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Le génie de l'artiste exclut-il tout apprentissage

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« Il convient de ne pas oublier que le mot «génie» a plusieurs sens : primitivement , au sens classique, il désigne des «aptitudes innées, des dispositions naturelles» (Petit Robert) il équivaut, dans la perspective qui nous intéresse ici, à «don» , à «talent».

Mais à partir de la fin du XVII° siècle, il désigne une «aptitude supérieure de l'esprit qui élève un homme au-dessus de la commune mesure, et le rend capable de création, d' invention, d'entreprises qui paraissent extraordinaires ou surhumaines à ses semblables» (id.).

Bien que ces deux sens ne soient pas exclusifs, il ne doivent pas être confondus. Introduction • Un constat : l'histoire nous montre que les beaux-arts (la peinture, la sculpture, la musique, la littérature, etc.) ont longtemps été considérés comme des techniques qu'il convenait d'apprendre : de là l'enseignement des arts plastiques dispensés par des maîtres dans les ateliers, puis dans écoles de beaux-arts, L'enseignement des arts du langage les collèges, etc. • Toutefois, on constate aujourd'hui un certain déclin des enseignements traditionnels.

Pour l'opinion moderne, en effet, un véritable "artiste" est une personne qui a du talent, ou même du génie, degré supérieur du talent.

Or le talent est défini comme une aptitude naturelle, un don inné, quelque chose qui ne peut s'acquérir: on naît artiste, on ne le devient pas.

Dès lors l'apprentissage d'un art est saisi comme une chose secondaire, un peu superflue, voire comme entrave au génie qu'il conviendrait de laisser librement s'exprimer dans son jaillissement créateur, en dehors de toute contrainte technique apprise et par là même susceptible de réduire l'originalité et de corrompre l'authenticité de l'artiste. • Le problème se pose donc de savoir quelle est la valeur d'unetelle opinion, de savoir si le génie de l'artiste exclut réellement tout apprentissage. 1.

Les beaux-arts, arts du génie a) L'art n'est pas une simple application de la science • L'art pris au sens large et premier, correspondant au grec technê ou au latin ars, est une application de la connaissance, de la science, mais cette application n'est pas automatique dés que l'on possède la science.

L'art, en tant que savoir-faire, nécessite en effet une certaine habileté qui puisse permette cette application : «L'art, nous dit Kant, habileté de l'homme, se distingue de la science (comme pouvoir de savoir) comme la faculté pratique de la faculté théorique, la technique de la théorie (l'arpentage par exemple de la géométrie).

Ce que l'on peut, dés que l'on sait seulement ce qui doit être fait et que l'on connaît suffisamment l'effet recherché, ne s'appelle pas de l'art Ce que l'on n'a pas l'habileté d'exécuter de suite, alors même qu'on en possède complètement la science, voilà seulement ce qui dans cette mesure est de l'art..

(Critique du jugement, § 43) • Par exemple, considérons l'art du cordonnier.

Nous pouvons apprendre de manière théorique comment faire d'excellentes chaussures, tout en restant incapable d'en fabriquer :notre connaissance théorique, notre science, de la technique de la cordonnerie ne peut nous donner l'habileté physique, le tour de main, nécessaire à la fabrication d'une chaussure. b) Technique et habileté peuvent s'enseigner • Mais cette habileté peut-elle s'acquérir? Peut-on me l'enseigner et puis-je l'apprendre ? Évidemment oui : par un exercice pratique, on peut acquérir une habileté suffisante, voire, avec beaucoup d'entraînement, une dextérité exceptionnelle.

Le but de l'apprentissage d'un métier manuels et de faire acquérir cette habileté nécessaire, même à ceux qui n'en sont pas naturellement doués. • Reste que, à habileté égale, un artisan pourra inventer de beaux objets quand d'autres ne seront capables que de les exécuter, de les reproduire, de les imiter même parfaitement.

Même, ici, l'habileté, la dextérité manuelle n'est pas prépondérante : tel artisan ou tel artiste pourra produire des oeuvres supérieures en beauté à celle d'un autre avec une habileté moindre que celle de ce dernier.

Or cette aptitude à produire le beau, ce que l'on nomme génie, ne parait pas, elle, pouvoir s'apprendre. 2.

Le génie ne peut s'apprendre a) Le génie, ne s'enseigne pas • Kant nous fait bien comprendre cette spécificité irréductible du génie en comparant l'artiste au savant : «Newton pouvait non seulement pour lui, mais pour tout autre, décrire clairement, et déterminer pour ses successeurs, les démarches qu'il eut à faire depuis les premiers éléments de la géométrie, jusqu'à ses grandes et profondes découvertes ; mais aucun Homère, aucun Wieland ne pourrait montrer comment ses idées riches en poésie et pourtant lourdes de pensées surgissent et s'assemblent dans son cerveau, car lui-même ne le sait pas et il ne peut donc l'enseigner à un autre.

En matière de science par conséquent il n'y a entre le plus grand inventeur et l'imitateur, l'apprenti le plus laborieux, qu'une différence de degrés, mais il y a une différence spécifique entre lui et celui que la nature a doué pour les beaux-arts ; on ne veut pourtant pas diminuer ces grands hommes auxquels. »

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