Le langage (cours de philosophie) - version finale
Publié le 11/05/2022
Extrait du document
«
Le langage n'est pas un objet facile pour la pensée parce que,
paradoxalement, il est une réalité évidente et dans une certaine mesure
transparente.
En effet, le langage nous est si familier par l'usage
quotidien de la parole qu'il ne semble pas digne d'intérêt, pas vraiment
utile de s'y arrêter.
Pourtant, s'il est facile d'identifier le langage - à la
personne qui nous demande ce qu'est le langage, il suffit de répondre
que c'est ce dont elle se sert pour poser la question et ce dont nous nous
servons pour lui répondre - il est beaucoup plus difficile de le définir,
c'est-à-dire de cerner son essence.
La principale raison de cette difficulté est que le langage prend plusieurs
formes selon que l'on se place au niveau universel du genre humain, au
niveau général de la société ou au niveau particulier de l'individu.
Ce qui
conduit dès lors à distinguer trois termes :
1° le langage = une fonction générale d'expression et de communication
(= fonction spécifique) ;
2° la langue = un système particulier de signes par lequel se réalise la
fonction du langage-(= institution sociale) ;
3° la parole = l'usage que font les individus de la langue (= fonction
psychologique).
Or, c'est toujours une seule et même réalité, la réalité linguistique, qui se
présente sous les trois aspects du langage, de la langue et de la parole.
Le problème, c'est que l'on a tendance à vouloir la réduire à une seule de
ces trois dimensions.
D'où les limites des trois principales approches de
la réalité linguistique : la philosophie classique qui a tendance à la
réduire au langage comme fonction spécifique, la linguistique qui la
réduit à la langue et la psychologie qui la réduit à la parole.
Pourtant, la connaissance de la réalité du langage apparaît décisive si
l'on veut comprendre ce qu'est l'homme, cerner ce qui définit l'humanité.
Car depuis l'Antiquité, l'homme se définit par le
langage autant si ce n'est plus que par la conscierce ou la raison.
La
célèbre définition d'Aristote (zon logon echón) devant se traduire par «
vivant doué de parole » puisque logos en grec est d'abord relatif au
langage.
Ce n'est que plus tard qu'on en fera un synonyme de raison
sous l'influence de la
traduction de Thomas d'Aquin en animal rationale (animal doué de
raison).
Mais s'il y a donc bien un lien étroit entre langage et humanité
tout le problème est de savoir lequel des deux définit l’autre: doit-on
partir de la spécificité du langage pour comprendre l'homme ou, au contraire, doit-on partir de quelque chose de spécifiquement humain (la
pensée? la conscience ?) pour comprendre le
langage?
I.
Analyse du fait linguistique
1.
Langage animal et langage humain
Pour Descartes (voir texte), il y a ressemblance mais surtout différence
entre les deux langages.
Ce qui est commun au langage humain et au
langage animal, c'est une première fonction d'expression : dans
ce cas le langage sert à signaler des affections, un état particulier, ce
que Descartes nomme les
passions.
C'est ainsi qu'on peut mettre sur le même plan le
ronronnement de plaisir, le hennissement de peur chez l'animal et les
jurons de colère chez l'homme par exemple.
Mais ce qui est différent,
c’est que dans le cas de l'homme, vient s'ajouter une seconde fonction
du langage, une fonction de signification qui ne renvoie pas aux états de
la personne mais à ses pensées.
Pour illustrer cette
différence, on peut comparer le bonjour de la pie ou du perroquet au
bonjour du voisin de pallier.
Le premier ne sert qu'a signaler la faim de
l'animal qui attire ainsi l'attention de son maître mais qui ne pense pas
ce qu'il dit.
Alors que le second signifie quelque chose (= je vous
souhaite de passer une
bonne journée) et l'homme sait ce qu'il dit.
Pour preuve, la différence
entre le silence de la pie et le silence du voisin : le premier ne signifie
rien d'autre que le fait que la pie est repue alors que le second peut
signifier quelque chose de bien précis comme « vu le bruit que vous avez
fait toute la nuit,
aujourd'hui je ne vous souhaite pas le bonjour! ».
