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LE PASSAGE DE LA NATURE A LA CULTURE ?

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« La prohibition de l'inceste On passe de l'état de nature à l'état de culture lorsqu'on passe du fait naturel à l'instauration de la loi. Claude Lévi-Strauss voit dans la prohibition de l'inceste, qu'il a trouvé dans toutes les sociétés, ce passage du fait naturel à la loi, donc à la culture.

« La prohibition de l'inceste fonde ainsi la société humaine, et, en un sens, elle est la société » (Structures élémentaires de la parente). C'est le système de l'alliance et de l'échange qui constitue la culture.

On passe de la procréation (nature) à la parenté (culture).

La culture est liée à l'organisation de la société et de l'établissement d'institutions. Où finit la nature ? Où commence la culture ? Dans « Les structures élémentaires de la parenté », Lévi-Strauss a tenté de répondre à cette double question. La première méthode, dit-il, et la plus simple pour repérer ce qui est naturel en l'homme, consisterait à l'isoler un enfant nouveau-né, et à observer pendant les premiers jours de sa naissance.

Mais une telle approche s'avère peu certaine parce qu'un enfant né est déjà un enfant conditionné.

Une partie du biologique à la naissance est déjà fortement socialisé.

En particulier les conditions de vie de la mère pendant la période précédant l'accouchement constituent des conditions sociales pouvant influer sur le développement de l'enfant.

On ne peut donc espérer trouver chez l'homme l'illustration de comportement préculturel. La deuxième méthode consisterait à recréer ce qui est préculturel en l'animal.

Observons les insectes.

Que constatons-nous ? Que les conduites essentielles à la survivance de l'individu et de l'espèce sont transmises héréditairement.

Les instincts, l'équipement anatomique sont tout.

Nulle trace de ce qu'on pourrait appeler « le modèle culturel universel » (langage, outil, institutions sociales, et système de valeurs esthétiques, morales ou religieuses). Tournons-nous alors vers les mammifères supérieurs.

Nous constatons qu'il n'existe, au niveau du langage, des outils, des institutions, des valeurs que de pauvres esquisses, de simples ébauches.

Même les grands singes, dit Lévi-Strauss, sont décourageants à cet égard : « Aucun obstacle anatomique n'interdit au singe d'articuler les sons du langage, et même des ensembles syllabiques, on ne peut qu'être frappé davantage par sa totale incapacité d'attribuer aux sons émis ou entendus le caractères de signes .

» Les recherches poursuivies ces dernières décennies montrent, dit Lévi-Strauss que « dans certaines limites le chimpanzé peut utiliser des outils élémentaires et éventuellement en improviser », que « des relations temporaires de solidarité et de subordination peuvent apparaître et se défaire au sein d'un groupe donné » et enfin qu' « on peut se plaire à reconnaître dans certaines attitudes singulières l'esquisse de formes désintéressées d'activité ou de contemplation ».

Mais, ajoute Lévi-Strauss, « si tous ces phénomènes plaident par leur présence, ils sont plus éloquents encore –et dans un tout autre sens, par leur pauvreté ».

De plus, et c'est là sans doute la caractéristique la plus importante, « la vie sociale des singes ne se prête à la formulation d'aucune norme ». A partir de cette constatation, Lévi-Strauss indique ce qui lui semble être le critère de la culture : « Partout où la règle se manifeste, nous savons avec certitude être à l'étage de la culture.

» Mais les règles institutionnelles qui fondent la culture sont particulières et varient d'une société à l'autre.

On peut donc affirmer que l'universel, ce qui est commun à tous les hommes, et la marque de leur nature.

C'est donc ce double critère de la norme (règle) et de l'universalité qui permet –dans certain cas- de séparer les éléments naturels des éléments culturels chez l'homme : « Posons donc que tout ce qui est universel chez l'homme relève de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. » Mais ce double critère posé, nous nous trouvons confrontés avec un fait unique en son genre : la prohibition de l'inceste.

Celle-ci, en tant qu'institution relève de la règle et donc de la culture.

Mais, en même temps, elle est un phénomène universel et semble donc relever de la nature.

Une contradiction donc, un mystère redoutable : « La prohibition de l'inceste possède, à la fois, l'universalité des tendances et des instincts, et le caractère coercitif des lois et des institutions.

» Victor, l'enfant sauvage On parle de passage de l'état de nature à l'état de culture, mais pas de rupture. La découverte d'enfants sauvages, comme Victor de l'Aveyron, recueilli et étudié par le docteur Itard, montre bien la difficulté de ce passage, et l'impossibilité de parler d'une nature humaine voire d'une espèce humaine hors société. L'homme a besoin d'un autre homme au moins pour révéler ses capacités humaines. « Pour être humain, il faut au moins être deux » disait Hegel. Victor fit quelques progrès, toujours douloureux.

Son éducation se fit sans doute trop tard, mais il atteignit un niveau qui faisait de lui un être social.

Il n'y a pas de nature humaine en dehors de la société.

La nature humaine n'est que virtualité, potentialité. A la fin de l'an VIII (1800), fut remis à l'Institution nationale des sourds-muets un enfant capturé peu auparavant dans l'Aveyron, où il avait vécu, on ignore pourquoi, de longues années à l'écart de toute société.

Ses yeux, sans expression, ne distinguaient pas les plans et les reliefs.

L'ouïe était insensible aux bruits les plus forts aussi bien qu'à la voix.

N'émettant qu'un son guttural et uniforme, dépourvu de tout moyen de communication, il semblait mener une « vie purement animale » .

Itard se proposa de faire l'éducation de Victor et, hostile aux méthodes courantes qui recouraient aux gestes et aux mimiques, il tenta de lui faire acquérir le langage.

Il faut suivre dans ses écrits le récit de ses multiples tentatives, apprécier l'autocritique constante à laquelle il se soumet, mesurer l'ingéniosité qu'il déploie, pour comprendre pourquoi, malgré l'échec final en ce qui concerne le langage, Itard a fait œuvre de pionnier.. »

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