Le matérialisme est-il une négation de l'esprit ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
ESPRIT: Du latin spiritus, «souffle» (qui anime la matière).
* Dans la langue religieuse (le Saint-Esprit), le souffle ou le principe divin.
* Par opposition au corps : principe individuel de la pensée,
conscience.
* Par opposition à la matière : le monde de la pensée, la réalité spirituelle.
* Chez Hegel, l'Esprit (avec une majuscule) est le principe rationnel qui gouverne le monde.
On appelle esprit la capacité de former et d'utiliser des représentations.
Mais tout se complique quand je tente
d'élaborer une conception unifiée du monde.
Y a-t-il d'un côté la matière inerte qui ne fait que propager une
impulsion initiale selon les lois du mouvement, et de l'autre l'esprit capable d'utiliser les mouvements matériels à son
profit? Le matérialisme affirme-t-il que toute réalité est matière et que l'esprit n'existe pas?
1.
Dualisme ou monisme?
• Comment penser la réalité selon un seul plan? Prenons ce stylo si je le lâche, il tombe, son mouvement est l'effet
d'une cause naturelle.
Le stylo n'a pas d'intention.
Si je lance ce stylo pour faire mal à quelqu'un, mon action résulte
par contre d'une intention : je répondrai à qui m'interrogera en donnant les raisons de mon geste.
Est-ce parce que
j'ai un corps conformé tel qu'il est que je peux faire un geste avec le bras? Ou bien est-ce parce que j'ai des
représentations mentales (intentions ou croyances) que ma volonté va détendre mon bras quand il le faut, comme si
mon corps obéissait à mon esprit?
• On peut défendre un dualisme, comme celui de Descartes qui distingue la substance étendue (figure et
mouvement) et la substance pensante.
Cette séparation du monde en deux rend difficilement compréhensibles les
rapports de la matière et de l'esprit.
D'autres philosophes sont monistes : Berkeley défend un monde où il n'y a que
des esprits - puisque tout être matériel n'existe qu'en tant qu'il est perçu et qu'une perception est l'acte d'un esprit.
Le matérialisme consiste au contraire à faire de la matière la seule réalité, puisque tout être capable de forger des
représentations possède un cerveau et la pensée pourrait consister en l'activité du cerveau, cette parcelle de
matière plus compliquée qu'une autre.
Berkeley : « Etre, c'est être perçu »
Cette formule de Berkeley peut sembler surprenante puisqu'elle consiste à n'accorder de réalité qu'à ce que nous
percevons.
Dire « Etre c'est être perçu », c'est affirmer que rien n'existe en dehors de l'esprit, que toute réalité est
un esprit qui perçoit.
Nous avons commencé par noter que la perception est cette activité de l'esprit qui rassemble,
qui collecte, or c'est justement la raison pour laquelle Berkeley ne va accorder de réalité qu'à ce qui est perçu.
En
effet, il est impossible de séparer, d'isoler une idée des sensations que nous éprouvons.
Par exemple, on ne peut pas
parvenir à se représenter l'étendue (ce qu'on se représente étendu dans l'espace) dépourvue de couleur, de même
nous ne pouvons pas nous représenter la matière indépendamment d'une certaine forme, d'une certaine étendue,
d'une certaine figure.
Tous les éléments qui composent notre univers, que l'on pense à la couleur, la saveur,
l'étendue, le mouvement…n'ont aucune existence en dehors de la perception que nous en avons.
L'étendue n'est ni
grande ni petite, le mouvement n'est ni lent, ni rapide, ils ne sont donc rien ; de même je ne puis former l'idée d'un
corps étendu qui est en mouvement sans lui donner aussi une couleur.
Quand nous pensons que la matière ou
l'étendue existent seules, nous nous laissons abuser par les mots, par le langage.
Berkeley va répondre à un
problème (le problème de Molyneux), qui a suscité de nombreux débats, et qui consistait à se demander si un
aveugle né, recouvrant subitement la vue, pourrait discerner visuellement le cube et la sphère qu'il sait déjà
discerner par le toucher.
Or, ceci serait possible si notre perception nous livrait l'étendue géométrique abstraite,
mais une description des processus de la vision montre qu'il n'en est rien, car nous éprouvons à tout instant
l'incommunicabilité des idées visuelles et des idées tactiles.
L'illusion selon laquelle il y aurait une idée commune à la
vue et au toucher, une idée abstraite d'étendue vient de l'emploi de mots.
Le langage nous fait croire, à tort, à
l'existence d'entités abstraites, mais il n'y a pas de réalité en dehors de la perception.
Mais alors, si la matière
comme substrat, comme réalité indépendante, est une pure illusion, qu'est-ce qui fait que les objets qui tombent
sous nos sens demeurent là, même quand nous fermons les yeux, même quand nous ne sommes plus là ? Berkeley va
alors faire appel à l'existence de Dieu, c'est-à-dire un esprit qui soutient le tout, et qui permet de penser l'unité du
monde.
11.
Être en accord avec les sciences?
• Une démarche scientifique classique consiste à ramener une réalité à une autre, on parle de réduction : par
exemple, la chaleur, conçue comme propriété d'une substance particulière, le calorique, fut ensuite reconnue comme
une agitation des molécules, et réduite à leur mouvement.
Le «rasoir d'Ockham » est un principe qui dicte de ne pas
multiplier les entités : inutile de postuler l'existence du calorique, si l'existence du mouvement moléculaire suffit à
rendre compte du phénomène.
La science a pour but de donner une analyse éclairante du réel, non de le rendre plus
complexe qu'il ne paraît.
Le matérialisme est donc une méthode destinée à expliquer l'esprit en le réduisant à la
matière.
• Cette réduction ramène ce que l'on ne connaît pas à ce que l'on connaît : personne n'a jamais vu comment une
pensée peut mettre un bras en mouvement, mais on peut voir avec nos techniques actuelles un cerveau en train de.
»
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