Le passionné est-il excusé ?
Extrait du document
«
« Etre sous l'emprise de ses passions… » Cette expression traduit bien l'idée que l'opinion commune tend à se
faire des passions.
Ces désirs excessifs sont souvent opposés à la Raison, censée traduire l'ordre, la rigueur, la
méthode, tandis que les passions sont représentatrices de l'excès, de la démesure, de l'emprise de l'affect sur la
réflexion, et par la même susceptibles de provoquer des dépendances multiples et dangereuses.
Ainsi nous avons
tendance à dire que l'Homme passionné n'a « plus conscience de ses actes », sous-entendant qu'il n'est plus libre
mais dépendant, sous l'emprise de quelque chose d'extérieur et de plus fort que lui.
Il est aliéné, rendu extérieur à
lui-meme, et donc en quelque sorte il pourrait être déchargé de toute responsabilité, la Passion représentant alors
que sorte d'excuse.
Mais est-ce vraiment bien toujours le cas ? Si la passion pouvait être considérée comme une
excuse, alors comment, justement, fonder la responsabilité de l'Homme ? Ce serait même nier toute possibilité de
jugement moral, et aussi toute intervention de la réflexion.
Or, l'homme ne serait-il pas aussi, comme le définit
Aristote, un « animal doué de Raison » ?
Effectivement l'Homme, meme s'il connaît des passions dévastatrices, reste un être de conscience, doté de
cette faculté originelle qui certes, peut rester en l'état de simple puissance.
Un philosophe comme Alain exaltera la
liberté des Hommes et les exhortera à mettre en actes cette faculté, fondant alors la responsabilité morale des
individus.
Il ira même jusqu'à écrire dans les Propos ; « L'homme qui suit la Raison n'a point de Passions ».
La
condamnation rationaliste des passions va alors de pair avec la maîtrise du désir, qui peut et doit s'exercer par la
conscience et la Raison.
L'Homme est en mesure de maîtriser ses passions, de distinguer les désirs excessifs des
autres désirs.
Ainsi la Passion ne peut plus constituer une excuse réelle, puisqu'il s'agit alors d'une dépendance
voulue et dont l'Homme est l'unique auteur et responsable.
« La Passion c'est moi et c'est plus fort que moi »,
admet Sartre.
L'Homme accepte de perdre sa liberté et sa lucidité, en toute connaissance de cause…
A partir de là, peut-on apprécier avec justesse la responsabilité de l'Homme dans les actes qu'il pose et qui
lui sont dictés par les Passions ? Ou bien l'Homme est passif, tombé sous la dépendance de forces qui le dépassent,
et dans ce cas-là il n'agit plus avec liberté, donc il n'est plus responsable ; ou bien loin d'être une excuse, la passion
est toute entière l'œuvre de l'homme qui la subit tout en en acceptant les conséquences, car il a eu la possibilité de
les maîtriser par l'entremise de la Raison.
Mais n'est-il pas possible de surmonter une telle aporie ? Ne pourrait-on
pas plutôt voir dans la passion une force positive, libératrice, créatrice, source en elle-même de liberté pour
l'Homme, celle qui fera dire à Hegel que « rien de grand dans le monde ne s'est construit sans Passion » ?
I – L'Homme aliéné par ses passions et irresponsable
A – Les passions, source de dépendances et de dangers multiples
Au premier abord, le bon sens commun tend à condamner les actes des passionnés, tout en leur accordant
une certaine démence, voire même à leur trouver parfois des excuses.
C'est que l'on tend à considérer que les
passions, tout excessives et dangereuses qu'elles puissent être, dépassent l'Homme, ne rendent plus compte
réellement et avec vérité de lui même ; qu'il s'agit d'une force qui s'exerce sur lui et contre laquelle il ne peut rien
faire, contre laquelle il ne peut opposer de résistance.
Obnubilé, voire même « dévoré » par l'objet de son désir, le
passionné est aliéné, rendu étranger, autre à lui-meme.
Comment alors le considérer comme responsable ? Suivant
la définition des Romantiques, la passion est une force tumultueuse, dévastatrice ; tandis que selon la définition
classique elle est définie comme l'ensemble de ce qui est subi par l'esprit.
L'Homme est sous le coup d'une
dépendance, il n'est plus libre ; il est passif, esclave, et les actes qu'il pose, pour condamnables qu'ils puissent
sembler, ne sont pas issus de lui et de sa propre volonté.
En quelque sorte l'on pourrait dire que ce n'et plus lui qui
agit.
C'est la raison pour laquelle nous sommes plus enclins à excuser le comportement d'une personne par nature
déraisonnable ; tandis qu'une autre, plus posée, réfléchie, dont nous tendons à considérer qu'elle a pleinement
conscience de ses actes, nous semblera plus condamnable.
C'est en quelque sorte alors décharger le passionné de
la responsabilités de ses actes, la passion dont il est l'objet et qu'il subit, sa perte de contrôle étant seule coupable..
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