Le développement des sciences est-il la recherche du savoir ou de la puissance ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
On entend par sciences, en un sens très large, toutes les disciplines élaborant une connaissance purement
rationnelle du monde.
Le ‘développement des sciences' est le processus par lequel les sciences progressent, en
créant les conditions de cette progression et en en tirant des acquis nouveaux.
On demande ici quel est l'objet de cette recherche du progrès scientifique : est-il un savoir, c'est-à-dire une plus
grande connaissance du monde, sans que le souci de l'application de cette connaissance soit pris en compte ? ou
est-il une puissance, c'est-à-dire l'augmentation d'un pouvoir, pouvoir sur le monde (et alors la science pourrait
alors être comprise comme étant au service d'un progrès technique permettant à l'homme une plus grande prise sur
le monde), pouvoir sur les autres (on pourrait concevoir une sorte d'organisation sociale du savoir scientifique, ceux
qui le possèdent étant puissants sur les autres et ceux qui ne le possèdent pas étant nécessairement soumis) ? La
distinction entre ‘recherche fondamentale' et ‘recherche appliquée' recoupe ainsi la distinction du sujet entre ‘savoir'
et ‘puissance'.
Il faudra donc proposer une définition des buts de la science dans le cadre de l'alternative proposée par le sujet :
savoir ou puissance ?
Proposition de plan
I.
La définition originelle des sciences comme recherche de l'accroissement du savoir
Le mot science vient du latin « scire », qui signifie « savoir » : les sciences semblent procéder d'une soif de
connaissance et de compréhension du monde.
On peut alors considérer la science comme une discipline recherchant
un accroissement du savoir pour lui-même, gratuitement, sans envisager des applications pratiques et donc une
augmentation de la puissance de l'homme sur son monde.
Laplace, Essai philosophique sur les probabilités
« Nous devons donc envisager l'état présent de l'univers comme l'effet de son état antérieur et comme la cause de
celui qui va suivre.
Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est
animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces
données à l'analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux
du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.
L'esprit humain offre, dans la perfection qu'il a su donner à l'astronomie, une faible esquisse de cette intelligence.
Ses découvertes en mécanique et en géométrie, jointes à celles de la pesanteur universelle, l'ont mis à portée de
comprendre dans les mêmes expressions analytiques les états passés et futurs du système du monde.
En appliquant
la même méthode à quelques autres objets de ses connaissances, il est parvenu à ramener à des lois générales les
phénomènes observés et à prévoir ceux que des circonstances données doivent faire éclore.
Tous ses efforts dans
la recherche de la vérité tendent à le rapprocher sans cesse de l'intelligence que nous venons de concevoir, mais
dont il restera toujours infiniment éloigné.
»
II.
Le problème de l'application pratique des sciences
Il apparaît cependant rapidement que les découvertes scientifiques, même si elles ont une origine désintéressée,
peuvent avoir des applications pratiques qui permettent d'améliorer considérablement la vie humaine.
La question
est de savoir si cette visée pratique peut être considérée comme essentielle à la science, ou si elle n'en est qu'une
des conséquences accidentelles.
Le risque est en effet de choisir de viser l'efficacité pratique plus que la
connaissance.
Il semble exister une tension entre ces deux fins de la science.
Auguste Comte
Pour Auguste Comte, toute recherche gratuite et désintéressée est un non-sens.
Il pense, au contraire,
que la connaissance scientifique doit être au service de la société et que les recherches qui n'ont d'autres
buts qu'elles-mêmes ne sont que perte de temps et luxe inutile.
Le positivisme développe une conception
pratique voire pragmatique de la connaissance scientifique.
« Science, d'où prévoyance : prévoyance, d'où action ; telle est la formule très simple qui exprime, d'une manière
exacte, la relation générale de la science et de l'art, prenant ces deux expressions dans leur acception totale.
Mais
malgré l'importance capitale de cette relation, qui ne doit jamais être méconnue, ce serait se former des sciences
une idée bien imparfaite que de les concevoir seulement comme les bases des arts, et c'est à quoi malheureusement
on n'est que trop enclin de nos jours.
Quels que soient les immenses services rendus à l'industrie par les théories
scientifiques, quoique, suivant l'énergique expression de Bacon, la puissance soit nécessairement proportionnée à la
connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant tout, une destination plus directe et plus
élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu'éprouve notre intelligence de connaître les lois des.
»
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