Aide en Philo

Le philosophe doit-il penser ce qui est ou ce qui doit être

Extrait du document

« INTRODUCTION On reproche fréquemment à la philosophie son aspect critique, où l'on trouve seulement une pratique outrancière du dénigrement.

Mais celui qui fait profession de philosopher peut-il se contenter de penser le monde tel qu'il est, sans recul ni élément comparatif? Le philosophe doit-il penser ce qui est ou ce qui doit être? I.

ORIGINE DE «CE QUI EST» — Repérage préliminaire: ce qui est, c'est la réalité contemporaine de l'être humain dans une certaine société et un certain rapport au monde. — Cet état présent résulte du passé. Impossible de penser ce qui est sans réfléchir sur son histoire (cf.

Rousseau ou Hegel: importance de la dimension historique — pensée à l'origine de la philosophie dans son versant mythique). — Mais penser ce qui est, même en considérant le passé, c'est simplement décrire ou effectuer un constat. Pour penser véritablement (au sens premier de peser), il faut au moins comparer ce qui est à d'autres possibilités ou versions (d'où la tendance éventuelle à la nostalgie, lorsque ce qui est est perçu comme décadent par rapport à ce qui fut: c'est un versant de la position nietzschéenne). II.

LE PROJET — L'être humain vit une temporalité ouverte sur l'avenir.

L'homme peut se repérer comme «être des lointains » (Nietzsche, repris par Heidegger). — Le projet, comme façon d'envisager un avenir possible et souhaitable, est donc fondamental chez tout être humain (distinction relativement à l'animal).

L'organisation sociale minimale a pour tâche de prévoir (ce pourquoi on peut tuer des enfants en surnombre dans certains groupes «primitifs» — ce qui, au lieu de signaler leur «barbarie », indique leur appartenance à l'humanité en tant que telle, et en tant que soucieuse de durer). — Le philosophe, être humain parmi d'autres, ne peut lui-même échapper au projet à la dimension de l'avenir: première forme du «ce qui doit être ».

Seule cette prévision fournit un élément de comparaison permettant, au-delà de la description, de juger le présent et de prendre position par rapport à ce qu'il propose. III.

CE QUI DOIT ÊTRE — Insister d'abord sur la dimension morale: le devoir définit la pratique, ce qui est à faire par l'homme en opposition à ce qui est déjà là, donné. Dans cette optique, le devoir être implique l'existence d'une liberté par rapport a ce qui est déterminé, c'est-à-dire en particulier aux déterminismes historiques déjà accomplis («le roc: ce fut» de Nietzsche). — En parallèle à ce plan moral, on devine pour le philosophe la tâche de définir les normes générales, les guides de l'action possible dans tous les domaines (social, politique...). — On sait qu'un tel repérage normatif ne va pas sans risque : • soit d'excès (Kant a les mains propres «mais il n'a pas de mains»; le surhomme de Nietzsche est-il signe, ou même signe avant-coureur, de sa folie?); • soit de dénonciation par le réel (cf.

les déboires de la pensée marxiste); • soit d'idéalisme (de la Cité platonicienne au règne de la Raison hégélien).

Mais la grandeur de la philosophie consiste précisément à accepter ces risques en les connaissant comme tels et à, malgré tout, émettre des voeux, formuler des espoirs, dessiner un avenir souhaitable. — Complémentairement, la tâche de la philosophie est aussi de penser le passage de ce qui est à ce qui doit être: non pas proposer des buts sans se soucier des moyens pour les atteindre, mais au contraire rendre ces buts réalisables en montrant comment on pourrait les réaliser. CONCLUSION Pour le philosophe, il n'y a pas de choix d'études à faire entre ce qui est et ce qui doit être: l'un et l'autre sont deux aspects d'une même histoire toujours en cours.

La comparaison entre le réel présent et le réel désirable aboutit bien souvent à une attitude critique.

Celle-ci n'acquiert sa véritable efficacité que si elle est accompagnée d'une réflexion sur la transformation, par la pratique humaine, de l'être en ce qu'il doit devenir.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles