Le désir serait-il un manque impossible à satisfaire ?
Extrait du document
«
Le désir se distingue le plus nettement du besoin par le fait qu'il ne porte pas sur un objet précis capable de le
combler.
Celui qui désire la gloire n'en sera jamais rassasié, ni celui qui désire la richesse.
Le personnage de Dom
Juan illustre à la perfection la mobilité incessante du désir, en l'occurrence du désir amoureux.
Les commentaires
pour rendre raison de cette insatisfaction irréductible sont très variés et parfois contradictoires.
Ainsi Platon donne
pour but ultime à l'amour sexuel l'unité entre le sujet humain et son autre moitié, dont il a été séparé.
Pour d'autres,
la fusion amoureuse serait rendue impossible par la différence entre les individus.
Lévinas, philosophe contemporain,
propose une explication inverse : l'amour d'un homme pour une femme serait le désir d'une différence irréductible,
qu'il nomme l'altérité, si bien que par définition elle exclurait la fusion et la possession.
Freud se demande pourquoi la
relation de l'amant à son objet s'oppose, par son besoin de changement, à celle qui relie fidèlement l'alcoolique au
vin qu'il aime boire : « Aussi étrange que cela paraisse, je crois que l'on devrait envisager la possibilité que quelque
chose, dans la nature même de la pulsion sexuelle, ne soit pas favorable à réalisation de la pleine satisfactions.
»
L'amour, en tout cas le désir amoureux, aurait besoin d'obstacles, voire d'interdits.
L'interdiction de l'inceste oblige
l'individu humain à remplacer l'objet primitif de son désir - le père ou la mère - par un substitut.
L'importance de
l'interdit et de la pudeur dans l'humanisation du désir avait déjà été mise en lumière par Kant dans son interprétation
de l'histoire humaine à partir du texte de la Genèse.
Le désir est inspiré par l'imagination, qui ne s'arrête pas au possible, mais qui nous fait désirer l'absolu et
l'inaccessible : cela peut être l'immortalité, le paradis perdu des satisfactions passées, la toute-puissance, ou
encore la pleine reconnaissance de notre valeur par autrui, que ce soit sur le mode de la fusion ou de la domination.
On constate que, dans toutes ces définitions, le désir suppose l'existence d'un obstacle à surmonter et, à l'horizon,
une fin inaccessible.
1.
Le regret
Le désir est le regret (desiderium, en latin) de notre primitive nature, du tout que nous formions avant d'être
séparés par le dieu (Platon, Le Banquet, discours d'Aristophane) : à l'origine, l'homme était double, à la fois masculin
et féminin.
Zeus, dans un moment de colère, a séparé en deux cet être singulier.
Ainsi, l'excès propre au désir est
en réalité le signe d'un manque, d'une nostalgie de l'état originel.
Il est fils « de Pauvreté et d'Expédient » (discours
de Diotime), condamné à être toujours insatisfait.
Il est impossible, comme le voudrait Calliclès (Gorgias), d'assouvir
tous ses désirs.
La théorie la plus classique qui définit la liberté comme absence de contraintes et libre jeu des passions est celle de
Calliclès, sophiste du ive siècle av.
J.C., adversaire acharné de Socrate.
Définissant l'impossibilité du bonheur dans
l'état de servitude et d'esclavage à l'égard d'un autre ou des autres, il préconise la culture des passions et des
désirs que l'on doit multiplier et accroître en nombre et en intensité pour les satisfaire lorsqu'ils atteignent leur plus
haut degré.
Si la répression et la maîtrise de ses instincts, volontés, désirs, pulsions de vie engendrent tristesse et
douleur, l'épanouissement et le plein éclat des forces de vie, ainsi que de notre puissance, nous réalisent dans le
plaisir et la volupté.
Cette culture de la force vitale est un art véritable, réservé à peu de gens.
L'opprobre général
auquel un tel mode de vie donne lieu l'atteste largement.
Les disciples d'Epicure n'ont-ils pas été par la suite traités
de pourceaux ? Notre lâcheté et notre faiblesse nous font préférer la tempérance, la mesure et la justice.
Pour
quelques caractères d'exception qui en ont le courage et la force, la liberté consiste à vivre dans le luxe,
l'incontinence et les passions démesurées.
D'où la nécessité de réprimer les désirs « terribles, sauvages, sans lois » (La République, IX).
2.
La maîtrise
La volonté et la raison permettent de régler les désirs.
Pour Descartes, les désirs et les passions viennent du corps,
et il serait erroné de croire qu'ils agissent en nous comme une fatalité.
En revanche, il est impossible de changer le
cours de la nature.
La sagesse est donc de « vaincre ses désirs plutôt que l'ordre du monde» (Discours de la
méthode)..
»
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