Le plaisir esthétique est-il un plaisir ?
Extrait du document
«
Le terme plaisir vient du latin « placere », c'est-à-dire « plaire », « être agréable ».
Le plaisir s'assimile donc à la
satisfaction.
La notion de plaisir se retrouve au cœur des recherches en art : en effet, l'art recherche avant tout à
engendrer le plaisir, la satisfaction.
C'est en 1750, sous la plume que Baumgarten, avec son Aesthetica, que le
philosophe allemand met un nom sur cette recherche : l'esthétique.
Selon ce dernier, ce qui importe, ce n'est pas le
plaisir d'engendre le beau, mais l'idée de perfection et son rapport avec la vérité.
Qu'est ce que le plaisir en art ? Il
s'agit tout d'abord du sentiment de satisfaction relatif au plaisir, celui-ci étant désintéressé, éprouvé en présence
de la beauté.
Or le plaisir esthétique se distingue des autres plaisirs sensibles, il est d'une modalité particulière bien
qu'il soit essentiellement de même nature en ce qu'il est toujours de l'ordre du sentiment et de la satisfaction.
Or, le
plaisir esthétique est-il à distinguer du plaisir ? En d'autres termes, le plaisir esthétique est-il un plaisir ?
I : le plaisir du beau n'est pas le plaisir de l'agréable :
Kant élabore toute une réflexion sur la place qu'il faut faire au sentiment de beau dans le jugement de goût.
Pour
l'auteur de « critique de la faculté de juger », le jugement de goût n'est pas un jugement de connaissance mais qu'il
est esthétique c'est-à-dire que son principe déterminant est subjectif (relatif au sujet) et qu'il se rapporte par
l'imagination liée à l'entendement, au sentiment de plaisir ou de déplaisir qui affecte le sujet.
Notons, que pour Kant,
contrairement à Baumgarten, l'idée de perfection n'est pas dépendant du jugement de goût.
Bien que le jugement
vise le plaisir, le plaisir esthétique n'est pas le même que le plaisir sensible.
Il n'est pas à confondre avec le plaisir
sensible qui engendre chez le sujet sensation de l'agréable.
De là, on en arrive à distinguer chez Kant, sentiment du
beau et sentiment de l'agréable.
Le plaisir du beau est désintéressé, il est indifférent à l'existence de l'objet qui le
provoque.
Contrairement à lui, le plaisir de l'agréable est directement lié par l'intérêt à l'objet qui l'engendre et
découle de la faculté de désirer.
L'agréable ne plait pas seulement, il fait « plaisir ».
Or, nous ne pouvons dire la
même chose du plaisir esthétique.
Le plaisir sensible est lié à une inclination alors que le plaisir esthétique est lié à
une approbation.
Le beau est donc à distinguer de l'agréable : l'agréable est ce qui plaît au sens, nous pouvons
parler du plaisir de l'agréable mais il s'agit d'un plaisir empirique (attaché à un enchaînement causal).
En opposition le
jugement de goût, le plaisir du beau, est un plaisir qui résulte de la simple représentation et contemplation de
l'objet ; « Le jugement de goût est seulement contemplatif.
».
§5.
C'est pourquoi Kant parle d'une satisfaction
désintéressée.
L'intérêt est la satisfaction liée à la représentation de l'existence d'un objet.
II : le plaisir esthétique est un plaisir :
Bien que le plaisir esthétique ne soit pas plaisir de l'agréable, il n'en demeure pas moins qu'il reste un plaisir.
Une
satisfaction, certes désintéressée, mais une satisfaction.
Car nous éprouvons bien un sentiment de satisfaction
devant un spectacle ou devant une œuvre d'art qui nous interpelle, qui nous parle à travers le langage de la beauté.
Or, si nous revenons sur les termes de Kant, de quoi peut-nous satisfaire le plaisir esthétique s'il est désintéressé, si
en effet, on retire au beau tout attrait, toute émotion, tout plaisir dû à la sensation ? Qu'est ce qui nous pousse
encore à contempler si ce n'est la recherche d'une satisfaction ? Pour qu'un objet nous procure du plaisir il faut bien
que celui-ci porte en lui des qualités que nous recherchons, qu'il tende à satisfaire un quelconque besoin ou encore
réponde à un intérêt.
Toutefois le mot désintéressement n'est pas à prendre de manière négative, il permet de faire
la distinction entre le plaisir dû à la satisfaction de besoins organiques, du plaisir dû qui proviennent des sensations
auditives ou visuelles et de leurs qualités ressenties comme telles.
Bergson, suivi par Alain ou Pradines, ont montré
que tout comme l'artiste, le contemplateur peut se détacher de l'attitude utilitaire commune, où les sons et les
formes sont simplement perçus comme des informations.
Or, dans le domaine de l'art, il s'agit de « gouter » ces sons
et ces formes pour pouvoir en apprécier leur beauté.
Ainsi, se détournant de la simple attitude sensible, en rentrant
dans cette attitude de gouteur, le contemplateur comme l'artiste deviennent des jouisseurs de beauté.
Conclusion :
L'activité esthétique devient activité spirituelle, détournée des préoccupations sensibles.
Le plaisir qui en découle
est donc différent du plaisir sensible : le plaisir esthétique n'est pas le plaisir de l'agréable, il est désintéressé, n'a
pas d'autre fin que le plaisir même.
Pour Kant, « Le goût est la faculté de juger d'un objet ou d‘un mode de
représentation sans aucun intérêt, par une satisfaction ou une insatisfaction.
On appelle beau l'objet d'une telle
satisfaction » Le beau est objet de jouissance, c'est grâce à la contemplation du beau que nous éprouvons le plaisir
esthétique qui se caractérise par la jouissance.
Cette jouissance n'est pas liée à un enchainement causal, à quelque
chose d'empirique, elle survient par la contemplation même.
Bien que s'articulant de manière différente que le plaisir
dit inférieur (c'est-à-dire celui qui répond à nos besoins organiques), le plaisir esthétique (par opposition, dit
supérieur) il en reste en conséquent source de plaisir, non négligeable et à la base du jugement du beau, du
jugement en art..
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