Or, pour Descartes,
cette différence est capitale entre l'animal qui ne signale que ses
affections et l'homme qui signifie aussi ses pensées.
Au point que l'on ne
se trompe pas entre un animal qui sait articuler des sons signifiants et
un homme qui est privé
de l'usage phonétique de la parole car le premier est incapable de nous
faire état du moindre signe de réflexivité alors que le second parvient
malgré tout à nous communiquer ses pensées par la langue des signes.
A noter au passage l'argument décisif contre la thèse d'une pensée
animale que nous ne
comprendrions pas faute de maîtriser leur langage : comme les animaux
nous communiquent déja leurs passions, s'ils avaient des pensées, on ne
voit pas bien ce qui pourrait les retenir de nous les manifester.
Le Linguiste Emile Benveniste (voir texte) approfondit la distinction entre
langage animal et langage humain en s'appuyant sur la différence de
fonctionnement qui les caractérise.
Pour cela, il se sert de l'analyse du
langage des abeilles comme référence.
Or, au-delà de l'aptitude à
symboliser qui est commune aux deux langages, c'est-à-dire « la
capacité de formuler et d'interpréter un "signe qui
renvoie à une certaine "réalité" », Benveniste note trois différences
capitales :
1° le message communiqué par les abeilles n'appelle pas de réponse du
même ordre mais engendre un comportement, alors que dans le cas de
l'homme, un message peut engendrer un message en retour (= la
possibilité du dialogue).
2° une abeille n'est pas capable d'adapter le contenu du message
(direction et distance du butin par rapport à la ruche) pour le
communiquer à une autre ruche et le contenu même du message
ne change que si la réalité change (l'abeille est incapable de modifier
d’elle-même la danse qu’elle opère, il faut que les données objectives
soient modifiées pour que le message soit modifié).
Alors que l'homme
est capable de communiquer sur la communication elle-même et de
modifier de lui-même le contenu communiqué (= la possibilité de la
traduction et la possibilité du mensonge).
3° la danse des abeilles ne se laisse pas décomposer en un nombre fini
d'éléments constitutif (il y en a deux : l'axe par rapport au soleil de la
figure en forme de 8 qui est dessinée et la vitesse d'exécution) pouvant
donner lieu à une infinité de messages (en raison de la stricte
subordination au réel objectif).
Ce qui est à l'inverse le cas du langage
humain dont les unités de base sont combinables
à l'infini : avec le dictionnaire qui comprend un nombre fini de mots, on
peut composer un nombre infini d'énoncés.
Ce dernier aspect a été repris par un autre linguiste, André Martinet, qui
parle de la « double
articulation » pour désigner ce qui fait la spécificité unique du langage
humain! Il y a tout d’abord l'articulation d'un nombre limité de phonèmes
(= unités de bases non signifiantes) qui donne un très
grand nombre de mots, Puis ensuite l'articulation de ce grand nombre de
morphèmes (= unités signifiantes distinctes) qui peut donner un nombre
infini de phrases.
Dès lors ce qui caractérise le langage humain, c'est comme l'avait déjà
dit Humboldt, «un emploi infini de moyens finis».
Mais cette
caractéristique conduit à une autre particularité, à savoir que le langage
humain, à la différence du langage animal, n'est pas un code de signaux
qui renvoient à
quelque chose d'autre (la réalité extérieure ou l'état intérieur) mais il est
un système de signes qui peuvent se renvoyer indéfiniment à euxmêmes.
Là où le signal fait toujours signe vers quelque chose
d'autre, le signe lui se distingue par sa capacité à faire signe vers luimême.
Reste à découvrir d’où provient cette propriété particulière.
2.
Le fonctionnement de la langue
Dans cette partie, on va s'appuyer sur l'enseignement de Ferdinand de
Saussure dans son Cours de linguistique générale(1916).
Il y a surtout
trois thèses importantes à retenir de ses analyses avec les conséquences
qui en découlent.
• Thèse n°1 : la langue est un fait social
En effet, la langue correspond bien à la définition que donne Durkheim
du fait social, à savoir quelque chose d'extérieur aux individus et qui
exerce une coercition.
Or, dans les faits, il n'est pas possible de faire
usage du langage sans apprendre une langue avec son vocabulaire et
ses règles qui
s'imposent à nous et dont personne n'est l'auteur.
