Le fondement de la personne
Extrait du document
«
Termes du sujet:
FONDEMENT: a) Ce sur quoi repose "en droit" une certaine connaissance.
Qui sert de base à un édifice
conceptuel.
Synonyme de principe.
b) Ce qui donne à quelque chose sa justification, sa légitimité.
PERSONNE (n.
f., étym.
: latin persona : masque de théâtre ; d'où le sens continuellement sous-jacent de
personnage : rôle que joue l'individu).
Cf.
HOBBES : « Est une personne celui dont les paroles ou les actions sont
considérées soit comme lui appartenant, soit comme représentant les paroles ou actions d'un autre ou de quelque
autre réalité à laquelle on les attribue par une attribution vraie ou fictive.
» 1.
— (Scol.) Substance individuelle de
nature rationnelle (cf.
BOÈCE) ; c'est en ce sens que l'on parle des trois personnes de la Trinité.
2.
— L'être humain
considéré comme individu conscient du bien et du mal, libre et responsable.
3.
— Personne morale : a) Ensemble des
qualités qui constituent une personne au sens 2, et conçues comme distinctes de sa réalité physique.
b) Être de
raison, susceptible d'être sujet moral ou jur., qu'il corresponde à un individu phys.
ou non : une société de
commerce constitue une personne morale.
Rem.
: le nominalisme de Hobbes conduit à la définition suivante : « Une
multitude d'hommes devient une seule personne quand ces hommes sont représentés par un seul homme.
» 4.
—
Personne physique : a) Le corps d'un être humain en tant qu'il manifeste une personne morale au sens a.
b) Tout
être humain en tant qu'il peut s'associer avec d'autres personnes, constituer une personne morale au sens b, et qu'il
est distinct de celle-ci.
5.
— Personne juridique : personne morale au sens b, susceptible d'être sujet du droit ;
ensemble des propriétés qui définissent ce sujet.
6.
— Personnalité : a) Caractère de la personne aux sens 2 ou 3.
b) Forme que prend la vie psychique chez l'homme normal et qui suppose la conscience d'être un moi unique et
permanent ; maladie de la personnalité : tout trouble psychique qui rend cette forme impossible.
c) Originalité ;
caractère propre à un individu humain.
d) Individualité remarquable par son rôle social, sa renommée.
e)
Préoccupation excessive pour ses propres qualités et mérites (rare et inusité auj.) ; cf.
personnel, sens d ; SYN.
égoïsme.
f) Personnalité de base (angl : basic personality) : (psycho., socio.) « Configuration psychologique propre
aux membres d'une société donnée et qui se manifeste par un certain style de vie » (DUFRENNE).
7.
—
Personnalisme : toute doctrine qui prend la personne au sens 2 comme valeur suprême ; en part., doctrine d'E.
MOUNIER et de son disciple J.
LACROIX.
8.
— Personnel : a) Qui se rapporte à la personne en un sens quelconque
du mot ou à la personnalité au sens b.
b) (Jur.) Qui concerne les personnes par opposition aux choses ; opposé à
réel (impôt personnel, par opposition à impôt réel).
c) Individuel, propre.
d) Qui rapporte tout à soi, qui ne tient pas
compte des autres : un jeu personnel, un pouvoir personnel ; cf.
sens 6 e.
A.
La personne se découvre dans le « Je pense »
Chez Descartes, par exemple.
la découverte du moi et la découverte de la
raison sont contemporaines, puisque le moi se révèle à luimême dans l'acte de penser, comme un cogito (« Je pense »), comme une
manifestation de la substance pensante et raisonnable.
Mais ce cogito est une conscience abstraite, froide, indifférente, « lunaire »,
comme disait Nietzsche.
Un cogito abstrait n'est que la conscience d'une
vérité impersonnelle et nous ne pouvons pas définir la personne par la
conscience de l'impersonnel.
Le « Je » du « Je pense » semble n'être qu'un «
accident grammatical » du verbe « penser ».
Le cogito – le mien, le sien, le
vôtre –, c'est la raison, qui sans doute nous permet de partager une vérité,
mais ne nous singularise pas comme personne.
Je peux comprendre avec vous
un même théorème.
Mais si cette communion par la raison permet de dire «
nous », elle ne permet pas de dire « toi » et « moi ».
Ainsi, la communion
dans une même vérité ne nous fait pas vraiment atteindre la personne d'autrui
: elle nous invite tout au plus à dépasser notre personne pour vivre au niveau
des valeurs impersonnelles.
La personne est ici niée plutôt que reconnue.
B.
La personne comme effort et comme acte
Nous saisissons maintenant le paradoxe impliqué dans la notion de personne.
Ou bien je définis la personne par l'individu biologique ou le rôle social, et la
personne disparaît.
Ou bien je vais chercher ce fondement dans la raison,
dans l'universel abstrait d'un cogito raisonnable, et la personne se dissout dans des valeurs impersonnelles.
La philosophie personnaliste fondée par Emmanuel Mounier (1905-1950) tente d'échapper à ce double écueil, en se
représentant la personne, non comme substance, mais comme effort.
La personne n'est ni l'individuel ni l'universel,
mais le mouvement d'un individu incarné pour rejoindre des valeurs universelles.
Ainsi se résout la difficulté soulevée
par Pascal.
Le moi qu'on aime, ce n'est pas le moi qui a telle ou telle qualité.
Aimer c'est appeler, espérer, croire.
Aimer c'est s'adresser à une personne, c'est-à-dire à une liberté capable de répondre à un appel, de réaliser une
vocation.
L'amour n'est pas la reconnaissance d'une qualité déjà existante, il est un acte de foi et d'espérance qui
vise ce qu'autrui peut être, et non ce qu'il est en fait.
Les amants s'aiment, non pour ce qu'ils sont, mais pour ce
qu'ils espèrent devenir l'un par l'autre, l'un pour l'autre....
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