Le développement de la technique permet-il à l'homme d'acquérir une plus grande liberté ?
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[Introduction]
Si la technique est en effet à l'origine d'un incontestable progrès pour la condition humaine, c'est son
développement qui inquiète parfois.
Les opinions sont très partagées à l'égard du sens et de la direction que prend
le développement de la technique.
La technique apparaît tantôt bienfaisante et tantôt inquiétante.
L'enjeu fondamental est ici celui de l'articulation de la technique et de la liberté : le développement de la technique
permet-il à l'homme d'acquérir une plus grande liberté ? Le problème est de savoir si l'homme se retrouve dépassé
par ses propres inventions, ses propres conquêtes.
C'est au regard du statut de la technique qu'il nous faut
analyser cet enjeu : la technique est-elle libératrice ou devient-elle aliénante ?
[I.
La technique est libératrice]
Si la technique se définit comme la mise en oeuvre d'un moyen adapté à une fin, on peut penser qu'elle est
proprement humaine.
Qu'elle soit scientifique, artistique, poétique, génétique, la technique permet à l'homme de
marquer la nature du sceau de l'homo faber.
L'homme est le seul à fabriquer, à créer des outils, des instruments, des
stratégies qui lui permettent d'accéder de façon sûre au but qu'il s'est fixé.
La technique est spécifiquement
humaine parce qu'elle est avant tout l'oeuvre d'un esprit en marche.
Il y a technique lorsque l'homme se pose la
question : « Comment opérer pour ? ».
La technique est donc la résultante d'une opération de l'esprit, d'une pensée,
quand bien même elle apparaît parfois comme un tâtonnement empirique.
C'est pourquoi la technique s'inscrit dans
l'histoire de l'humanité, à tel point qu'elle est un indice de la mesure du progrès de l'homme.
On parle en effet de
l'âge de la pierre taillée, de l'époque de la révolution industrielle ou encore de la révolution génétique.
Le progrès de
l'espèce humaine est donc ponctué par l'histoire de la technique ; il n'y aurait pas d'histoire de l'homme s'il n'y avait
pas d'histoire de la technique.
Mais revenons sur le concept de progrès : on peut comprendre aisément que le
progrès est à l'homme ce que l'évolution est à la nature.
On parlera d'un phénomène d'érosion, alors qu'on évoquera
un processus de pasteurisation.
La technique est donc maîtrise, transformation de la nature.
Le développement de la technique correspond ainsi à
l'extension de la maîtrise de l'homme.
Les historiens mesurent le degré de civilisation avec l'avancée des techniques.
La maîtrise de la nature à toujours été un enjeu fondamental qui s'est très vite imposé à une humanité angoissée
par des phénomènes naturels qu'elle se bornait à interpréter, faute de pouvoir les expliquer.
Dans les traditions
antiques, la foudre était associée à la colère des dieux.
Avec le développement de la technique, on comprend qu'il
s'agit en fait d'un phénomène électrique et on envisage même désormais de récupérer un jour l'énergie électrique
que dégage un éclair.
La science cherche à connaître.
La technique cherche à maîtriser.
Descartes voyait déjà dans
la technique la possibilité pour l'homme de devenir «comme maître et
possesseur de la nature ».
On comprend bien qu'il s'agit pour l'homme d'une
chance de se libérer de la puissance de la nature par une maîtrise.
En ce
sens, le développement de la technique permet à juste titre à l'homme
d'acquérir une plus grande liberté.
C'est la machine qui permet à l'homme de
réaliser ce que la nature lui refusait : l'avion lui permet d'évoluer dans l'air, les
bouteilles d'air comprimé lui permettent d'évoluer sous l'eau, la vitesse lui
permet d'évoluer rapidement sur terre et de maîtriser désormais tous les
espaces.
Mais plus encore, la puissance du feu lui permet d'échapper à
l'attraction terrestre au point d'évoluer dans l'espace et de découvrir la Lune
et bientôt Mars.
Enfin, c'est par la technique médicale que l'homme lutte contre son pire
ennemi : la mort.
La vieillesse recule, l'espérance de vie s'accroît, les maladies
se soignent de plus de plus et l'acharnement thérapeutique tente de reculer
les limites finales d'une condition humaine, dont on sait pourtant qu'elle est et
qu'elle sera toujours mortelle.
Ces avancées, ce développement sont bien la
marque d'un progrès libérateur dont personne ne peut contester qu'il permet à
l'homme d'acquérir une plus grande liberté.
[II.
Le développement technique compromet la liberté de l'homme]
Pourtant, malgré tous ces progrès matériels, la technique ne va pas sans
sacrifice.
Certains sont en effet sacrifiés au nom de la technique.
C'est du moins ce que pense Karl Marx lorsqu'il
associe le développement technique à l'aliénation.
La révolution industrielle a engendré la division du travail.
C'est
cette division du travail qui est néfaste.
Le machinisme finit par abrutir le travailleur qui est dépossédé de son
travail.
Loin de s'affirmer dans son travail, l'ouvrier devient malheureux.
Réfléchissons : un artisan ébéniste va
concevoir puis réaliser la commode qu'il avait décidé de faire.
Il se reconnaîtra ainsi dans la réalisation de son
ouvrage, il sera satisfait, épanoui et libre.
En revanche, un ouvrier travaillant à la chaîne ne fait que participer d'un
geste répétitif à la fabrication d'une multitude d'objets dans lesquels il ne se reconnaîtra jamais.
Le geste devient
mécanique, abrutissant.
La pensée se sclérose et l'homme devient stupide.
Marx ira jusqu'à dire que, dans cet état,
il pourra être le jouet de toute nouvelle idéologie.
Réduit à la simple réalisation, éloigné de toute conception,
l'ouvrier n'est que l'esclave d'un développement technique qui a préféré sacrifier la liberté de quelques-uns pour la
gloire de tous.
C'est ici précisément qu'apparaissent les inégalités entre les hommes.
Les uns pensent, les autres réalisent.
Les uns
possèdent, les autres sont aliénés.
Les uns jouissent de la propriété et de l'aisance, les autres sont sacrifiés.
On.
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