Il y a bien des langues
artificielles, inventées par l'homme, mais il est nécessaire de passer par
les langues naturelles avant pour les inventer et elles
restent relatives à ces langues.
Donc la langue, parce que nous la
découvrons et l'apprenons telle qu'elle est constituée à notre naissance,
est bien une institution sociale produite par la société et l'histoire, et non
pas directement par la volonté des hommes.
Ce qui a pour conséquence
que de toutes les institutions sociales, la langue est celle qui offre le
moins de prises aux décisions du pouvoir politique même si le rêve de
tous les despotismes a toujours été de vouloir contrôler la langue pour
mieux contrôler la pensée des sujets (cf.
la monarchie absolue et le
français, ou encore le novlangue dans le roman 1984 d'Orwell).
Sauf que
ce n'est pas un décret mais l'usage vivant d'une langue qui lui
donne ses contours.
Et si on peut bien faire disparaitre des langues pour
faire disparaître des communautés historiques et politiques, si on peut
bien tenter d'imposer un certain usage de la langue pour endoctriner les
citoyens, on ne peut pas empêcher les gens de parler et de faire ainsi
apparaitre de nouveaux usages que seul le temps consacrera ou
éliminera, quelle que soit la volonté politique à
leur égard.
La langue, parce qu'elle est un fait social échappe et
échappera toujours à la volonté de domination totale ou de manipulation
de certains hommes.
• Thèse n°2 : la langue est une structure
La découverte de Saussure qui va être à l'origine du structuralisme est
que la langue est non pas un ensemble de mots qui renverraient à des
choses mais un système de signes articulés qui
correspondent à des idées distinctes (= leur signification).
Pour en
comprendre le sens, il faut exposer la théorie saussurienne du signe
comme « entité psychique à double face».
Tout signe linguistique est
une réalité double dont les deux aspects (le signifiant et le signifié) sont
aussi indissociables que le recto et le verso d'une feuille.
Ainsi par exemple, «signifiant » et « signifié » sont deux signes dont le
signifiant est proche la seule différence phonétique est la terminaison
[ian] et [ié]) mais dont le signifié est éloigné puisque l’image acoustique
et le concept sont deux choses radicalement différentes.
Ils n'ont pas par
conséquent la même valeur linguistique.
Ce qu'on appelle la valeur linguistique d'un signe est quelque chose de
proche de la signification d'un mot sans cependant se confondre avec
elle.
Car par exemple si on prend le mot français « mouton » et le mot
anglais « sheep», ils ont la même signification dans la mesure où ils
renvoient à un seul et même animal.
Cependant, ces deux signes n'ont
pas la même valeur linguistique car il existe un autre mot anglais («
mutton») pour désigner la viande de l'animal que l'on
achète chez le boucher ou que l'on commande au restaurant.
En ce sens,
le signe « sheep » qui ne vaut que pour l'animal vivant ne recouvre
qu'une partie du signe « mouton », l'autre partie étant couverte par un
autre signe.
Ce pourquoi lorsqu'un Anglais dit sheep il ne dit pas la
même chose que lorsqu’un Français dit mouton.
Mais ce que montre bien
cet exemple, c'est que la valeur linguistique du signe est
indépendante de la réalité, elle dépend uniquement de la structure de la
langue et des différences pertinentes de son vocabulaire!
Conséquence : aucun signe n'a de sens par lui-même dans une langue.
Sa valeur linguistique n'est établie que relativement à la valeur de tous
les autres signes de la langue.
Pour le dire autrement, ce que signifie un
signe, il ne le signifie que négativement, c'est-à-dire qu'en tant que tous
les autres
signes de la même langue ne le signifient pas.
Et c'est cette propriété qui
permet de dire que la langue est une structure (= un système dont les
éléments n'ont pas de valeur pris en eux-mêmes, c'est-à-dire à part, en
dehors de la totalité du système).
Comme l'écrit Saussure, « dans la
langue, il n'y a que des
différences, sans termes positifs »
• Thèse n°3 : la langue contient de l'arbitraire
a) L'arbitraire du signe
C'est l'idée que le lien qui unit dans le signe le signifiant et le signifié est
non pas nécessaire mais contingent.
