ; à terme, par le déclin de son autorité, l'État despotique met toujours en danger la sécurité de chacun.. »

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