LE DEVOIR (cours de philosophie)
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Lorsque nous hésitons entre deux partis possibles, nous ne nous demandons pas ce que notre nature nous porte à faire, mais ce que nous devons faire. I. ANALYSE DE LA NOTION - A - Idées d'obligation - Devoir et liberté. L'idée de devoir implique celle d'obligation-mais l'obligation morale est d'un tout autre ordre que la nécessité physique car elle suppose la liberté: «Tu dois, donc tu peux» (Kant). Je ne me sentirais pas obligé si je ne me sentais pas libre. C'est dire que le devoir est de l'esprit et non de la nature. Se soustraire à l'obligation morale, faillir à son devoir, c'est céder à la nature: «Être vaincu en soi-même par soi-même animal, c'est la faute» (Alain). On peut donc dire avec Schopenhauer que «le devoir, c'est ce qui est contraire à la nature» ; le devoir, en effet, implique toujours effort et contrainte et c'est pourquoi on ne peut parler des devoirs de Dieu ni de sa vertu. Mais comme cette contrainte est celle qu'exerce l'esprit sur le corps, on voit que c'est en faisant son devoir que l'homme affirme le mieux sa liberté, qui est autonomie. Et la conscience nous instruit infailliblement de nos fautes parce qu'elles sont des faiblesses. - B - Idée de fin en soi - Devoir et intention. L'idée de devoir est liée à l'idée de bonne volonté, c'est-à-dire à l'idée d'une action que nous devons accomplir pour elle-même, indépendamment de toute considération eudémoniste ou utilitaire. « Fais ce que dois, advienne que pourra», telle est la formule générale du devoir. Il faut donc distinguer avec Kant la simple légalité de la moralité proprement dite: un acte qui est conforme au devoir est légal mais non moral, si ce n'est pus le seul souci de faire son devoir qui l'a inspiré. Qu'elle soit commandée par l'inclination ou par l'intérêt, par la bonté ou par le calcul, l'action n'a « aucune vraie valeur morale» si elle procède d'une autre source que le pur respect de la loi morale. Il en résulte que «jamais peut-être un acte de pur devoir n'a été accompli » et que la vraie moralité est tout intérieure : les autres peuvent juger de la légalité de mes actes ; je suis seul juge de leur moralité, car je suis seul à savoir si je m'abandonne ou si je me conduis.
«
Lorsque nous hésitons entre deux partis possibles, nous ne nous demandons pas ce que notre nature nous porte à faire, mais ce que
nous devons faire.
I.
ANALYSE DE LA NOTION
- A - Idées d'obligation - Devoir et liberté.
L'idée de devoir implique celle d'obligation-mais l'obligation morale est d'un tout autre ordre que la nécessité physique car elle suppose
la liberté: «Tu dois, donc tu peux» (Kant).
Je ne me sentirais pas obligé si je ne me sentais pas libre.
C'est dire que le devoir est de
l'esprit et non de la nature.
Se soustraire à l'obligation morale, faillir à son devoir, c'est céder à la nature: «Être vaincu en soi-même
par soi-même animal, c'est la faute» (Alain).
On peut donc dire avec Schopenhauer que «le devoir, c'est ce qui est contraire à la
nature» ; le devoir, en effet, implique toujours effort et contrainte et c'est pourquoi on ne peut parler des devoirs de Dieu ni de sa
vertu.
Mais comme cette contrainte est celle qu'exerce l'esprit sur le corps, on voit que c'est en faisant son devoir que l'homme affirme
le mieux sa liberté, qui est autonomie.
Et la conscience nous instruit infailliblement de nos fautes parce qu'elles sont des faiblesses.
- B - Idée de fin en soi - Devoir et intention.
L'idée de devoir est liée à l'idée de bonne volonté, c'est-à-dire à l'idée d'une action que nous devons accomplir pour elle-même,
indépendamment de toute considération eudémoniste ou utilitaire.
« Fais ce que dois, advienne que pourra», telle est la formule
générale du devoir.
Il faut donc distinguer avec Kant la simple légalité de la moralité proprement dite: un acte qui est conforme au
devoir est légal mais non moral, si ce n'est pus le seul souci de faire son devoir qui l'a inspiré.
Qu'elle soit commandée par l'inclination
ou par l'intérêt, par la bonté ou par le calcul, l'action n'a « aucune vraie valeur morale» si elle procède d'une autre source que le pur
respect de la loi morale.
Il en résulte que «jamais peut-être un acte de pur devoir n'a été accompli » et que la vraie moralité est tout
intérieure : les autres peuvent juger de la légalité de mes actes ; je suis seul juge de leur moralité, car je suis seul à savoir si je
m'abandonne ou si je me conduis.