De fait, il n'y a aucune raison a
priori pour que ce soient par exemple les sons [sör] qui renvoient à l'idée
de sœur.
D'ailleurs, d'autres signifiants dans d'autres langues (sister,
hermana, soror, etc.) renvoient au même signifié de façon tout aussi
arbitraire; Il s'agit en fait pour chaque signe d'une convention sociale
retenue arbitrairement par un groupe linguistique, en sachant
qu'arbitrairement ne veut pas dire selon son bon vouloir mais signifie
sans raison logique apparente.
Car une fois le signe « adopté », il n'est pas possible d'en changer, ce qui
montre bien que tout se fait indépendamment de la volonté des
individus.
Seul l'usage est déterminant qui fait apparaître de
nouveaux signes et en fait disparaître d'anciens, Tout est affaire de
convention, à la différence du symbole qui lui est beaucoup plus
étroitement lié à la réalité ou à l'idée qu'il symbolise.
Voir le fait que, comme le rappelle Saussure, le symbole de la justice est
une balance ...
et non pas un char!
b) L'arbitraire du nombre de signes et de la syntaxe
L'idée ici est que chaque langue naturelle est une structure particulière, à
nouveau
sans raison apparente qui expliquerait la différenciation lexicale ainsi que
syntaxique.
Or, cet arbitraire là est plus problématique que le précédent
car il laisse entendre que les langues ne sont pas seulement différentes
sur le plan des sonorités mais aussi sur le plan des idées qu'elles
permettent de penser.
En effet, le nombre de signes détermine le
nombre de signifiés et par conséquent le nombre de concepts accessibles
au locuteur.
Un exemple peut suffire à faire comprendre la difficulté
quand on sait que là
où nous avons sept mots pour désigner les couleurs de l'arc-en-ciel,
certaines langues n'en disposent que de trois.
De plus les règles de
construction syntaxique déterminent aussi les possibilités qu'offrent
chaque langue pour penser.
Ce qui conduit alors à deux problèmes
importants.
(1) Tout d'abord, il y a l'idée implicite d'une hiérarchie entre les langues
avec à la base des langues « pauvres » et au sommet des langues
«riches».
Or, de ce constat certains infèrent une hiérarchie entre les
cultures cette fois, celles qui sont douées par leur langue d'un esprit plus
pénétrant, d'une pensée supérieure devant naturellement commander et
servir de guide aux autres.
L'analyse linguistique devient dès lors un alibi du racisme, du
colonialisme et de l’impérialisme culturel.
Et si le souvenir douloureux
des nazis qui s'appuyaient sur la prétendue supériorité de la langue
allemande pour justifier leur domination sur les latins, les slaves et les
sémites s'impose à nous) il ne faut pas oublier que la France a justifié
elle-même son entreprise coloniale sous couvertd'apporter la civilisation
aux indigènes en exportant sa propre langue et ses lumières.
Toutefois, il est facile de faire des objections à des pseudo-théories de ce
genre.
Tout d’abord, en rappelant que le relativisme linguistique peut
fonctionner dans les deux sens.
Ainsi là où notre vocabulaire est pauvre
pour désigner la neige ou le sable, celui des Esquimaux et celui des
Bédouins, se révèlent au contraire extrêmement varié et nuancé dans
l'un ou l'autre cas.
Mais plus
fondamentalement, il faut rappeler que si la langue influence la pensée,
elle ne détermine pas les capacités de penser des individus.
Car ils
peuvent apprendre d'autres langues et donc comprendre ce que
permettent de penser ces langues.
Et comme la traduction est possible
dans les deux sens, on peut
sans problème parvenir à bien penser dans une langue dite pauvre aussi.
Par conséquent, l'unité de la raison humaine, l'universalité des capacités
réflexives ne sont pas contredites par le relativisme linguistique.
Car
comme le rappelle Spinoza, «à qui entend, un mot suffit », sous-entendu
peu importe la langue utilisée.
L'arbitraire linguistique ne prouve
strictement
rien à ce niveau dès lors que toutes les idées peuvent s'exprimer dans
toutes les langues.
