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Le génie de l'artiste exclut-il tout apprentissage ?

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« Vocabulaire: EXCLURE: éliminer, bannir, supprimer. GÉNIE: a) Disposition innée, aptitude naturelle pour une chose (le génie des affaires).

b) En art, dispositions permettant de rompre avec une tradition esthétique et de faire preuve de créativité et d'originalité. Introduction & Problématique: L'histoire nous montre que les beaux arts ont longtemps été considérés comme des techniques qu'il convenait d'apprendre: de là l'enseignement des arts plastiques dispensé par des maîtres dans les ateliers, puis dans les écoles de beaux arts, l'enseignement des arts du langage dans les collèges, etc.

Toutefois, on constate aujourd'hui un certain déclin des enseignements traditionnels.

Pour l'opinion moderne, en effet, un véritable "artiste" est une personne qui a du talent, ou même du génie, degré supérieur du talent.

Or, le talent est défini comme une aptitude, un don inné, quelque chose qui ne peut s'acquérir: on naît artiste, on ne le devient pas.

Dès lors, l'apprentissage d'un art est saisi comme une chose secondaire, un peu superflue, voire comme entrave au génie qu'il conviendrait de laisser librement s'exprimer dans son jaillissement créateur, en dehors de toute contrainte technique apprise et par là même susceptible de réduire l'originalité et de corrompre l'authenticité de l'artiste.

Le problème se pose donc de savoir quelle est la valeur d'une telle opinion, de savoir si le génie de l'artiste exclut réellement tout apprentissage. PRÉALABLES: LA CONDITION DE L'ARTISTE Les lieux communs sur l'artiste. Évitez de tomber dans la mythologie de l'artiste : génial, libre sous tous rapports, « créant » sous le coup de l'inspiration, puis reprenant aussitôt une vie nonchalante et bohème. La réalité de la condition de l'artiste. Les grands artistes ont presque toujours fait preuve : a) d'un travail acharné — parfois pressés par des commandes qui leur permettaient de subsister, sinon contraints par un puissant (cf.

Michel-Ange, retenu à Rome par le pape Jules II et peignant le plafond de la chapelle Sixtine, 1609/1611); b) d'un intérêt pour les œuvres de leurs prédécesseurs (les jeunes peintres s'exercent à reproduire les tableaux des grands maîtres) avant de se forger un style.

C'est en ce sens qu'il faut comprendre la formule de Malraux : « De même qu'un musicien aime la musique et non les rossignols, un poète des vers et non des couchers de soleil, un peintre n'est pas d'abord un homme qui aime les figures et les paysages.

C'est un homme qui aime les tableaux » (Les Voix du silence); c) d'un acharnement à acquérir non seulement une culture artistique mais aussi la maîtrise d'un ensemble de techniques (ex.

: la gravure a burin ne pose pas les mêmes problèmes que l'eau-forte, etc.). Le statut social de l'artiste. Il a évolué (on parle de création; du divin Michel-Ange; etc.), alors qu les sculpteurs des cathédrales médiévales étaient traités comme de simple compagnons ou artisans. Le rapport de l'art et de la religion. L'art s'est dégagé de la tutelle de la théologie, qu'il s'était borné à illustre jusque-là (on dit que la cathédrale fut, avec ses vitraux et ses figures, un véritable Bible de pierre — et de verre — pour le peuple illettré) : avar l'artiste moderne qui peut choisir de ne rechercher que la beauté dans son œuvre (= l'art pour l'art), il y eut donc des foules d'« artistes pour qv l'idée même de l'art n'existait pas » (Malraux, La Métamorphose de dieux, 1957). Les beaux arts, arts du génie L'art n'est pas une simple application de la science L'art pris au sens large et premier, correspondant au grec technê ou au latin ms, est une application de la connaissance, de la science, mais cette application n'est pas automatique dès que l'on possède la science.

L'art, en tant que savoir-faire, nécessite en effet une certaine habileté qui puisse permettre cette application : « L'art, nous dit Kant, habileté de l'homme, se distingue de la science (comme pouvoir de savoir) comme la faculté pratique de la faculté théorique, la technique de la théorie (l'arpentage, par exemple, de la géométrie).

Ce que l'on peut, dès que l'on sait seulement ce qui doit être fait et que l'on connaît suffisamment l'effet recherché, ne s'appelle pas de l'art. Ce que l'on n'a pas l'habileté d'exécuter de suite, alors même qu'on en possède complètement la science, voilà seulement ce qui dans cette mesure est de l'art » (Critique du jugement, § 43, trad.

de Joseph Gibelin, Vrin, 1946). Par exemple, considérons l'art du cordonnier.

Nous pouvons apprendre de manière théorique comment faire d'excellentes chaussures, tout en restant incapable d'en fabriquer : notre connaissance théorique, notre science, de la technique de la cordonnerie ne peut nous donner l'habileté physique, le tour de main nécessaire à la fabrication d'une chaussure.. »

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