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Le développement des sociétés et la réduction des inégalités sont-ils incompatibles ?

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« Le développement des sociétés et la réduction des inégalités sont-ils incompatibles ? 1) Position du problème Sont incompatibles deux idées ou deux réalités qui « s'excluent réciproquement, soit en fait, soit en droit » (Lalande). On peut alors se poser deux questions : L'histoire réelle des sociétés humaines est-elle en fait l'histoire d'inégalités croissantes ? • L'idée même du développement historique des sociétés rend-elle en droit impossible la réduction des inégalités ? Remarque.

Nous examinerons ici ces deux questions dans la perspective philosophique élaborée par Rousseau, parce qu'elle contient des éléments de réflexion qui peuvent nourrir l'analyse d'autres sujets ; il est naturellement possible de bien répondre à ces questions à partir de problématiques tout à fait différentes, complémentaires ou critiques de celle-ci. 2) L'histoire et inégalités selon Rousseau • Rousseau fait l'hypothèse d'un état de nature, dans lequel les hommes vivent dispersés, solitaires, au sein d'une nature abondante.

« L'inégalité est à peine sensible dans l'état de nature, dit-il, et son influence y est presque nulle » (Discours sur l'origine des inégalités, I). • Des circonstances « qui pouvaient ne jamais naître », telles que des inondations, des tremblements de terre, forcèrent les hommes à renoncer à cet état, à se rapprocher, à vivre ensemble.

Alors, bientôt « chacun commença à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même (...) ; et ce fut là le premier pas vers l'inégalité, et vers le vice en même temps » (Ibid.). • Ainsi, dans la pensée de Rousseau, la naissance de la société implique l'apparition d'inégalités, et son développement historique semble rendre possible, sinon nécessaire, leur multiplication. • Mais il faut préciser et nuancer davantage cette présentation de la thèse de Rousseau : L'état de nature, dans son esprit, n'est pas du tout un fait historique réel, mais une hypothèse méthodologique, une idée qui nous permet de mieux comprendre l'homme social d'aujourd'hui. Rousseau ne peut donc pas être nostalgique d'un tel « passé » ; bien plus, « l'homme devrait, nous dit-il, bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme » (Contrat social, I, 8). Conséquence : l'homme, aujourd'hui définitivement dénaturé vit à l'intérieur d'une histoire sociale irréversible et peut seulement chercher à définir de « bonnes institutions » celles qui « savent le mieux dénaturer l'homme » (Émile, II), c'est-à-dire lui permettre de réaliser sa nature essentielle en limitant les inégalités qui interdiraient cet accomplissement. 3) État juste et égalité • La philosophie politique de Rousseau ne pose aucune incompatibilité entre une société vraiment juste et une certaine réduction des inégalités ; au contraire, certaines inégalités sociales rendraient impossible l'existence de l'État idéal tel qu'il le définit. • Sont injustes les inégalités sociales qui donnent à certains le pouvoir d'imposer aux autres leur volonté particulière. Rousseau souhaite par exemple « que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre » (Contrat social, II, 11). • Le développement d'une société vraiment juste suppose donc une certaine réduction des inégalités.

Il suppose même une égalité fondamentale des citoyens : si en effet « le Peuple soumis aux lois en doit être l'auteur » (II, 6), on comprend que chacun de ses membres ne doit vouloir, dans l'idéal, que le bien commun ; « la condition étant égale pour tous, nul n'a intérêt de la rendre onéreuse aux autres » (I, 6). Ainsi, le développement de la nature humaine essentielle ne peut se réaliser qu'à l'intérieur d'une société où l'égalité, qui garantit la liberté, prévaut sur les inégalités, source de servitude.. »

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