Le doute est il la négation de la vérité ?
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«
[Introduction]
L'homme ,est un animal doué de raison.
La célèbre phrase de Descartes qui ouvre le Discours de la méthode nous le
rappelle : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ».
Bien avant Descartes, Cicéron affirmait Vivere
est cogitare, « Vivre c'est penser ».
Cette raison cherche des certitudes.
Quel est alors le rôle du doute dans cette
quête de la vérité ? L'exercice du doute construit-il ou fait-il renoncer à la vérité ? La recherche de la vérité peutelle se passer du doute ?
[I - Le doute sceptique : l'errance de la raison]
Le scepticisme est défini par Lalande comme : « La doctrine d'après laquelle l'esprit humain ne peut atteindre avec
certitude aucune vérité ».
L'esprit se déclare incapable d'affirmer ou de nier quoi que ce soit.
le scepticisme absolu des pyrrhoniens et de leurs disciples n'est pas un point de départ mais une conclusion –la
conclusion d'échec- au terme de l'aventure du savoir.
Enésidème avait groupé les arguments sous dix titres ou « tropes que Sexus Empiricus réduisit à cinq.
Il faut
connaître ces arguments qu'on retrouve chez Montaigne, chez Pascal et chez Anatole France.
(a) La contradiction des opinions.
Les sophistes grecs frappés par la contradiction des opinions des philosophes (par exemple : Héraclite disait que le
réel n'est que changement, alors que Parménide niait le changement) aboutissent à la conclusion pessimiste que la
vérité (qui devrait être universelle) est inaccessible.
Les sceptiques ont été parfois de grands voyageurs qui, à force
d'avoir vu les gens les plus divers professer des opinions contradictoires, adopter des valeurs différentes, ne croient
plus à rien.
Pyrrhon avait par exemple accompagné le conquérant Alexandre dans un grand nombre de ses
expéditions.
Montaigne avait visité l'Allemagne, l'Italie, mais avait surtout dans sa « librairie » voyagé parmi des
systèmes philosophiques innombrables et tous différents.
Pascal reprend les thèmes de Pyrrhon et de Montaigne : «
Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
»
(b) La régression à l'infini.
Une vérité ne peut pas être acceptée sans preuves comme telle car il n'existe
pas un signe du vrai « comparable à la marque imprimée sur le corps des
esclaves et qui permet de les reconnaître quand ils sont en fuite.
» Mais si je
propose une preuve pour une affirmation, le sceptique me dira « Prouve ta
preuve ».
ainsi la preuve qu'on apporte pour garantir l'affirmation a besoin
d'une autre preuve et celle-ci d'une autre à l'infini.
Pour connaître la moindre chose je suis d'autre part contraint de remonter à
l'infini, c'est-à-dire de mettre ce donné en rapport avec une infinité d'autres
faits.
Car chaque chose est relative à toutes les autres et pour connaître le
moindre objet il faudrait connaître son rapport avec tout l'univers.
Nous ne
connaissons le tout de rien, ce qui revient à ne connaître rien du tout.
(c) La nécessité d'accepter des postulats invérifiables.
Ne pouvant remonter de preuve en preuve à l'infini, l'esprit accepte toujours
sans démonstration un point de départ qui est une simple supposition et dont
la vérité n'est pas garantie.
(d) Le diallèle (les uns par les autres).
Il n'est pas possible de raisonner en évitant les « cercles vicieux ».
Ainsi, je démontre que a est vrai en supposant b
est vrai et je démontre que b est vrai en supposant que a est vrai.
Je commets un cercle vicieux en démontrant les
unes par les autres des propositions dont aucune n'est fondée a priori.
Le cercle vicieux par excellence est celle-ci :
pour prouver la valeur de ma raison, il faut que je raisonne, donc précisément que je me serve de cette raison dont
la valeur est en question ! Nous voilà, comme dit Montaigne, « au rouet ».
(e) Toute opinion est relative.
« L'homme est la mesure de toute choses » formule qu'Anatole France interprétait ainsi : « L'homme ne connaîtra de
l'univers que ce qui s'humanisera pour entrer en lui, il ne connaîtra jamais que l'humanité des choses.
» Toute
affirmation sur l'univers est relative à celui qui affirme.
Socrate résume la thèse de Protagoras : « N'arrive-t-il pas
parfois qu'au souffle du même vent l'un de nous frissonne et non l'autre ? Or que dirons-nous alors de ce souffle de
vent envisagé tout seul et par rapport à lui-même ? Qu'il est froid ou qu'il n'est pas froid ? Ou bien en croirons-nous
Protagoras : qu'il est froid pour qui frisonne et ne l'est pas pour qui ne frisonne pas ? » (« Théétète », 152b)..
»
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