Le langage, traduction d'un donné ou mise en forme du monde ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
MONDE: ensemble des réalités matérielles qui constitue l'univers, mais aussi le monde humain, les relations entre
les hommes.
Langage:
On peut définir le langage comme un système de signes ordonnés suivant des règles.
Il est une spécificité humaine
dans la mesure où il comporte des caractéristiques propres absentes de la communication animale, en particulier sa
plasticité et son caractère articulé, qui rendent possible une infinité de combinaisons à partir d'un nombre réduit
d'éléments.
1.
La difficulté de la théorie platonicienne
Le langage peut être un redoutable instrument de séduction et de domination pour celui qui est habile à parler
(Gorgias).
Platon réfute l'idée archaïque d'une ressemblance entre les mots et les choses qu'ils représentent
(Cratyle) : il faut donc se méfier du beau langage, qui n'exprime pas nécessairement de belles choses.
Le mot ne
renvoie pas à un objet sensible avec lequel il aurait de la ressemblance, il doit exprimer l'idée.
Le langage est
essentiel à l'exercice de la philosophie, car la pensée a besoin du logos, qui désigne à la fois le langage et la pensée.
Pour cette raison, Platon critique l'usage de l'écriture qui s'en remet à un fonctionnement mécanique des signes
(Phèdre).
« Socrate: L'écriture, Phèdre, a un grave inconvénient, tout comme la
peinture.
Les produits de la peinture...
le discours écrit n'est à
proprement parler que l'image ? » PLATON.
Le texte écrit s'oppose à la parole vivante
Pour Socrate le statut des discours écrits est identique à celui de la peinture.
Celle-ci est représentation du réel.
Elle est un « comme si ».
Autrement dit la
peinture est un leurre qui mime la vie, une image qui ne résiste pas au réel.
Phèdre peut aisément vérifier l'assertion de Socrate.
Il suffit simplement de
poser « à ces produits» de la peinture une question.
Jamais, sauf dans les
contes, une peinture (qui ressemble à la vie) ne s'est mise à parler – encore
moins à répondre.
C'est qu'à la peinture il manque la vie.
Et Socrate d'ironiser
sur « le silence gardé gravement ».
« Comme si » la peinture se mettait à
réfléchir, « comme si » la peinture avait entendu la question.
On est, aussi
avec le discours écrit, dans le domaine du faux-semblant.
L'épreuve est la
même que précédemment : « demande leur de t'expliquer ».
Pour la peinture
c'était le silence, pour le discours écrit c'est le discours écrit lui-même, qui se
répète invariablement.
Fixité bête qui s'oppose à la variété intelligente des
réponses qui ne manqueraient pas de surgir dans un dialogue vivant.
Se
répétant sans fin, le discours écrit n'a en fait rien à dire...
Tout au moins estil incapable de se commenter, il n'a aucun savoir sur lui-même, il n'est qu'une
lettre morte dont l'âme a disparu.
Le texte écrit s'oppose, comme Phèdre le suggère plus loin, au « discours vivant
et animé ».
Le discours vivant s'écrit avec la science
* Le sujet parlant a la possibilité du choix de l'interlocuteur
La parole vivante « une fois » écrite, perd par là même son statut et, avec le papyrus, devient une chose, un
rouleau qui « roule partout ».
La parole précieuse choisit son interlocuteur et sait même se taire.
Le discours écrit
au contraire, devenu objet, s'offre à tous et passe entre toutes les mains.
Seul le sujet vivant et parlant a la
possibilité du choix de l'interlocuteur.
Il interpelle intellectuellement le savoir de ceux qui sont autorisés à lui parler.
C'est qu'il y a sans doute un rapport entre la parole vivante et le sacré, duquel est à exclure le profane qui doit
rester hors du temple.
De même peut-on distinguer, et justement chez Platon, un enseignement théorique adressé à
tous, et un enseignement ésotérique, qui ne concerne que quelques uns.
Le lieu de la parole vivante est un lieu
polémique où des thèses sont à soutenir.
La force de la parole vivante tient à la fois à la justice de la thèse
soutenue (Socrate) ou à l'habileté avec laquelle elle est défendue (les sophistes).
Le discours écrit est comme un
enfant qui « a toujours besoin du secours de son père ».
* Le discours vivant et animé est le discours « de celui qui sait »
Le « discours vivant et animé » est celui qui, selon Socrate, « s'écrit avec la science », ou encore c'est le discours,
selon Phèdre, « de celui qui sait ».
C'est ce savoir, cette science qui animent le discours parlé, lui donnent un
souffle, une vie.
Le discours écrit est coupé de cette vie, il a perdu l'impulsion que donne tout savoir authentique.
On peut le copier et le recopier à loisir, il n'est qu'une image, copie pâle et fixe, loin de la réalité de la science,
familière des Idées.
»
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