(2) Mais le second problème qui découle du constat de l'arbitraire
constitutif des langues est plus redoutable car il touche directement à la
question du statut de la pensée et à celle de l'efficacité de la
communication.
En effet, si la langue contient de l'arbitraire et si, d'une
part, toute pensée se forme dans une langue et, d'autre part, toute
communication discursive se fait au moyen d'une langue, le
problème est de savoir dans quelle mesure la pensée et la
communication peuvent échapper à cet arbitraire.
Tout d'abord, la pensée, surtout quand elle prétend être rationnelle,
logique, quand elle affirme exprimer la nécessité de l'être, ne serait-elle
pas dupe de son origine qui est la contingence linguistique.? Ensuite la
communication, quand on s'efforce de la rendre la plus transparente
possible, parce que c'est une nécessité sociale, ne nous leurrons-nous
pas sur elle dans la mesure où elle
implique le langage qui semble par nature faire obstacle à une parfaite
compréhension entre les hommes?
Transition : Les analyses de la linguistique nous conduisent finalement à
un problème plus large qui est de savoir si, loin que ce soit l'homme qui
possède le langage, ce ne serait pas plutôt le langage qui
possède l'homme comme on dit d'une personne qu'elle est possédée,
qu'elle est sous l'influence d’une force étrangère.
L'homme est-il le
maitre du langage ou bien n'en est-il que l'esclave ?
II.
Analyse des finalités du langage
Dans cette partie, il s'agit pour répondre au problème soulevé à la fin de
la partie précédente d'étudier de rapport qui unit le langage avec ce qu'il
permet chez l'homme, à savoir penser et communiquer.
Car de fait nous
avons besoin des mots pour penser et pour parler; quelles en sont les
conséquences dès lors que les mots existent arbitrairement en dehors de
nous et indépendamment de nous?
1.
Le langage et la pensée
a) Le langage comme simple instrument
La thèse de Port Royal: Pour Antoine Arnaud et Pierre Nicole, philosophes
jansénistes qui ont rédigé une grammaire et une logique, les mots ne
sont que des signes dont se sert la pensée pour s'exprimer,
elle seule étant dépositaire du sens et donc logiquement antérieure au
langage.
Le principal argument en faveur de cette thèse se trouve dans
la capacité de la pensée d'inventer de nouveaux signes pour
exprimer son contenu (les néologismes, le langage mathématique par
exemple).
On trouve chez Boileau un écho de cette thèse lorsqu'il écrit
dans son Art poétique : «Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement /
Et les mots pour le dire arrivent aisément »
- Conséquence de la thèse : La pensée doit être en mesure de maîtriser
le langage ordinaire, de neutraliser tout ce qui est arbitraire en lui, de
désamorcer ses effets pervers ou négatifs.
D'où la volonté
d'instituer une langue parfaite et universelle qui permettrait la pleine
expression des idées de la raison
et leur pleine communication aux autres.
Or, c'est Leibniz qui en donne
la méthode dans son projet d'une « caractéristique universelle».
Selon
lui, la condition d'une langue exacte et universelle repose
sur la formation d'un « alphabet des pensées humaines ».
Il suffit de
décomposer tous nos concepts en concepts simples et d'attribuer à
chaque idée simple un signe simple et unique pour l'intégrer ensuite
dans un calcul logique.
Dès lors on obtient une langue sans termes
équivoques et compréhensible par
tous Plus proche de nous, on trouve dans la philosophie analytique une
même ambition d'établir une
langue philosophique où la signification des énoncés ne serait que le
résultat de la conformité aux
règles d'une syntaxe logique.
Cela permettrait de ne pas tomber dans les
pièges du langage ordinaire
qui conduisent aux spéculations métaphysiques
- Limite de la thèse : Il y a dans l'idée que le langage ne serait qu'un
instrument neutre au service de la
pensée un présupposé que contredisent les faits.
Ce présupposé, c'est
justement celui d'une antériorité
de la pensée sur le langage, comme si la pensée se constituait toute
seule en dehors de toute langue,
comme si la vérité existait dans notre esprit en dehors des mots qui ne
seraient que les instruments de
sa manifestation.
Car ce que démontrent en définitive les échecs
successifs des tentatives de constituer.
»
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