Le passé a-t-il disparu ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
PASSÉ: Dimension du temps écoulé dans son irréductible irréversibilité.
D'ordre biologique, pulsionnel, social,
historique ou psychologique, le passé pèse sur l'homme dans le sens du déterminisme, mais, il structure aussi
activement la personnalité sans laquelle la liberté serait impossible ou illusoire.
La liberté qui peut d'ailleurs s'exercer
à l'égard du passé lui-même, dans la mesure où le sens accordé au passé reste du choix de l'individu (cf.
Sartre).
Par sa nature même, la connaissance du passé humain reste, selon les cas, occultée, aléatoire, partielle, subjective,
soumise au moment social; elle laisse ainsi souvent une marge d'indétermination propice aux illusions et à l'action de
l'imaginaire.
A.
Sens des termes
— Passé : de "passare", passer ; temps écoulé, envisagé dans son irréversibilité.
Notion corrélative du présent et de
l'avenir.
— Disparaître : cesser d'être, d'exister ; se perdre, être détruit, anéanti.
B.
Sens du sujet
Le temps, qui s'est enfui et écoulé dans son irréversibilité, s'est-il anéanti ?
C.
Problème
Ce sujet pose le problème du Sens de mon existence dans le monde.
Suis-je voué au Non-être et à l'Absurde?
Le plan sera, par conséquent, du type progressif, en allant du passé disparu au passé sauvé.
D.
Plan
1.
Le passé oublié.
La disparition pure et simple du passé ; le temps passé est irréversible et semble donc
avoir disparu.
a.
Le temps, changement perpétuel transformant notre présent en passé.
Irrationalité de ce changement.
Comment le temps pourrait-il se présenter comme notre allié ? En transformant perpétuellement notre présent en
passé, il nous renvoie à une étrange privation d'être, constitutive de notre existence.
En effet, notre passé est
formé de non-être.
Ce qui fut pour nous joie, bonheur, densité et plénitude de l'existence concrète, qualité et
pureté de l'instant, n'est promis, à travers la malédiction du temps, qu'à la décevante corruption, à un étrange nonêtre où l'homme, étonné et angoissé, se retrouve dépossédé de son être même et de sa vie.
Le temps est privation d'être, comme l'affirmait déjà Aristote dans la Physique.
Ainsi y a-t-il, dans le temps, un mystère, lequel réside en ce manque d'être qui le caractérise.
Le temps est une
énigme où la pensée se perd et s'égare ! Le passé n'est plus, le présent fuit sans cesse, dans le passé.
L'avenir
n'est pas encore : non, il n'y a rien de concret dans le temps ; tout, en lui, est fuite, évanescence, inexistence,
étrange opacité ; le temps m'échappe dans sa substance même.
Qui nous dira le secret du Temps, ce secret où,
parfois, nous croyons appréhender le Rien qui est notre substance même ?
b.
Temps.
Irréversibilité.
Mort.
Creusons davantage cette première idée : si le temps est mon ennemi, s'il me prive de ma substance, de mon être
et de ma joie, c'est en raison de l'irréversibilité qui est sienne.
Alors que l'espace est réversible, puisque je vais de
Paris à Nice, et de Nice à Paris, le temps, au contraire, est irréversible.
Il se manifeste à moi dans l'irréversibilité des
changements.
Déjà Héraclite affirmait que ceux qui descendent dans le même fleuve se baignent en une eau
toujours nouvelle.
Cette irréversibilité me signale que le temps est mon ennemi, qu'il travaille contre moi et défait
mes oeuvres.
Le temps est la marque de mon impuissance existentielle.
« Temps, marque de mon impuissance.
Étendue, de ma puissance », écrivait justement Lagneau.
Autant nous pouvons agir sur l'espace, ou du moins dans l'espace (le parcourir dans tous les sens, manipuler les
objets, etc.), autant nous sommes démunis vis-à-vis du temps: nous ne pouvons échapper à son écoulement
continu, ni l'accélérer ni le retarder, encore moins l'arrêter ou revenir en arrière.
Le temps " nous emporte ", ainsi
que tout ce qui nous entoure, nous arrache ce à quoi nous tenons, il est facteur d'usure, de vieillissement - et
finalement nous amène à la mort.
Le temps ne nous serait pas débiter par un caissier mais par un bourreau.
De plus,
bien que nous y soyons immergés (comme nous le sommes dans l'espace), nous ne savons pas ce qu'il est : il est
immatériel et, par son écoulement même, nous ne pouvons pas le " saisir " comme un objet pour l'examiner.
Nous
sommes sous l'emprise du temps sans avoir de prises sur lui.
Ainsi, l'espace marque notre " puissance " en tant que
nous pouvons agir en lui et sur lui, tandis qu'à l'égard du temps nous sommes réduits à l' "impuissance ", à la
passivité, nous ne pouvons que le subir, nous n'avons aucune prise sur lui.
Notre rapport au temps serait un rapport
comme donjuanesque ou plutôt toujours déjà une aliénation (au sens propre du terme) donjuanesque.
Pour le
"héros" de Molière: prise la proie est méprisée; de même, nous sommes méprisés du temps ("Oh! Temps suspends
ton vol" supplie le poète) et sous sa prise, sous son emprise.
Mais, à la différence d'Elvire, nous n'avons pas le choix
d'opter pour ou contre le temps comme (tout de même) on peut dire oui ou non à un amant trop pressant.
Le.
»
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