Le devoir se réduit-il à un ensemble de contraintes sociales ?
Extrait du document
«
Le devoir :
C'est l'obligation, qui se distingue de la nécessité, puisque tout en sollicitant notre volonté, le devoir la laisse libre
d'agir ou non selon ses prescriptions.
Le devoir nous dit ce que l'on doit faire, selon la loi, la convenance ou la
morale.
Il faut comprendre l'expression de contrainte comme l'expression d'un système de valeurs dans le domaine de
l'éthique, c'est-à-dire un ensemble de règles encadrant l'action.
Il y a du culturel dans la contrainte sociale puisque
un système de valeurs diffère d'un ensemble social à un autre.
Ce sujet nous demande de réfléchir sur le fondement du devoir et de répondre à la question de savoir si le devoir est
un concept absolu ou relatif.
Si le devoir est en effet l'expression d'une contrainte sociale, alors il est très
probablement relatif, car le système de valeurs sous tendu par telle ou telle contrainte sociale n'est pas le même
d'une société à l'autre, voir de l'individu à la société dans laquelle il vit.
Il nous faudra donc effectuer un travail de
définition très rigoureux sur le terme de devoir.
I.
Peut-on accepter que le devoir soit un phénomène social ?
Dire que le devoir est un phénomène social, c'est introduire l'idée de pluralité à l'intérieur du concept de devoir,
puisqu'il existe divers ensembles sociaux qui produisent des normes différentes d'un ensemble à l'autre.
C'est là le
grand problème du fondement de la morale, celui de la diversité des systèmes de valeurs que l'on trouve d'une
société à l'autre, au point que parfois, certains de leurs préceptes peuvent entrer en conflit.
Historiquement, c'est à
partir de la rencontre avec d'autres civilisations que la tentation du relativisme culturelle apparaît.
Avec les premiers
récits de voyages des humanistes explorateurs _dont le premier, De Léry avec son Voyage en Terre du Brésil_,
l'Europe découvre d'autres comportements, basés sur d'autres systèmes de valeurs.
Les Européens étaient
persuadés de la supériorité de leur système de valeurs.
Mais au contact de ces autres civilisations, l'idée d'un
fondement absolu de la morale commence à se fissurer, notamment sous la plume d'Erasme, de Thomas More et de
Montaigne.
Il faut comprendre que pour ses philosophes, l'argumentation sur le relativisme n'est pas connotée
négativement, comme elle le sera pas la suite, car il ne s'agit pas de remettre en question la possibilité de la morale,
mais d'alimenter le combat pour la tolérance.
D'ailleurs, la connotation négative apparaît avec le terme de
relativisme moral.
Montaigne reconnait la pluralité des systèmes de valeurs, mais il ne détruit pas la possibilité d'une
morale.
Il parait cependant difficile de réduire le devoir à un phénomène social, car le relativisme culturel qui doit
mener à une compréhension des autres systèmes de valeurs mène irrésistiblement à un relativisme moral ou à un
conflit des systèmes de valeurs.
Or le devoir tire sa force de ce qu'il est absolu et universel.
Il faut donc que ce
soit la raison qui fonde la morale et non l'identité sociale.
II.
Peut-on accepter de réduire le devoir à une mise en conformité ?
Le deuxième argument qui nous amène à réfuter que le devoir se réduise à un ensemble de contraintes sociales,
c'est que le devoir ne doit rien avoir d'une contrainte.
Si c'était le cas, le devoir ne serait jamais que la mise en
conformité de ses actes avec les exigences et le regard du groupe et nous parlerions d'hétéronomie du devoir.
Or le
devoir tire aussi sa force de ce qu'il est entièrement désintéressé et gratuit.
Kant distingue deux sortes d'action à
savoir l'action faite par devoir et l'action seulement conforme au devoir.
Seule la première de ces deux actions est morale et non la seconde.
Le
véritable acte moral se fait par devoir et doit aller sans inclination c'est à dire
sans intérêt.
Bien plus, même si l'inclination n'est pas un intérêt mais le simple
plaisir de faire le bien, l'acte n'est pas moral.
Si j'éprouve du plaisir à faire le
bien, je ne suis pas pleinement moral car je n'agis pas seulement par devoir
mais aussi pour mon plaisir.
Un être qui par tempérament est indifférent à tout
et qui, néanmoins, fait le bien est plus moral que celui qui le fait avec plaisir.
Si donc je participe à des œuvres caritatives pour avoir la satisfaction d'être
généreux et de coller à un certain idéel social de l'individu généreux _la mode
des dons pour des catastrophe humanitaire_ alors je ne suis pas moral.
Le
devoir est la nécessité d'accomplir une action par seul respect pour la loi
morale.
L'impératif est ce qui dit ce qui est bon à faire à une volonté qui ne
fait pas toujours une chose parce qu'il lui est représenté qu'elle est bonne à
faire.
L'impératif dit à la volonté "il faut", lorsque la volonté préférerait dire "je
veux".
Nous n'obéissons pas nécessairement à l'impératif et l'impératif
apparaît bien comme une contrainte.
Kant fait remarquer qu'une volonté
parfaitement bonne n'aurait nul besoin d'impératif parce qu'elle voudrait
nécessairement ce qui est en accord avec la loi morale.
C'est le cas de Dieu
mais chez l'homme le mal est possible.
Les impératifs catégoriques expriment
qu'une action est nécessaire pour elle-même, objectivement, sans autre but.
L'impératif catégorique n'est soumis à aucune condition particulière et est
donc toujours valable quelles que soient les circonstances.
Tandis que les impératifs catégoriques expriment la
nécessité pratique d'une action comme moyen d'arriver à quelque chose que l'on veut ou pourrait vouloir.
Ils sont
conditionnels.
Ils pourraient être ramenés à un ensemble de contraintes sociales et pour Kant, ils n'ont rien de
moral..
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