Le langage exprime-t-il la pensée ?
Extrait du document
«
— Le langage véritable est le propre de l'homme pour Descartes.
Il est « le révélateur de la raison » comme le dit G.
Rodis-Lewis.
On dispose du langage pour exprimer sa pensée, librement, pour répondre à tout nouveau contexte.
La
raison est donc non quelque chose de plus, quelque chose qui s'ajoute à la nature, mais quelque chose de tout à
fait autre : la raison est non-nature.
Personne avant Descartes ne l'avait aussi clairement montré, comme le
souligne P.
Guénancia dans son livre Descartes (Bordas).
Ainsi, non seulement le langage exprime la pensée, mais il
enseigne « la présence de l'homme en tout homme », quelles que soient les inégalités, et même jusque dans la folie.
— Cf.
Hegel, il n'y a pas de pensée sans langage : « C'est dans les mots que nous pensons.
»
- Il y a donc une dimension métaphysique du langage : le langage fait bouger les hommes, il sème l'espoir ou la peur,
il laisse des traces écrites et permet l'histoire, la science, etc.
- Cf.
le logos grec, à la fois parole et raison, à l'origine de la réflexion philosophique.
Cf.
la force du verbe divin dans les religions monothéistes.
Même si le langage ne peut pas exprimer toute la pensée, comme l'affirment Nietzsche et Bergson, il est sans
conteste le signe de la pensée humaine, de la conscience.
Nous avons vu qu'il n'y a pas de pensée sans langage.
Mais qui n'a pas fait l'expérience de « chercher ses mots » ?
Cette expérience témoigne de l'existence d'une pensée antérieure à la parole, d'une antériorité à la fois de temps et
de causalité.
Il y a là quelque chose que nous pensons comme un « encore à dire », une sorte de pensée antérieure
à tout discours, même intérieur.
Tantôt nous ne trouvons pas les mots pour le dire soit parce que, jusqu'à présent,
cela n'a pas encore été dit et qu'il faudrait avoir recours à des mots nouveaux, soit parce que notre pensée refuse
de faire surface et d'émerger des profondeurs de l'esprit.
Tantôt nous trouvons les mots, mais, une fois ceux-ci
trouvés, nous avons le sentiment que le langage a pacifié notre pensée, qu'il l'a faite passer à l'être et au repos,
voire qu'il l'a pétrifiée.
Dans le langage, notre pensée a son « domicile », elle se possède elle-même ; la pensée est un désir que le langage
satisfait, mais cette satisfaction ne peut être que provisoire.
Dans la mesure où le mouvement tend vers le repos, la
volonté vers l'habitude, la satisfaction du mot est provisoire puisque le mot est fixe tandis que la pensée est
dynamique.
Le mot réalise donc la pensée, lui donne une extériorité mais en même temps il la réalise sous une forme particulière
qui va exclure d'autres formes.
Le mot n'est qu'une des possibilités de la pensée, il n'est qu'un vêtement.
Le mot est
plat, précis, net déterminé et n'a aucune auréole.
La pensée est toujours plus nuancée, plus riche.
La pensée est
toujours plus profonde que le langage.
Il y a donc un ineffable qui n'est pas seulement le monde du coeur ou des
sentiments mais qui est aussi la pensée –cette pensée qui ne peut être traduite par les mots.
(a) Le langage comme inconvénient.
¨
Bergson et le mot-étiquette.
Le langage n'est-il qu'une médiation, un obstacle, entre langage et pensée, langage & réalité, ou peut-il se
comporter en intermédiaire fidèle ? N ‘arrivons-nous à penser qu'en dépit des mots, que malgré le langage ?
Bergson est un remarquable interprète de la thèse selon laquelle le langage fait obstacle à la
pensée : sa conception des rapports entre la vie et la réalité fournit le sol propice à cette thèse ; elle
sera en effet le socle de sa distinction entre langage et pensée.
La vie, au sens où l'entend Bergson, est action, et s'oppose à la réalité
qu'elle nous empêche de voir.
Si vivre, c'est agir, c'est choisir : c'est donc
sélectionner ce qui répond en besoin, et élaborer des choses une conception qui
dépend des besoins.
Dans l'action et pour remplir les besoins de la vie, nous
concevons les choses selon un temps spatialité alors que la réalité est pure
durée.
Nous organisons la vie autour d'habitudes alors que la vraie vie est
création continue d'imprévisible nouveauté.
Enfin nous la régissons à partir
d'idées générales abstraites alors que la durée, la vie ne peuvent être l'objet que
d'une intuition.
Par conséquent, ce n'est pas seulement la vie qui nous masque la vraie
réalité, c'est aussi le langage, puisque celui-ci est un des moyens par lesquels
nous manquons la réalité.
Donc le langage ne fait que renforcer quelque chose
d'inscrit dans les besoins de la vie, et qui nous éloigne de la réalité.
Le langage
est un instrument de l'intelligence, mais il trahit à la fois la réalité et la pensée.
On comprend mieux dans ces conditions que Bergson définisse le mot
comme un « voile ».
Le mot jette sur la chose un obstacle qui ne la laisse qu'à demi visible.
On ne peut plus que
deviner la chose à travers le mot : la métaphore du masquage ajoute ici l'idée d'une dissimulation volontaire.
Le
langage renforce donc bien le système d'habitude des besoins.
En quoi maintenant le mot obscurcit-il la chose ? Le
langage n'est capable de désigner que ce qui est utile à l'action, donc d'une chose il ne dit que des généralités : il
ne renvoie qu'au genre de la chose.
Le mot oublie les différences, il ne permet que la fixation des généralités : c'est
la raison pour laquelle Bergson défend la théorie du mot-étiquette.
Le mot renvoie à une classe d'objets, mais parmi.
»
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