- C - Devoir, raison et sentiment.
Kant tenait le devoir, par suite, pour une obligation strictement rationnelle.
En effet, puisque le seul souci de respecter la loi fait la
moralité, il faut considérer comme «pathologique» toute intervention du sentiment dans la vie morale ; ce que nous faisons volontiers,
c'est-à-dire par sentiment autant que par raison, ne présente aucune valeur vraiment morale ; il n'y a aucun mérite à faire ce qui ne
nous coûte pas.
- Toutefois, si l'on admet avec Comte que la raison n'a que de la lumière, il faut bien penser que le devoir relève aussi
du cœur : une obligation purement rationnelle, en effet, nous laisserait indifférents.
On peut donc considérer qu'il y a un sentiment du
devoir qui nous pousse à respecter la loi morale.
Ce sentiment est sans doute le sentiment de la fraternité et de la dignité humaines: le
devoir, dit Alain, «c'est une obligation d'être homme et non animal».
II.
LES PROBLÈMES
- A - Origines du devoir: raison et société.
La conscience commune considère avec Kant que le devoir est une obligation rationnelle.
Mais les Sociologues, pour qui d'ailleurs la
raison n'est qu'un produit social, soutiennent que cette obligation est d'origine sociale.
Selon eux, en effet, tout ce qui s'impose à
l'individu ne peut venir que de la société.
Notre conscience morale ne serait qu'une expression de la conscience collective et faire son
devoir ce serait obéir aux impératifs sociaux : « le devoir, c'est la société en tant qu'elle nous impose ses règles, assigne des bornes à
notre nature» (Durkheim).
Cela expliquerait que les devoirs varient d'une société à l'autre.
- Mais les Sociologues confondent le
politique et le moral : les devoirs que nous impose notre conscience sont valables bien au-delà des limites de notre groupe social et
cela montre qu'il faut chercher leur source dans une réalité extérieure et supérieure à toute société particulière.
Cette source est
l'Esprit.
- B - Objet du devoir: individu, société, humanité.
On ne peut donc admettre avec les Sociologues que l'individu n'ait de devoirs qu'envers la communauté à laquelle il appartient et
envers lui-même seulement dans la mesure où cela est utile à la communauté.
On ne peut admettre non plus, comme ferait un
Calliclès, que l'individu n'ait de devoirs qu'envers lui-même.
Si l'on admet, en effet, que le devoir est une obligation rationnelle, cette
obligation, comme tout ce qui est de la raison, ne peut être limitée ni à un individu ni à un groupe : elle est universelle, valable pour
tous les êtres doués de raison.
C'est envers l'humanité, en moi et en autrui, que j'ai des devoirs.
D'où les trois formules kantiennes du
devoir:
1 - Agis toujours de telle sorte que tu puisses vouloir que la maxime de ton action soit érigée en règle universelle ;
2 - Traite l'humanité en toi-même et en autrui toujours comme une fin, jamais comme un moyen ;
3 - Agis en te considérant comme sujet et souverain d'un royaume des fins (autonomie).
- C - Nature du devoir - Le devoir et le bonheur.
Selon Kant, et c'est bien le point de vue de la conscience commune, le devoir est un «impératif catégorique», c'est-à-dire que la raison
nous l'ordonne sans donner ses raisons.
Il se distingue des «impératifs hypothétiques» de la prudence ou de l'habileté, dans lesquels
l'ordre de la raison est subordonné à une intention qui lui est étrangère.
Il n'est pas douteux que la morale proprement dite ne consiste
en un accomplissement inconditionné du devoir.
Mais cet idéal moral que pose la raison pratique rencontre bien des obstacles et
soulève bien des difficultés dans le monde réel.
Aussi faut-il demander au bon sens de nous dire comment dans une société réelle, et
non dans une république des fins, nous pouvons faire le moins de mal possible.
Le devoir serait sans doute le bien suprême dans un
monde idéal, mais notre monde est imparfait et la sagesse se contente de poursuivre un Bien qui soit à la mesure de l'homme, le bien
en ce monde étant peut-être le moindre mal.
CONCLUSION
Le devoir est un «fait de la raison pratique», comme le dit Kant, en ce sens qu'il est un ordre inconditionné que nous donne notre
conscience.
Mais il faut bien avouer qu'il ne suffit pas de faire son devoir pour être heureux et qu'il peut même arriver, ici-bas, qu'on
fasse du mal en faisant son devoir..
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